Une campagne de communication sur le thème « médicament et grossesse » sera déployée à partir de mars auprès des professionnels de santé et d’avril auprès du grand public, a annoncé le 4 février l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).
« Le thème de la grossesse et des médicaments est un sujet sur lequel l’agence s’est mobilisée de longue date », avance Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale de l’ANSM. Mais les efforts restent à poursuivre. « Seulement 3 femmes sur 10 déclarent se sentir suffisamment informées sur les risques liés à la prise de médicament pendant la grossesse », selon une enquête d’opinion réalisée par l’ANSM à l’occasion de cette campagne. « À titre de comparaison, 7 sur 10 se sentent bien informées sur la consommation d’alcool ou de tabac », souligne Christelle Ratignier-Carbonneil, qui justifie donc le besoin de mener une action afin de sensibiliser sur les risques liés à la prise ou à l’arrêt d’un médicament durant la grossesse, et d’inciter les femmes au dialogue avec les professionnels de santé. L’objectif étant de « déclencher dans la société un réflexe équivalent à celui que l’on a concernant les risques liés à l’alcool ou au tabac », conclut la directrice de l’ANSM.
Cette campagne se justifie d’autant plus que la consommation de médicaments durant la grossesse est particulièrement élevée chez les Françaises. En effet, « 90 % d’entre elles ont eu au moins un médicament prescrit durant leur grossesse et, en moyenne, elles ont consommé 9 médicaments durant leur grossesse. Une quantité bien moindre dans d’autres pays, comme les États-Unis, où cette consommation est de l’ordre de 2 ou 3 médicaments durant la grossesse », avance Céline Mounier, directrice de la surveillance à l’ANSM.
Quatre effets
Mais quels sont les risques liés à la prise de médicaments pendant la grossesse ? L’ANSM en distingue quatre : le risque malformation, fœtotoxique, néonatal ou un effet à distance. Le risque malformation (anomalie du cœur, des membres…) intervient lors du 1er trimestre de grossesse, c’est-à-dire à une période ou la femme ignore souvent qu’elle est enceinte. On citera, par exemple, l’isotrétinoïne et le valproate de sodium, dont les conditions de prescription et délivrances sont renforcées. L’effet fœtotoxique affecte la croissance, ou la maturité des organes (petit poids de naissance, etc.) et se produit au cours des 2e et 3e trimestres. Les médicaments concernés sont, par exemple, les AINS et les sartans. Les risques néonataux surviennent en fin de grossesse ou lors de l’accouchement. Ils sont liés soit à un médicament, soit à la privation d’un médicament auquel l’enfant a été exposé pendant la grossesse (syndrome de sevrage). C'est le cas, par exemple, avec les antidépresseurs, les antidouleurs. Enfin, les effets à distance sont non visibles à la naissance mais sont détectés plus tard au cours de la vie de l’enfant. L’exposition est possible à tous les stades de la grossesse, et ils peuvent se manifester par un autisme, une hyperactivité, des troubles cognitifs.
« Tous ces effets - malformatifs, néonataux, foetotoxiques ou à distance - ne surviennent pas de façon systématique. Mais ils peuvent aussi survenir avec une seule prise de médicament, alerte Céline Mounier. L’aspirine, l’ibuprofène, qui sont à tort considérés comme des médicaments banals et inoffensifs peuvent ainsi, parfois avec une seule dose, entraîner une fermeture du canal artériel au niveau pulmonaire et la mort in utero, même en fin de grossesse », illustre-t-elle.
Enfin, ces effets peuvent perdurer dans le temps : parfois quelques heures, mais parfois plusieurs semaines voire plusieurs années. Ainsi, les risques pour la grossesse du Sintrom/acénocoumarol (risque de fausse couche et d’hémorragie fœtale) disparaissent rapidement, ceux du Gilenya/fingolimod (traitement de la sclérose en plaques) s'estompent en quelques mois après l’arrêt du traitement (risque pour le fœtus de cardiopathies congénitales, d’anomalies rénales et musculosquelettiques). Et ceux de Soriatane/acitrétine (traitement du psoriasis sévère) peuvent perdurer plusieurs années après le traitement. C’est pourquoi les patientes doivent prendre une contraception 3 ans après l’arrêt du traitement (risque pour le système nerveux et cardiovasculaire de l’enfant à naître).
Compte tenu de ces risques, on pourrait conseiller à toute femme enceinte d’arrêter son traitement. Mais ce n’est pas si simple, car un arrêt thérapeutique peut également mettre en danger la femme ou l’enfant à naître.
Anticiper sa grossesse
C’est pourquoi il est primordial d’informer les femmes et les professionnels de santé en amont de la grossesse, pour que cette période si particulière de la vie puisse être vécue le plus sereinement possible. Et c'est l'objectif de la campagne de communication de l'ANSM. « Toute grossesse doit être préparée avec son médecin, et cela est d’autant indispensable si la femme est atteinte d’une maladie chronique », martèle l’agence du médicament.
Autre préconisation de l’ANSM : il ne doit pas y avoir d’automédication durant la grossesse. Ce qui n’est malheureusement pas assez le cas : « 36 % des femmes enceintes de leur premier enfant ont pratiqué l’automédication », évoque ainsi Céline Mounier. L'ANSM indique ainsi que l’avis d’un professionnel de santé doit toujours être demandé avant de prendre un médicament, y compris ceux sans ordonnance, ceux issus d’une ancienne prescription ou ceux à base de plantes et les huiles essentielles. « Les huiles essentielles, très lipophiles, peuvent en effet passer toutes les membranes et atteindre le fœtus très facilement », ajoute Stéphane Tellez, pharmacien en Haute-Garonne, qui rappelle que « chez la femme enceinte, si un médicament doit être pris, ce sera toujours à la dose la plus faible possible, sur la durée la plus courte possible ».
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