Rapatrier la production des médicaments, souvent d'origine asiatique, dans les pays européens, l'idée fait son chemin en Allemagne. Une mesure faisable, mais qui aurait un coût, répond l’association allemande des producteurs de génériques, « Pro Generika », après avoir chargé un cabinet de conseil d’évaluer les dépenses qu’elle occasionnerait et les moyens de les compenser.
Le cabinet Roland Berger a basé son étude sur les céphalosporines, la classe d’antibiotiques la plus prescrite en Allemagne après les amoxicillines. Longtemps fabriqué à Francfort, l’acide 7-aminocéphalosphoranique (7-ACA), noyau des céphalosporines, est exclusivement produit en Chine depuis 2017. L’Allemagne consomme environ 100 tonnes de 7-ACA, soit un peu moins de 20 % des besoins des cinq principaux pays européens, estimés à 500 tonnes, dont 29 % pour la seule France. Si des industriels rapatriaient en Allemagne la production nécessaire à leur marché intérieur, ils réaliseraient un chiffre d’affaires oscillant entre 21 et 30 millions d’euros, mais avec des coûts de production avoisinant les 80 millions, soit un déficit de 55 millions. Même si la totalité des 500 tonnes nécessaires au « top 5 » européen étaient produite en Allemagne, la rentabilité ne serait pas assurée.
Une solution rentable
Sachant que les médecins allemands prescrivent 120 millions de doses journalières (DDD*) de céphalosporines par an, ce déficit de 55 millions ne pourrait être couvert que par une augmentation de 0,46 euro de la DDD. L’étude évalue trois mécanismes qui permettraient de financer ce surcoût : il pourrait s’agir de subventions accordées aux industriels européens, mais aussi d’une politique de prix différenciés, privilégiant les produits européens, ou bien une hausse de prix générale de la DDD, qui serait prise en charge par les systèmes de protection sociale. Mais ces augmentations de prix ne seront pas forcément du goût de ces derniers, tandis que les subventions ou les prix différenciés selon l’origine peuvent poser des problèmes de droit commercial, européen comme international. Cette augmentation de 46 centimes par DDD ne représenterait toutefois, pour 120 millions de DDD, qu’une hausse de 0,25 % de l’ensemble des dépenses pharmaceutiques remboursées en Allemagne. Mais les céphalosporines ne sont pas les seules substances confrontées aux ruptures de stock, à l’image des amoxicillines, dont le noyau 6-APA est lui aussi majoritairement - mais pas exclusivement - fabriqué en Chine.
Est-ce à dire que le retour de ces productions est inenvisageable en Europe ? À l’issue de la présentation publique de cette étude, plusieurs députés, ainsi que des responsables des agences fédérales du médicament et de santé publique, ont souligné que la poursuite de la détérioration des conditions d’approvisionnement et de la qualité pourrait un jour changer la donne. « Si les ruptures de stock atteignaient un niveau intolérable, relèvent-ils, relancer une production nationale ou européenne deviendrait à terme plus rentable que la situation actuelle. » En outre, conclut l’étude, une réorientation industrielle renforcerait les sites de production existants, permettant aussi de développer l’innovation, et à travers elle, de protéger l’activité et l’emploi.
* Defined daily dose.
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