DEUX des trois syndicats d’officinaux et l’assurance-maladie ont récemment conclu un nouvel accord générique pour 2014. L’avenant, signé par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), prévoit un objectif de substitution de 85 % pour cette année. Ce qui représente une progression de 2,5 points par rapport à 2013. Sur le papier, cet objectif a l’air simple à réaliser. Mais, en réalité, maintenir un taux élevé de substitution requiert des efforts de la part des officinaux, notamment en raison de l’arrivée de nouvelles molécules dans le champ de la substitution qui font mécaniquement reculer le taux. Autre obstacle de plus en plus souvent rencontré au comptoir, l’hostilité des prescripteurs qui inscrivent avec délice la mention « non substituable » sur leurs ordonnances, voire tout simplement « NS » pour les plus pressés, quand ils ne demandent pas à leurs patients de le faire eux-mêmes.
Les mordus du NS.
Certains médecins n’hésitent pas à porter la mention NS à côté de chacune de leurs lignes de prescription. C’est le cas de ce médecin du Bas-Rhin fortement opposé aux génériques et qui témoigne dans « le Quotidien du Médecin » du 2 juin. « Tant qu’il n’y avait pas à se bagarrer pour que mes patients aient un produit princeps, je n’ai rien fait, raconte-t-il. Mais depuis 2012 et le renforcement du dispositif tiers payant contre générique (TPCG), j’appose systématiquement la mention « non substituable » en toutes lettres devant chaque ligne de prescription. Je le fais pour que mes patients n’aient pas à faire l’avance de frais chez le pharmacien. » Ce prescripteur alsacien âgé de 67 ans se justifie : « Si les pouvoirs publics avaient voulu faire quelque chose d’intelligent, ils auraient mis en place un tarif forfaitaire de responsabilité (TFR) pour chaque classe thérapeutique dans laquelle le médicament de référence est tombé dans le domaine public. Le problème aurait été réglé et on ne se serait pas compliqué la vie avec des génériques. » Des génériques dont on ne sait rien de la qualité ni de l’origine des matières premières, martèle-t-il. Et qui sont également un casse-tête pour les personnes âgées. « Un de mes patients a pris simultanément pendant plusieurs semaines du Lasilix et deux de ses copies génériques, sans réaliser qu’il prenait trois fois le même médicament, rapporte-t-il. Cela aurait été un médicament sensible, il aurait pu y rester. » Déjà convoqué il y a un an par la caisse d’assurance-maladie dont il dépend, le praticien du Bas-Rhin n’a pas pour autant infléchit sa position. Mais les récentes déclarations du directeur général de la caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM), Frédéric van Roekeghem, menaçant les médecins récalcitrants de sanctions (voir encadré), pourraient le faire changer d’avis. Le prescripteur anti-génériques envisage en effet de cesser de mettre du « NS » partout seulement s’il reçoit la menace précise que ça va lui retomber dessus. « Sinon, je ne céderai pas, d’autant que mes patients sont tous violemment opposés aux génériques », prévient-il.
Trouver un accord avec les médecins.
Des propos qui ne semblent pas contrarier outre mesure le président de l’USPO, Gilles Bonnefond. « Il nous faut trouver un accord entre médecins et pharmaciens et les mentions NS disparaîtront toutes seules des ordonnances, augure-t-il. Certes, il y aura peut-être encore des excès de certains médecins, mais ils seront minoritaires, comme il existe quelques pharmaciens non substitueurs. » En tout cas, la démarche anti-substitution du praticien alsacien n’est pas appréciée de tous ses confrères. En particulier du président du Conseil national de l’Ordre des médecins, le Dr Patrick Bouet : « L’Ordre n’accompagne pas ce type de choix, la liberté de prescription, c’est exprimer un choix raisonné. »
Pour le président de la FSPF, Philippe Gaertner, le recours au « non substituable » n’est fort heureusement pas une pratique systématique chez les prescripteurs, mais est un véritable souci pour les officines qui se trouvent à proximité de praticiens qui l’utilisent de façon abusive. Elle serait même, selon lui, la raison principale du faible taux de substitution rencontré dans certains départements, comme l’Alsace. Aussi considère-t-il que l’action envisagée par la CNAM représente une démarche d’équité entre les pharmaciens. « Aujourd’hui, explique-t-il, l’économie portée par le générique est un élément indispensable à l’équilibre de nos entreprises. Quand quelqu’un ne peut pas bénéficier de cette économie spécifique, il est pénalisé de façon injuste par une démarche qui n’a aucune logique de santé publique. Il prend de plein fouet les baisses de prix, sans bénéficier d’éléments compensateurs. »
Sur le terrain, les confrères ont conscience que l’opération de la CNAM pourrait leur permettre de respecter leurs objectifs. « Si j’enlève les ordonnances portant la mention NS, d’un taux de 92 % actuellement, je passerais à plus de 99 %, mais à force de ménager les prescripteurs et les patients récalcitrants, on se retrouve dos au mur en laissant planer un doute sur le générique », déplore ainsi une titulaire, Caroline, sur le site Internet du « Quotidien »*. Avis partagé par un autre internaute : « Mon taux générique est de 85 % et, une fois les mentions NS écartées, ce chiffre monte à 98 % (selon la CPAM). Mais on constate une forte pression des patients sur leur médecin pour le NS. » Quoi qu’il en soit, non seulement facteur d’équilibre pour l’économie des officines, la lutte contre l’abus de NS est aussi un moyen d’améliorer les comptes publics. En effet, le coût de cette pratique est évalué à 110 millions d’euros par an.
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