En France, l'accès aux soins n'est plus une évidence. Voilà ce que laisse à penser l'histoire de Leslie Salut, 40 ans. Après un cancer du sein en 2009 traité par chimiothérapie, mastectomie et radiothérapie, et une récidive en 2013 traitée par chimiothérapie, elle se voit proposer une chimiothérapie orale (Xeloda et Navelbine) lorsqu’elle rechute en 2015. Une thérapie qui fonctionne à partir de janvier 2016, lorsque son oncologue y associe une injection d’Avastin toutes les trois semaines. La patiente est satisfaite, elle peut continuer à travailler et à s’occuper de son fils de 13 ans. Mais au 1er septembre, l’Avastin est radié de la liste en sus (pour cette indication), ce dispositif qui assure la prise en charge directe par l’assurance-maladie des traitements innovants et coûteux. L’hôpital ne peut intégrer le coût de l’injection (1 632,50 euros) dans son budget, Leslie n'en a pas les moyens et risque une interruption de son traitement, pourtant efficace…
En désespoir de cause, elle lance un appel à dons sur une plateforme de crowdfunding. Alors que ses démarches et celles de son oncologue étaient restées lettre morte, la médiatisation pousse la Sécurité sociale à s’emparer de son cas, qu’elle transmet au Régime social des indépendants (RSI) dont elle dépend. Le médecin-conseil accorde une prise en charge « à titre dérogatoire dans ce cas précis », mais insiste bien sur le fait que « l’avis de la HAS, pertinent scientifiquement, doit prévaloir et la règle doit demeurer ».
Radiations
Cette situation découle directement du décret du 25 mars 2016 modifiant les critères d’inscription et de radiation des médicaments de la liste en sus (voir ci-dessous). Les associations de patients, les professionnels de santé et les entreprises du médicament ont tiré le signal d’alarme. Sans être entendus. Le LEEM évoquait pourtant « une véritable menace en termes d’accès au progrès thérapeutique », prédisant que le texte pouvait « avoir pour conséquence directe de priver les patients à l’hôpital d’une vingtaine de médicaments, dont de nombreux anticancéreux ». Car « les médicaments radiés ne seront plus accessibles aux patients dans les établissements hospitaliers qui ne seront pas en capacité de les financer sur leurs budgets propres ». Des radiations sont belles et bien intervenues depuis la parution du décret.
Usages exceptionnels
Ce que le LEEM reproche au nouveau cadre réglementaire, c'est son manque de flexibilité. S’il reprend les mêmes critères d’inscription et de radiation de la liste en sus qui étaient jusqu’alors recommandés, il n’offre pas de possibilité d’adaptation à des cas particuliers, pourtant fréquents en oncologie. « Il ne suffit pas d’appliquer de manière froide des critères, mais d’évaluer les conséquences pour les patients. Dès la prise de décision d’une radiation, il faut adapter les protocoles de prise en charge, donner un délai pour terminer certains protocoles pour des patients en cours de traitement, et réussir à discriminer, autant que possible, les usages de chaque traitement chez des patients présentant plusieurs cancers… », estime Éric Baseilhac, directeur des Affaires économiques et internationales du LEEM. Voire accorder des usages exceptionnels dans des cas précis.
Combien d’autres Leslie Salut se retrouvent aujourd’hui dans une impasse thérapeutique ? Difficile à savoir. Un article du « Monde » paru fin mai estime que « 400 femmes » n’ont pas accès à l’Avastin pour traiter un cancer du col de l’utérus à un stade avancé ou en récidive. « Cela met en lumière une autre conséquence directe du décret. Outre des radiations de la liste en sus, le texte entraîne aussi des non-inscriptions. Avastin a obtenu une extension d’indication dans le cancer du col de l’utérus mais n’est pas inscrit sur la liste en sus pour ce cancer. La question est de savoir combien de médicaments sont ainsi empêchés d’accès à l’hôpital à cause de ces critères », se demande Éric Baseilhac.
Inégalité de traitement
Le P-DG du groupe Roche, fabricant de l’Avastin, avait lui aussi exprimé* sa surprise après la découverte des nouvelles règles françaises et de la radiation partielle de son médicament vedette. Aux yeux de Severin Schwan, c’est une « première fissure dans le principe d’accès aux soins qui caractérise la France ». Et d’expliquer que dans les pays où les payeurs sont les patients, le groupe suisse met en place des programmes spécifiques pour les populations pauvres, comme aux États-Unis, ce qui est possible parce qu’il bénéficie de « prix élevés permettant de financer ces programmes ». En France, l’accès était jusqu’alors garanti à tous, compensant ainsi la négociation de prix plus bas qu’ailleurs. Désormais, « cette équation ne fonctionne plus », constate Severin Schwan. Face à ces risques d’inégalité de traitement pour les patients Français, le LEEM place ses espoirs dans la nouvelle administration et la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, très sensible au sujet. « On ne devrait utiliser que des critères économiques pour l’accès ou non à la liste en sus, affirme Éric Baseilhac. Soit le médicament a un coût supérieur à 30 % du tarif GHS** et il entre dans la liste en sus, soit ce coût est inférieur et il est financé sur le budget de l’hôpital. Quoi qu’il en soit, il sera nécessaire d’optimiser les tarifs GHS non adaptés et la liste en sus devra être régulée économiquement. »
* Article paru le 20/09/2016 dans « Les Échos » : « Pour Roche, la règle du jeu est en train de changer en France ».
** Groupe homogène de séjour : tarif applicable à un groupe homogène de malades (GHM). Un système de traitement automatique classe les patients après hospitalisation dans ces GHM.
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