Le quotidien du pharmacien : Un an après le grand confinement introduit à l’échelle nationale en raison de l’épidémie de coronavirus, quel est le bilan des pharmaciens ?
Maria Grazia Cattaneo.- Nous avons beaucoup appris et la profession a bougé. Aujourd’hui, nous nous sentons moins isolés. En temps normal, le pharmacien est seul dans le contexte hospitalier, il travaille dans un espace clos. L’épidémie a modifié les façons traditionnelles d’interagir, la collaboration avec les autres professionnels de santé a été renforcée. Le pharmacien par exemple a été inséré dans les unités de crise. Nous avons le sentiment de faire véritablement partie du système au niveau des hôpitaux. Autre élément important : nous avons aussi tous finalement compris qu’il existe des risques imprévus et qu’ils peuvent avoir une portée importante. Par conséquent, nous devons avoir une nouvelle façon d’être au niveau professionnel. À l’extérieur, les gens ont finalement aussi compris le rôle essentiel des pharmacies, le pape François a même été le premier à en parler.
Comment la profession a-t-elle bougé ?
Le rôle du pharmacien est réévalué en termes de professionnalité. Il doit être jugé sur la qualité de son travail, pas sur les économies qu’il peut générer ou sur le volume d’affaires qu’il peut réaliser. Il faut aussi tenir compte de son impact sur la santé de la population. C’est là que les choses ont bougé car il y a eu une prise de conscience collective. Autre aspect important : son champ de compétences. Celles-ci ont été cartographiées et réévaluées grâce à une étude réalisée par la SIFO en collaboration avec l’université milanaise Bocconi (projet Farmaper). Ce projet a été très utile durant toute cette période car il permet de voir que le pharmacien peut intervenir à différents niveaux et qu’il peut apporter une valeur ajoutée à la communauté.
Comme les médecins, les pharmaciens ont payé un tribut extrêmement lourd à l’épidémie durant les deux premières vagues…
Les pharmaciens ont énormément souffert physiquement et psychologiquement. Notamment en ce qui concerne les titulaires des officines de la communauté qui ont été en première ligne et qui n’avaient pas de dispositifs de protection. À cela s’est ajouté un problème « culturel » au niveau de la connaissance de la prévention et de l’information sur la circulation du virus. En milieu hospitalier, peu de pharmaciens sont morts mais en revanche, beaucoup ont été contaminés. Aujourd’hui, comme les médecins, nous apprenons chaque jour quelque chose sur le virus.
Pour les pharmaciens, il y aura désormais un avant et un après ?
L’homme a toujours tendance à oublier, mais les choses pourraient être différentes cette fois-ci. Disons qu’après cette épreuve terrible, nous avons tous envie et besoin de nous remettre en question. Nous avons dû sortir de notre environnement habituel et interagir avec les autres professions. Ce qui ne veut pas dire qu’auparavant, il n’y avait aucune collaboration. Avant, les choses étaient différentes. Après l’épidémie, nous ne pourrons pas revenir en arrière, nous asseoir et agir comme auparavant. Il faudra participer et gérer la santé. Il va falloir faire la différence. Les autres professionnels de santé vont devoir comprendre l’importance de notre rôle. Notre heure est venue. Prenons l’exemple du vaccin sur lequel tout et n’importe quoi a été dit notamment en ce qui concerne le délai entre les deux injections de doses. Des règles ont été fixées par l’EMA et elles doivent être respectées. Le rôle du pharmacien est de les expliquer et de les faire respecter parce qu’elles ont une valeur scientifique. D’ailleurs, des pharmaciens ont été insérés dans les équipes de vaccination pour veiller sur l’application de ces règles.