Le Comité économique des produits de santé (CEPS) revoit à la baisse plusieurs tarifs sur le matériel médical. Dans le même temps, le ministère de la Santé veut baisser le tarif de remboursement des fauteuils roulants mécaniques. Bilan : encore des pertes économiques pour l’officine.
Les pharmaciens doivent se préparer à des baisses de prix d’envergure sur le matériel médical. À commencer par la révision prochaine des tarifs sur les pansements hydrocellulaires, les dispositifs médicaux pour autosurveillance de la glycémie, les orthèses et les bas de contention, « de nombreux produits que nous dispensons », dénonce l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) dans une lettre ouverte aux pharmaciens diffusée le 2 juillet. Le Comité économique des produits de santé (CEPS) a en effet envoyé aux syndicats son projet de révision tarifaire, pour avis, en fin de semaine dernière. Pour des premières mesures qui auraient dû s’appliquer au 1er juillet.
Sur les pansements hydrocellulaires, « le CEPS prévoit 10,65 millions d’euros de baisse de prix, avec une décote de l’ordre de 1,75 % au 1er août 2024 et de 2,25 % au 1er août 2025 », décrypte Guillaume Racle, conseiller économie et offre de santé de l’USPO. Or, « les pansements hydrocellulaires représentent un gros marché de 370 millions d’euros par an », compare-t-il. « Comme il y a un prix de cession, la marge fixe reste à 4 euros », tempère Denis Millet, secrétaire général de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), même si cela n’empêche pas des baisses de chiffre d’affaires.
Le matériel pour autosurveillance glycémique est encore dans le viseur. Le CEPS prévoit une décote de 15 % sur les lecteurs et les sets d’autosurveillance à partir du 1er juillet 2024, et de 7 % pour le 1er juillet 2025. Le CEPS prévoit aussi une baisse sur les bandelettes de 1 % en juillet 2024 et de 0,40 % en juillet 2025, ainsi qu’une unique baisse en juillet 2024 de 1,80 % sur les autopiqueurs et de 3 % sur les lancettes. « On a déjà subi une baisse de prix sur les produits d’autosurveillance glycémique ces dernières années. Ce matériel coûte cher à produire mais n’est pas valorisé. En plus, le pharmacien ne perçoit aucun honoraire de dispensation sur ces produits, ni à l’ordonnance, ni à l’âge, etc. Il ne vit que de la marge », dénonce encore Guillaume Racle. Une « marge extrêmement faible », abonde Denis Millet, qui regrette l’absence de prix de cession sur ces produits, donc pas de marge fixe.
Sur les bas de compression, le CEPS propose 12,7 millions d’euros d’économie avec décote de 2 % au 1er août de cette année puis 2 % au 1er août 2025. « C’est déjà un secteur problématique, on va donc baisser en qualité de gamme. Et que va-t-on faire ? Augmenter le nombre de paires délivrées ? », s’interroge le conseiller économique de l’USPO. Déjà que la réglementation appliquée sur le nombre limite de paires de bas à délivrer par an est floue. Sur les orthèses, c’est une économie de 3,2 millions d’euros qui est annoncée avec décote de 1,80 % au 1er août 2024 puis 1,80 % au 1er août 2025. Soit pour Guillaume Racle « un total de 15,9 millions d’euros sur la fin 2024, sur un marché de 408 millions d’euros remboursés en 2022 ».
Effets collatéraux du remboursement des fauteuils roulants
« D’autres dispositifs médicaux sont également en danger, comme la location et la vente de fauteuils roulants », dénonce encore l’USPO dans sa lettre ouverte. Un projet de texte est actuellement en cours d’examen au Ministère de la santé, visant à « moins bien les rembourser et à baisser leur prix de vente », selon l’USPO. Un texte que les autorités « veulent passer au forceps avant la fin de la semaine », selon Guillaume Racle.
Tout vient de l’annonce d’Emmanuel Macron de mieux rembourser les fauteuils roulants. « On veut rembourser à 100 % les fauteuils roulants dont les véhicules électriques, sauf que ce projet est projeté à enveloppe constante. Donc on baisse les remboursements sur les fauteuils roulants mécaniques pour pouvoir rembourser les fauteuils roulants électriques, détaille Guillaume Racle. Sur certaines lignes, les prix sont divisés par 3 ! Quelle soutenabilité pour le secteur ? Les filiales de matériel médical des groupements perdent de l’argent, avec les hausses des charges fixes. Air Liquide, qui représente 60 % du marché, licencie. » Le pharmacien craint surtout un accès moindre à ces dispositifs (moins de stocks, délais de livraison plus long…). « Le risque c’est qu’avec ces tarifs, on aille vers un désarmement en pharmacie de la mise à disposition des fauteuils roulants mécaniques, poursuit Guillaume Racle. Or, ce sont des fauteuils indiqués pour la perte d’autonomie, une immobilisation provisoire, un patient âgé… Sauf que ce ne sera pas disponible et avec un reste à charge important. » Avec un changement de paysage à la clé ? « Les autorités veulent réformer en axant sur la vente et de la location avec recyclage. On va surtout créer de nouveau circuits, notamment des sociétés spécialisées dans le recyclage, mais pas de circuits en pharmacie », annonce Guillaume Racle.
Des baisses de prix auxquels s’ajoute la volonté de sobriété médicamenteuse des autorités de santé, « qui aura nécessairement une incidence non négligeable sur la marge officinale dès les prochains mois », prévient l’USPO.