POUR UNE PATHOLOGIE légère et courante, aucun pharmacien n’ira consulter un médecin. C’est une constante chez ces professionnels de santé dont le rôle de premier recours auprès de tout patient joue aussi pour eux. Mais, en l’absence d’amélioration au bout de quatre ou cinq jours, les comportements divergent. Les uns changent de traitements ou le renforcent, considérant qu’ils sont capables de se soigner, les autres se rendent finalement chez le médecin, de façon à confirmer – ou infirmer – leur diagnostic. « Dans mon cas, je recours à l’automédication de manière presque systématique, je consulte un médecin lorsque je dois faire un bilan ou des examens complémentaires. Mais ce n’est pas forcément une généralité dans la profession, cela dépend de la confiance en soi du pharmacien et de la confiance qu’il porte au médecin. Mon équipe, qui ne comprend que des femmes, a davantage recours au médecin. L’une d’elle est d’ailleurs femme de médecin », explique Pierre Kreit, titulaire à Vanault-les-Dames (Marne), président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de Champagne-Ardenne et du syndicat des pharmaciens de la Marne.
Matthieu, adjoint en région parisienne, se dit peu malade et se soigne a minima, mais il compte sur la prévention. « Je suis sujet aux bronchites, je pense à prendre des stimulants des défenses immunitaires en hiver. S’il s’agit d’un rhume, je ne prends pas de décongestionnant, je commence par nettoyer les fosses nasales et je prends de l’aspirine. Je privilégie des méthodes plus mécaniques, ce qui fait souvent partie du conseil associé. Nous sommes censés savoir faire la part des choses. Si cela dure et que ce n’est pas infectieux, je change de traitement, je ne vais pas voir le médecin. Néanmoins, il peut être nécessaire de consulter car il est difficile d’être son propre patient. Quoiqu’il arrive, je prévois au moins une visite annuelle chez mon médecin pour faire un bilan, une prise de sang. » Ses connaissances de pharmacien lui permettent aussi de reconnaître aisément une pathologie bénigne, ce qui l’aide à tolérer des symptômes parfois pénibles sans s’inquiéter. Un avis qui n’est pas partagé par Paul, sujet à ce qu’il appelle « le syndrome de l’étudiant en médecine ». « Tel symptôme peut être le révélateur d’une palette de pathologies. Je vais systématiquement penser que je suis concerné par la plus grave. J’ai besoin d’être rassuré. »
Prévention.
Caroline Hauchecorne, adjointe à Bagneux (Hauts-de-Seine) avoue également un recours systématique à l’automédication, consultant finalement son médecin pour s’assurer qu’elle ne fait pas fausse route. Un médecin traitant qu’elle a déclaré il y a peu. « Durant mes études, je ne me suis pas très bien prise en charge, mon suivi était erratique alors que je suis asthmatique. J’essaie maintenant de rentrer dans le droit chemin. » Quant à sa titulaire, Caroline N’Guyen-Neyraud, dont l’officine s’oriente vers le naturel et le bio, elle se tourne d’abord vers l’homéopathie et la phytothérapie pour se soigner et soigner sa famille. Mais si les symptômes sont aigus, elle privilégie l’allopathie et va voir le médecin s’ils s’aggravent. « Je vais rarement voir un médecin car pour certaines pathologies, la prévention suffit. Mais étrangement, le médicament, qu’il soit homéopathique ou allopathique, n’est pas une priorité pour moi. Je vais voir l’ostéopathe et l’acupuncteur deux fois par mois (…) je me tourne beaucoup vers les médecines parallèles. » De même Ève Boschetti, co-titulaire à Plaisir (Yvelines), s’automédique régulièrement. « Je consulte mon médecin surtout pour mes enfants, mais aussi pour moi quand il s’agit de traitements de fond et de renouvellement. »
D’autres pharmaciens avouent une automédication courante, passant sans hésiter aux antibiotiques s’ils n’obtiennent pas d’amélioration au bout de cinq jours. « On bricole beaucoup, on a tendance à retarder la consultation. Lorsque je me décide à aller voir un médecin, c’est souvent un spécialiste », note Christelle, qui n’a d’ailleurs pas déclaré de médecin traitant. Seule Véronique Lieutier, adjointe intérimaire à la recherche d’un poste stable en région parisienne, considère que sa liberté d’accès à la pharmacopée ne l’autorise pas à faire usage de médicaments soumis à prescription médicale.
En patients particulièrement bien informés, ils sont pour la plupart très observants en termes de posologie et de durée, peut-être un peu moins concernant les recommandations associées dès lors qu’il ne s’agit pas de contre-indications formelles. Un comportement associé là encore à la connaissance des molécules utilisées. Même si Véronique Lieutier reconnaît être moins respectueuse des posologies et des durées de traitement : « car je suis très sensible aux effets secondaires ».
Expérience.
Dans l’ensemble, ils jugent leur automédication efficace. « Quand je consulte mon médecin, je me rends souvent compte que sa prescription correspond à mon automédication. Ce n’est pas surprenant puisque nous avons accès aux mêmes outils », remarque Christine Genin, titulaire à Argentan (Pas de Calais). Il arrive d’ailleurs que le pharmacien-patient soit déçu par un traitement qui ne fonctionne pas sur eux comme escompté. Que l’effet obtenu soit positif ou négatif, ils reconnaissent être influencés dans leur conseil aux patients par leur propre expérience. « Nous sommes d’autant plus convaincants lorsque nous avons nous-mêmes testé la molécule », indique Caroline N’Guyen-Neyraud. Cependant, pour Matthieu, « ce n’est pas professionnel de conseiller un médicament parce qu’on l’a testé. Néanmoins, même si ce n’est pas quelque chose de réfléchi, le pharmacien peut avoir un a priori sur un médicament qui n’a pas fonctionné sur lui. » Un avis appuyé par Christelle pour qui il est évident que son expérience influence son conseil, « même si ce n’est pas un argument à mettre en avant ».
Quant aux arrêts de travail, les titulaires sont unanimes, ils ne veulent pas en entendre parler. « Je n’ai jamais pris le temps de m’arrêter pour maladie, même malade je travaille », déclare Christine Genin. Même son de cloche chez Pierre Kreit : « Cela fait 22 ans que je suis installé et je n’ai pas été arrêté dix jours ». Pour Ève Boschetti, à moins d’une grosse maladie, il n’y a pas de raison de ne pas aller travailler. Le discours n’est pas vraiment différent chez les adjoints. « On a tendance à ne pas s’écouter », note Matthieu. Véronique Lieutier n’a pas eu de congé maladie au cours des 12 derniers mois, tandis que Caroline Hauchecorne a dû s’arrêter une journée.
Industrie pharmaceutique
Gilead autorise des génériqueurs à fabriquer du lénacapavir
Dans le Rhône
Des pharmacies collectent pour les Restos du cœur
Substitution par le pharmacien
Biosimilaires : les patients sont prêts, mais…
D’après une enquête d’UFC-Que choisir
Huit médicaments périmés sur dix restent efficaces à 90 %