L'idée de comparer le rire des primates à celui des bébés humains est presque fortuite. Alors qu'elle suit la conférence donnée par un primatologue décryptant le rire des grands singes, Marishka Kret, professeur en psychologie cognitive, échange avec sa voisine. Cette dernière lui assure alors, vidéos à l'appui, que son bébé rit exactement comme le singe qu'elle voit à l'écran. C'est parce qu'elle est saisie par la ressemblance, que la psychologue décide de se lancer dans l'étude comparée de l'activité zygomatique des bébés humains et des grands singes. Les résultats de ses travaux sont parus mercredi dans « Royal Society Biology Letters ».
Des phonéticiens ont écouté des enregistrements de rires de bébés humains, âgés de 3 à 18 mois. Ils devaient mesurer la proportion d'inspirations et d'expirations contenue dans les sons, puis évaluer dans quelle mesure ils trouvaient ces petits rires plaisants et contagieux. Résultat ? Les éclats de rire des plus jeunes bébés étaient produits à 50 % en inspirant et 50 % en expirant. Une alternance de « huh » et de « ha » proche des primates non-humains. Or on sait que le rire des adultes humains passe au contraire à 74 % par l'expiration pour produire des « ha-ha-ha », de moins en moins forts. En grandissant, le rire de l'enfant devient donc à la fois plus expiratoire, et plus contagieux. Le son est non seulement plus fort, mais aussi plus contrôlé, ce qui permet de signifier à l'autre « hé, c'est drôle, continuons ! », analyse la Pr Kret.
Quant à expliquer pourquoi les bébés passent du « hu-ha-hu » au « ha-ha-ha », deux hypothèses tiennent la corde. Celle liée au développement de leur appareil vocal vers le langage. Autre hypothèse, à mesure que se construit sa sociabilisation, le petit enfant apprend à mieux rire pour avoir plus de répondant auprès de ses parents. Les singes, eux, sans doute parce qu'ils ne sont pas dotés de parole, voient leur organe vocal évoluer différemment, et rient toute leur vie comme des petits. Le rire reste bien le propre de l'Homme… mais adulte.
Avec AFP