Dénoncées par l’Académie de pharmacie comme par les représentants de la profession, les pénuries de médicaments sont aujourd’hui mises sous les feux de la rampe par l'UFC-Que Choisir. L’association de consommateurs attaque notamment les industriels du médicament, qui ont aussitôt réagi.
Les pénuries de médicaments d’intérêt thérapeutique majeurs ne cessent d’augmenter, passant de 405 pénuries en 2016 à presque trois fois plus en 2019. En 2020, 2 400 ruptures devraient être constatées, soit « six fois plus qu'il y a quatre ans », indique une enquête de l'UFC-Que Choisir publiée ce 9 novembre.
L'association met en cause les laboratoires, dont « les solutions alternatives proposées sont rarement à la hauteur des enjeux sanitaires », dénonce-t-elle. Ainsi, dans 30 % des situations, les industriels renvoient vers un autre médicament, alors que « les substitutions peuvent entraîner des effets secondaires plus importants, ou nécessiter un temps d’adaptation à la nouvelle posologie, particulièrement pour les patients âgés », selon l'UFC. Dans 12 % des cas, les producteurs orientent « vers des solutions de derniers recours », comme la diminution de la posologie. Enfin, dans près d'un cas sur cinq (18 %), les laboratoires « ne proposent tout simplement aucune solution de substitution ».
Outre les laboratoires pharmaceutiques, l'association de consommateurs déplore également la réponse molle des pouvoirs publics. D’une part, les sanctions sont insuffisantes : seulement deux ont été prononcées contre des laboratoires en 2019, pour des montants ridicules (830 € et 5 807 €). D’autre part, elle relève que même l’élaboration de stocks de médicaments est négligée. « Comment accepter qu’aux quatre mois de stocks proposés en décembre par les parlementaires, le gouvernement prévoit de répondre avec un décret (toujours pas publié) n’imposant que deux mois de stocks ? », s’interroge l’association.
En réaction, UFC-Que choisir fait plusieurs demandes au gouvernement.
- L’obligation pour les laboratoires de constituer des stocks suffisants en médicaments d’intérêt thérapeutique majeur ;
- Le renforcement, dans la loi et dans les faits, des sanctions envers les laboratoires négligents dans leur gestion de l’approvisionnement du marché français ;
- Que, si des relocalisations devaient être entreprises grâce à des financements publics, celles-ci ne concernent que des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM), et prioritairement les plus anciens et concernés par des pénuries récurrentes.
- Le développement d’une production publique de médicaments, à même d’assurer la fabrication continue de ceux délaissés par les laboratoires.
Le syndicat des industriels du médicament (LEEM) n'a pas tardé à apporter une réponse à cette analyse à charge de l'UFC-Que Choisir, qui « se fait une nouvelle fois l’écho d’informations approximatives et relaie un certain nombre de contre-vérités », rétorque le LEEM dans un communiqué. Et, pour démêler le vrai du faux, le LEEM répond très clairement à plusieurs questions telles que « Y a-t-il une explosion des ruptures d’approvisionnement en France ? », « Que dit exactement la loi ? », etc.
En résumé, le LEEM estime qu'il n'y a pas d'explosion des ruptures en France. Elles sont seulement mieux signalées depuis 2016, et mieux gérées. « Ainsi, sur les 1 504 signalements recensés en 2019, environ un tiers a conduit à des mesures de gestion des situations de tension entre l’ANSM et les entreprises (contingentement, importations à partir d’autres pays…) conduisant finalement à un nombre limité de véritables ruptures de stocks », indique le LEEM.
Par ailleurs, les industriels admettent en partie leur responsabilité dans ces ruptures, une responsabilité qu'ils partagent cependant avec l’ensemble des acteurs de la chaîne du médicament. La solution ne pourra donc être trouvée qu'avec une réponse collective.
Le LEEM rappelle également la loi sur l'obligation de stockage en France, qui n'est pas si simple. Notamment, les industriels ont l'obligation de constituer un stock de sécurité destiné au marché national « qui ne peut excéder quatre mois de couverture des besoins en médicament, calculés sur la base du volume des ventes de la spécialité au cours des douze derniers mois glissants ». Mais « le décret d’application de cette loi permettra, lorsque cela est nécessaire, de porter l’obligation de stockage à 4 mois sur décision du directeur général de l’ANSM – par exemple lorsqu’un produit très important et qui n’a pas d’alternative thérapeutique se trouve régulièrement en situation de rupture. En revanche, il n’y aurait aucune logique à imposer cette obligation à des médicaments qui ne connaissent jamais de problème d’approvisionnement, fussent-ils des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur ».
Enfin, le LEEM rappelle que, lui aussi, a formulé des propositions pour lutter contre les pénuries et a même « élaboré un plan d’actions partagé avec l’ensemble des entreprises du médicament ».
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