CE N’A PAS ÉTÉ FACILE pour l’informatique de coller à l’histoire chaotique de la préparation officinale. Longtemps, celle-ci a été empirique, au point que les pharmaciens, en l’absence de texte, ont fini par en produire un sur la base des bonnes pratiques. « Ce texte, conçu par des pharmaciens et des universitaires est tombé dans les oubliettes », se souvient Didier le Bail, titulaire de la pharmacie des Quatre chemins, à Grasse dans les Alpes Maritimes, et lui-même préparateur. « Dans ce contexte, les entreprises qui auraient pu commercialiser un logiciel se sont bien gardées de le faire puisqu’elles couraient le risque de le voir devenir caduque dès lors que les autorités publiques auraient légiféré. » Cela n’a pas empêché certains de se lancer et de produire des outils, parmi lesquels celui édité par CIP a survécu. Repris ensuite par Pharmagest, ce module gestion des préparations existe toujours chez l’éditeur, qui ne l’a pas porté sous LGPI, son produit phare, le marché n’étant pas des plus prometteurs. En effet, ces préparations officinales sont de moins en moins demandées sous l’effet de leur déremboursement décidé au début des années 2000. L’absence de texte encadrant ces pratiques n’arrange rien. Mais les autorités publiques se voient enfin obligées de légiférer. « Il a fallu attendre un accident pour qu’elles le fassent dans la précipitation », regrette Didier Le Bail. Les bonnes pratiques préparatoires (BPP) sont édictées fin 2007 et bouleversent la donne. « Bon nombre de pharmaciens ont été obligés d’arrêter parce qu’ils n’avaient pas les moyens d’assurer la traçabilité de ces préparations. »
Deux démarches distinctes.
Au cœur de ces BPP se trouve en effet l’obligation d’assurer la traçabilité non seulement de la préparation en elle-même, mais aussi de ses composants et de son conditionnement. À ce stade, l’informatique se révèle indispensable pour toutes les officines qui continuent de faire des préparations de manière massive et deux entreprises décident alors de se lancer dans l’aventure, Fagron et la Cooper. Toutes deux ont parmi leurs activités une branche spécialisée dans tout ce qui est préparations officinales et livrent aux officines tous les matériels et composants nécessaires (matières premières, balances, conditionnement etc…). La première décide de conclure un partenariat exclusif avec la société Accos, un des rares acteurs historiques ayant créé un logiciel de préparation officinale plus particulièrement dédié aux sous-traitants. « Nous avons demandé à Accos de développer une version simplifiée de ce logiciel afin de le vendre aux pharmacies qui décident de ne pas passer par des sous-traitants et de faire leurs préparations elles-mêmes », raconte Jérôme Germanaud, directeur marketing de Fagron. La seconde fait l’inverse et crée un logiciel ex-nihilo. « Nous avons demandé à un éditeur de le concevoir en fonction d’un cahier des charges très détaillé », évoque François Ardiet, directeur de l’activité préparatoire chez la Cooper. Résultat, le marché a enfin au moins deux logiciels, en version sous-traitants et en version simplifiée pour répondre à la demande. Sans compter le module CIP toujours présent et que Pharmagest pourrait un jour intégrer au LGPI. « Le potentiel d’un tel produit est faible, argumente Olivier Morlot, mais nous réfléchissons à la manière de répondre à certaines grandes officines qui font beaucoup de préparations. » Ajoutons à cela les développements récents d’Isipharm, et l’on arrive à une offre qui commence à être intéressante. « Les nouveaux logiciels apparus sur le marché sont à la fois plus performants et plus conviviaux, apprécie Dominique Martin Privat, présidente de la Société des Officinaux Sous Traitants en Préparations (SOTP). Et ils répondent à la demande actuelle. »
Gérer les nomenclatures.
Que cette offre se soit développée en marge des principaux logiciels de gestion officinale se comprend. D’une certaine manière, il est plus facile de créer un logiciel à part pour gérer les préparations que d’avoir affaire à un module qu’il faut intégrer, articuler avec les autres fonctionnalités d’un logiciel de gestion classique. Le problème se pose notamment pour la gestion des stocks et c’est ainsi d’ailleurs qu’Isipharm l’a considéré. « Soit on n’arrivait pas à trouver les préparations en stock, soit on les trouvait et on créait automatiquement un promis », explique Sébastien Laudrot, titulaire en Saône et Loire et « béta-testeur » pour Isipharm. Désormais une fonctionnalité de Leo permet de garder une trace de la facturation sans générer de promis. La gestion des stocks dans le domaine des préparations est particulière car on ne peut se contenter de commander X boîtes puisque souvent la matière première se compte en grammes et non en unités, et cela est particulièrement important pour l’homéopathie. « Cela demande une gestion rigoureuse des nomenclatures », souligne Olivier Morlot.
Les nouveaux logiciels ont eu à cœur eux de concentrer leurs efforts sur la traçabilité, ce qui au demeurant demande aussi une bonne gestion des nomenclatures afin de pouvoir spécifier les quantités utilisées pour les préparations. Cela commence dès la réception des matières premières, chaque élément reçu est étiqueté, avec le nom du fournisseur, la date de réception, celle, essentielle de péremption parce qu’elle permet de gérer les périmés, le numéro de lot interne… Toute information qui permet d’identifier le produit à n’importe quel stade de la préparation. « Il faut une traçabilité montante et descendante des produits », affirme ainsi Dominique Martin Privat. C’est-à-dire appeler un produit par sa provenance, par le produit lui-même, par le patient etc… et cela à tout moment. L’étiquette à la réception doit pouvoir enregistrer le maximum d’informations, c’est pour cette raison que les éditeurs utilisent la technologie Data Matrix, considérée par certains comme le successeur de l’actuel code-barres et capable de contenir beaucoup plus d’informations. Une façon de devancer les échéances légales puisqu’au 31 décembre 2010, cette technologie (EAN 128 Data Matrix ECC.200) sera obligatoire pour tous les médicaments. Toutes les données sont ainsi scannées et enregistrées dans des bases informatiques. Outre le respect des obligations légales, cela permet aussi d’accélérer sensiblement le temps dédié à la réception, « c’est entre huit et dix fois plus rapide qu’à la main », insiste François Ardiet.
Mesurer le temps de la préparation.
L’autre phase essentielle gérée par les nouveaux logiciels est la préparation elle-même. Ils permettent de créer une fiche de fabrication visée par le pharmacien mais dont la conception laisse une place importante au préparateur lui-même afin notamment d’évaluer la cohérence de la préparation. Et surtout de gérer l’étape de la pesée, considérée comme le plus important par François Ardiet. « Le contrôle automatique de la pesée permet de gagner du temps », souligne-t-il. « Et d’éviter un dépassement de la quantité nécessaire puisque la balance est reliée au logiciel » ajoute Jérôme Germanaud. L’informatisation de cette étape essentielle a aussi une autre vertu, elle facilite l’évaluation tarifaire de la préparation puisqu’elle identifie distinctement les différentes étapes de la procédure ainsi que le temps qui leur est consacré. C’est en effet la difficulté générée par le déremboursement, « pour une préparation, il y aura dix prix différents », précise Jérôme Germanaud. Au risque de ne pas bien évaluer le vrai prix de revient d’une préparation. Beaucoup d’officines se basent sur le Tarex pour évaluer leurs préparations, mais de l’avis des acteurs du marché, cette forme coutumière de tarification est trop complexe et n’a plus de réalité économique. Les éditeurs proposent donc une évaluation plus précise, intégrant la valeur des matières utilisées et le temps précis passé à la préparation. Car au préparatoire aussi, le temps c’est de l’argent…
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