« Les gens ont du mal à bien prendre leurs médicaments, ils ne les comprennent pas, les emploient mal, n'en prennent pas assez, ou trop, ressentent des effets secondaires sans en parler à leur médecin. Le pharmacien parle plus facilement avec le patient. » C'est une patiente travaillant pour Résoladi qui a amené Philippa Mauprivez-Geay, pharmacienne à Chauny (Aisne), à organiser des réunions pour personnes âgées « autour du médicament ».
Résoladi est un réseau de soins, créé par l'hôpital de Laon (Aisne) et l'Association laonnoise de soins, au départ pour des diabétiques. Ce réseau a lancé, en 2017, l'opération « vieillir sereinement » sur le Laonnois et le Chaunois, que financent l'agence régionale de santé (ARS), les caisses de retraite, les mutuelles, l'agence nationale de l'habitat (ANAH) et le département. Ces organismes, au sein d'une conférence des financeurs, soutiennent l'opération jusqu’à fin 2022, et décideront de sa reconduction.
Le groupe crée la dynamique
Benjamin Dumur, adjoint à la pharmacie chaunoise, a animé des réunions de quatre personnes, souvent de plus de 80 ans. « La réunion est organisée par Résoladi, qui s'occupe de tout. Le réseau envoie quatre personnes, qu'on ne connaît souvent pas. Le contenu est libre, mais on essaie de partir de choses simples : leur armoire à pharmacie. Les personnes doivent échanger entre elles. Au début, on n'a pas l'impression qu'elles ont un problème de médicaments. Comme si elles avaient « révisé ». Elles connaissent les mots mais, au fur et à mesure, on voit qu'elles ne font pas les bonnes associations. Le patient doit savoir ce qui lui est utile, poursuit la consœur. On ne donne pas trop d'informations, sinon on le perd, mais on parvient à expliquer qu'un médicament bien pris fonctionne bien. Même s'il n'y a jamais de risque zéro. »
Selon la titulaire et son adjoint, Résoladi souhaiterait que les réunions aboutissent à des entretiens individuels, mais ils pensent que « le groupe crée la dynamique ».
Le gros problème pour le patient, estiment-ils, est le changement de prescription, plus que la routine. Le patient parle avec son pharmacien, trop peu avec son médecin, jamais au spécialiste en hôpital. « Une patiente avait du mal avec ses médicaments, elle a fini par dire qu'elle ne savait pas lire, ni écrire. Il faut parler, parler, parler », assène Philippa Mauprivez-Geay.
Vieillir sereinement
Dans cette officine, on parle beaucoup, « même au café ! Monsieur Machin avait l'air perdu ; tel patient perd la tête, est-ce qu'il a pris son médoc ce matin ? Tel autre perd du poids. On échange en permanence, on appelle le médecin au besoin, et on le dit au patient. Il existe de mauvaises prises de médicament, mais les médecins n'ont pas envie qu'on le leur dise. Les gens comprennent souvent mal la démarche du médecin, mais ils ne le lui disent pas ».
Cette consœur et son adjoint apprécient la campagne à laquelle ils participent, car « la relation entre professionnels évolue dans le bon sens. Pendant la pandémie, on a vraiment travaillé ensemble, la communication entre nous s'est beaucoup améliorée ». Au profit du patient.
« Vieillir sereinement » entend prévenir la perte d'autonomie dans un département où les plus de 60 ans sont un peu plus nombreux (26,7 %) que la moyenne nationale, un département plus défavorisé. L'opération propose aussi des activités physiques, répond à des questions de mobilité, d'accès aux soins, organise des ateliers nutrition, théâtre, écriture.