À LA PREMIÈRE LECTURE, l’enquête de l’UFC-Que Choisir semble sans appel. Ce sont 648 officines qui ont été visitées, réparties dans 17 départements, du 23 au 31 décembre et du 19 au 21 janvier derniers. Les enquêteurs devaient signaler qu’ils avaient un rhume et demander la délivrance concomitante d’Aspirine UPSA Vitamine C 330 mg et de Rhinureflex. Si 52 % des pharmaciens ont délivré un conseil spontané sur l’interaction possible des deux spécialités, 10 % ne l’ont fait qu’après questionnement et 38 % n’en ont pas fait. « Ces chiffres ne sont pas si mauvais quand on sait que l’enquête est biaisée. Tout a été fait pour piéger le pharmacien, il existe une volonté de nuire au réseau pharmaceutique ! Pour autant, je réclame un parcours de soin de façon à inciter le pharmacien à inscrire dans le dossier pharmaceutique les délivrances de médication officinale, de façon à ce que chacun puisse accéder à l’historique des médicaments délivrés et puisse facilement repérer les interactions, y compris avec une délivrance antérieure », explique Gilles Bonnefond, président de l’Union syndicale des pharmaciens d’officine (USPO). L’économiste de la santé Jean-Jacques Zambrowski déplore tout autant cette « attaque injuste » des pharmaciens, mais invite ces derniers à « saisir ce miroir tendu pour justifier pleinement le monopole ».
L’enquête pointe du doigt l’opacité des prix en officine en se fondant sur deux éléments : l’absence, dans 89 % des cas, d’un affichage qui explique que le prix des médicaments non remboursés est libre, et un affichage des prix des produits, y compris derrière le comptoir, pas toujours visible et lisible. S’il n’y a aucun reproche à faire à cet égard dans 53 % des officines visitées, dans 11 % d’entre elles la lisibilité est partielle, dans 24 % l’affichage n’est pas très lisible et dans 12 % des cas, l’affichage est absent. À cela s’ajoutent des écarts de prix d’une pharmacie à l’autre pour un même produit, pouvant aller de 1 à 4 sur la boîte d’aspirine, variant de 1,30 euro à 4,95 euros. Mais, comme le souligne l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO), « les différences de prix permettent aux patients-consommateurs de choisir leur officine ».
Sécurité maximale.
Au vu des résultats de son enquête, l’association de consommateurs demande l’interdiction de toute publicité grand public hors point de vente des spécialités d’automédication et la réduction du pouvoir des marques par l’utilisation de la DCI. Elle souhaite que soient indiquées les interactions à éviter et les contre-indications principales sur les boîtes de ces médicaments. Enfin, l’UFC-Que Choisir réclame la possibilité pour les grandes surfaces et les parapharmacies de vendre des médicaments sans ordonnance « sous la surveillance directe d’un pharmacien ». Elle affirme que, ainsi, le prix de vente de ces références pourrait baisser jusqu’à 16 %, tout en augmentant de 10 % le nombre de points de vente où elles seraient accessibles. Selon ses projections, l’impact serait mineur sur la profitabilité des officines (3,7 à 5 % de la marge) qui par ailleurs sont « largement rentables ».
Un non-sens pour tous les acteurs de la chaîne du médicament. « L’officine française est le seul et unique point d’accès des médicaments en général et des médicaments d’automédication en particulier, parce que la sécurité des patients y est maximale. La différence de l’officine avec d’autres points de vente où on trouve aussi des pharmaciens, c’est la proximité, le maillage, la personnalisation des patients par l’équipe officinale. Aucun autre circuit ne peut offrir un conseil aussi professionnel et sécurisé qu’en pharmacie. À moins de demander à toutes les parapharmacies de répondre aux mêmes obligations qu’une officine, mais cela s’appelle une pharmacie », remarque Antoine Bon, vice-président de l’Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable (AFIPA). Le groupe PHR ne dit pas autre chose : « Vendre des médicaments en GMS ne résoudra rien, bien au contraire ! »
Catastrophes médicales.
Pour Jean-Jacques Zambrowski, cette proposition est « invraisemblable », il n’y a pas suffisamment de pharmaciens diplômés pour permettre une présence professionnelle continue dans les parapharmacies et grandes surfaces. L’économiste de la santé fait la même analyse que l’AFIPA. Cette libéralisation « n’a aucun sens, sauf à transformer ces magasins en pharmacies », ou à prendre des risques démesurés pouvant « conduire à des catastrophes médicales ». La plupart des acteurs impliqués dans le médicament et/ou l’officine a refusé de commenter l’étude, « ne sachant quelle a été la méthodologie utilisée, la façon dont elle a été conduite ». Une chose est sûre pour Michel Laspougeas, responsable communication du conseil central A (titulaires) de l’Ordre des pharmaciens, « la grande majorité des pharmaciens fait son travail correctement, nous avons des études régulières sur ce thème ». De plus, rappelle-t-il, le pharmacien, en tant que professionnel de santé, est le seul commerçant à être habilité à refuser une vente pour des raisons de santé publique. « Le médicament n’est pas un produit comme les autres, nous incitons les pharmaciens à toujours délivrer un conseil, la posologie, les indications du traitement, un conseil qui va encore monter en puissance dès que le développement professionnel continu (DPC) sera en place ». Enfin, Michel Laspougeas souligne le service de proximité et la permanence 24 heures sur 24 de l’officine, ce que ne peut offrir la GMS.
Motivations réelles.
Gilles Bonnefond relève surtout le paradoxe des conclusions de l’étude : « M. Bazot (président de l’UFC) affirme que le conseil n’est pas bon, donc il propose de prendre un pharmacien et d’en faire un chef de rayon. Quant aux prix, on nous demande de faire jouer la concurrence entre officines et lorsqu’il y a des différences de prix, on nous pointe du doigt. M. Bazot vend du sensationnel ! » L’AFIPA rappelle par ailleurs que « les prix moyens des médicaments d’automédication en libre accès dans les pharmacies qui le pratiquent ont baissé de 3,3 % entre janvier 2008 et octobre 2011, alors que l’indice INSEE (inflation) augmentait de 6,7 % ».
De son côté, l’UDGPO est prête à entendre que les pharmaciens doivent améliorer leur conseil, mais ne voit pas en quoi l’ouverture de la distribution de l’automédication en grande surface constitue une solution. Il s’agit donc d’une étude « à charge contre les pharmacies, sans avoir appréhendé les risques de santé publique et la capacité de la grande distribution à distribuer ces médicaments en toute sécurité ». Son président, Daniel Buchinger, précise : « Aujourd’hui en France, la traçabilité des médicaments sans ordonnance est hypersécurisée, enviée par le monde entier – un luxe dont nous ne sommes même plus conscients. Quid de la traçabilité de ces mêmes produits lorsqu’ils seront gérés par la grande distribution ? » Se posant des questions sur « les motivations réelles de cette étude », il insiste pour que « l’affaire du Mediator serve de leçon » et appelle Michel Bazot à « réévaluer son étude en connaissance de cause ».
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