À ce jour, un seul patient canadien aurait reçu l’implant Probuphine. Si la date de commercialisation officielle était le 22 novembre 2018, d’autres démarches propres à chacun des régimes provinciaux d’assurance santé sont encore en cours. Après l’autorisation de mise sur le marché (AMM) accordée par Santé Canada, l’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé (ACMTS) a délivré, à la fin de l’été dernier, une recommandation de remboursement de Probuphine. Celui-ci devrait être possible dans la prise en charge de la dépendance aux opioïdes chez les patients stabilisés par la prise sublinguale de buprénorphine à une dose n’excédant pas 8 mg au cours des 90 jours précédents. L’ACMTS recommande aux différents régimes d’assurance médicament que le coût total ne dépasse pas celui de la buprénorphine sublinguale à une dose quotidienne maximale de 8 mg. Dont acte. La société montréalaise Knight Therapeutics, partenaire du fabricant américain Titan Pharmaceuticals, a annoncé que le prix de l’implant serait très exactement de 1 495 dollars canadiens, soit l’équivalent de 6 mois de traitement par Suboxone (buprénorphine + naloxone).
Demande d’AMM européenne
Mais pourquoi un traitement de substitution aux opiacés (TSO) sous forme d’implant ? Pour Titan Pharmaceuticals, cela permet d’offrir un confort de vie aux patients stabilisés en leur évitant le rappel quotidien du comprimé à prendre, tout en écartant les impacts possibles des aléas de la vie (chômage, pauvreté, accidents…) qui peuvent prendre le pas sur l’importance de l’observance. De plus, l’implant permet d’éliminer la nécessité pour les patients de prendre leur TSO sous la surveillance d’un professionnel de santé. Surtout, des médecins et chercheurs canadiens soulignent qu’il est important d’avoir différentes options, selon les patients, pour lutter efficacement contre la crise des opioïdes.
Moins concernée par cette « épidémie » américaine, la France proposera-t-elle à terme cet implant de buprénorphine ? Titan Pharmaceuticals a en tout cas déposé une demande d’AMM auprès de l’Agence européenne du médicament (EMA), demande qui a été agréée et fait donc l’objet d’une instruction depuis fin 2017. Le groupe américain a même déjà signé un partenariat avec l’entreprise italienne Molteni qui a racheté les droits européens de Probuphine. Dans un document détaillé daté de décembre 2017 pour le réseau ville-hôpital Synergie, quatre spécialistes français et un médecin italien* se sont penchés sur les nouvelles formes de buprénorphine. S’ils notent que les 100 000 patients français sous TSO peuvent « aiguiser les appétits des firmes », la France n’est pas un marché facile à prendre car elle a « sanctuarisé » le Subutex et a « résisté plus qu’ailleurs à l’arrivée des génériques », et même à l’arrivée du Suboxone (buprénorphine + naloxone). Outre l’attachement français au Subutex, les cinq spécialistes identifient d’autres freins à une future introduction de Probuphine dans l’Hexagone (si tant est qu’il obtient son AMM européenne d’abord, que les autorités françaises y voient une option intéressante, que son distributeur européen souhaite le commercialiser en France, qu’il obtienne une prise en charge de l’assurance-maladie et négocie son prix…)
Vraie fausse solution ?
D’abord, il s’agit d’implants sous cutanés – de 1 à 4 selon la dose nécessaire – qui doivent être posés par un médecin formé. Il s’agit donc d’un geste chirurgical. Après 6 mois de bons et loyaux services, le retrait de ces implants fait appel à un geste chirurgical plus lourd. Une répétition de gestes chirurgicaux que les experts analysent comme « un frein au développement de ce médicament ». Ils vont plus loin en écartant tout « avenir radieux » au Probuphine et son principe de libérer de la buprénorphine pendant 6 mois dans l’organisme. « Il n’est pas possible d’arrêter le traitement sans procédure chirurgicale. Que se passe-t-il pendant 6 mois en cas de consommation d’opiacés agonistes (méthadone, morphine, héroïne…) ? L’effet sera en partie bloqué mais comment va réagir l’usager ? Que faire en cas de douleur intense si le besoin en opioïde s’impose ? » Autant d’interrogations qui soulignent l’inquiétude des professionnels de santé au contact de ces patients. En outre, les cinq spécialistes remarquent que cette option « ne s’inscrit absolument pas dans une approche de réduction des risques ». Il s’agit à leurs yeux « d’une approche très américaine » liée à la crise des opioïdes qui incite les laboratoires à proposer « des solutions assez radicales », acceptées par certaines autorités sanitaires démunies qui « acceptent faute de mieux ces vraies fausses solutions ».
* Stéphane Robinet (pharmacien), Mustapha Benslimane (rédacteur en chef de la revue « Le Flyer »), Christophe Lançon (psychiatre), Richard Lopez (médecin généraliste), Ernesto de Bernardis (médecin chirurgien).
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