Les difficultés d’approvisionnement en médicament sont toujours aussi fréquentes à l’officine. « Malgré la mise en place du DP-ruptures et de nouvelles dispositions réglementaires en octobre 2012 pour prévenir les incidents d’origine industrielle, les ruptures entre les laboratoires, les dépositaires, les grossistes-répartiteurs et les pharmaciens se poursuivent et s’aggravent », observe l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), qui vient de réaliser une enquête auprès des confrères*.
Les résultats sont éloquents. En effet, près de 40 % des pharmaciens ayant répondu au questionnaire de l’USPO affirment supporter entre 10 et 20 lignes de médicaments manquants par jour ; 27 % déclarent en avoir de 20 à 30 lignes et 19 % plus de 30 ! Au total, 85 % des titulaires doivent gérer quotidiennement au moins 10 lignes de médicaments manquant. Une proportion qui, selon le président de l’USPO, Gilles Bonnefond, n’a pas diminué depuis la précédente enquête menée par son syndicat en 2011.
Une gestion chronophage
La gestion au comptoir de ces ruptures est particulièrement chronophage. Trois quarts des pharmaciens déclarent consacrer entre 15 minutes et 1 heure pour régler un incident d’approvisionnement. Comment procèdent-ils ? Ils essaient d’abord de se dépanner auprès d’un autre grossiste-répartiteur que leur fournisseur habituel. Mais parfois, on leur demande des frais supplémentaires. « Les ruptures de stock pénalisent financièrement un grand nombre de pharmaciens », déplore Gilles Bonnefond. Si cela ne marche pas avec le grossiste, les officinaux se tournent alors vers le médecin afin de changer le traitement, lorsque cela est possible, ou directement vers le fabricant. « Ils arrivent donc parfois à trouver une solution avec le laboratoire, ce qui signifie que le produit est disponible chez lui, et pas chez leur grossiste habituel », souligne le président de l’USPO. Aussi, pour lui, cela montre que certaines ruptures sont liées à un manque de fluidité dans la chaîne de distribution. Mais aussi la nécessité de disposer de plusieurs sources d’approvisionnements. Enfin, un nombre conséquent de pharmaciens pointent que, malheureusement, dans de nombreux cas, ils ne peuvent pas résoudre le problème. Au total, cette enquête confirme que « les ruptures sont toujours là et qu’elles n’ont pas été réduites », insiste Gilles Bonnefond.
Il reconnaît toutefois quelques améliorations. « Les ruptures durables liées à un défaut de principe actif ou à un problème sur le site de fabrication ont été réglées par l’ANSM**, indique le président de l’USPO. Les médecins et les pharmaciens en sont avertis et ils prennent des dispositions, notamment en trouvant des alternatives thérapeutiques. » On arrive aussi aujourd’hui à anticiper les défauts d’approvisionnement résultant de la concentration des fabrications sur un nombre très réduit de sites au niveau mondial. « Il est demandé au laboratoire d’assurer un stock tampon de 6 mois, explique Gilles Bonnefond. Ce qui est particulièrement important pour des médicaments tels que ceux contre les rejets de greffe, pour lesquels on ne peut pas se permettre d’être en rupture. »
Encore des solutions à trouver
Mais d’autres problèmes n’ont pas encore de solutions, regrette le président de l’USPO. Il s’agit en particulier des ruptures liées aux exportations parallèles réalisées par les grossistes-répartiteurs, mais aussi au contingentement des grossistes par les laboratoires pour éviter qu’ils exportent. On tourne en rond. « Le ministère a décidé d’interdire les exportations parallèles de certaines classes thérapeutiques, rappelle Gilles Bonnefond. Mais on attend depuis plus d’un an que le décret désignant les classes interdites soit publié. » Il ajoute : « Tant que ce texte ne sort pas, les grossistes et les industriels continueront de jouer au chat et à la souris. En attendant, ceux qui trinquent, ce sont les patients et les pharmaciens. On se bat pour que les patients soient observants. Si on ne peut pas leur fournir leur traitement, nos efforts seront vains. » Le président de l’USPO demande donc au ministère de la Santé d’organiser très rapidement une réunion afin de donner les arbitrages sur ce texte. Il souhaite aussi davantage de transparence et compte sur le dossier pharmaceutique et son volet DP-ruptures pour connaître les raisons d’un défaut d’approvisionnement et pouvoir y apporter des réponses. « On ne peut pas sans arrêt jongler avec des procédures qui nous font perdre du temps, au détriment du temps passé auprès des patients », conclut Gilles Bonnefond.
*1 913 pharmaciens ont répondu au questionnaire en ligne de l’USPO entre le 13 et le 30 septembre 2017.
**Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
Industrie pharmaceutique
Gilead autorise des génériqueurs à fabriquer du lénacapavir
Dans le Rhône
Des pharmacies collectent pour les Restos du cœur
Substitution par le pharmacien
Biosimilaires : les patients sont prêts, mais…
D’après une enquête d’UFC-Que choisir
Huit médicaments périmés sur dix restent efficaces à 90 %