Un premier cas de transmission d'une souche de VIH résistante à tous les antirétroviraux classiques a été décrit par les médecins du CHU de Toulouse dans « The Lancet » (1).
Il s'agit de deux patients masculins diagnostiqués dans la même région et infectés lors de relations sexuelles avec d'autres hommes. Le premier, âgé de 54 ans et séropositif depuis 1995, a connu de nombreux échecs de traitement. Malgré l'association de tenofovir/emtricitabne/ritonavir, sa concentration en ARN viral était de 5,5 log10 copies par ml et son décompte de CD4 était de 205 cellules par μl (un taux normal se situe entre 600 et 1 200 cellules par μl) en juillet 2019.
Le second cas est un jeune homme de 23 ans diagnostiqué en septembre 2019. Sa concentration plasmatique en ARN viral était de 5,1 log10 copies par ml et son décompte de CD4 était de 821 cellules par μl. Le sous-type identifié chez ce patient porte une série de mutations qui le rend résistant à tous les inhibiteurs non nucléosidiques disponibles de la transcriptase inverse, aux inhibiteurs de protéase, ainsi que presque complètement résistant aux inhibiteurs d'intégrase. Seule la résistance à la bithérapie dolutégravir/bictégravir n'était que de faible ampleur. Ce second patient s'est vu proposer une association d'ibalizumab, fostemsavir, maraviroc, enfuvirtide et de dolutegravir. Il n'y a pas eu de contact direct entre les deux hommes, il y a donc un hôte intermédiaire, pour l'instant non identifié.
Moins de 0,1 % des infections par le VIH-1 en France sont résistantes à trois classes d'antirétroviraux. « La transmission d'une souche du virus doté d'un tel niveau de résistance est un événement sans précédent, expliquent les auteurs. La transmission d'une souche multirésistante avait bien été documentée à New York en 2004, mais sans résistance au tipranavir et aux inhibiteurs de l'intégrase. »
Les souches de VIH-1 multirésistantes sont connues pour avoir une moins bonne habilité à être transmise. Néanmoins, la forte charge virale observée chez le patient le plus ancien suggère que cette souche en particulier est bien adaptée à son hôte. Toutefois, la charge virale plus faible chez le second patient suppose une diminution après la première phase d'infection.
L'ANRS peu inquiète
Il s'agit d'un « événement surveillé, mais sans inquiétude particulière », selon le Pr François Dabis directeur de l'Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales. « Il s'agit d'un événement unique, que nous allons surveiller avec beaucoup d'attention, mais il n'y a pas de raisons de penser que cela va se diffuser », a-t-il commenté auprès de nos collègues de l'AFP.
Les laboratoires français, ainsi que ceux de Catalogne, ont été mis en alerte. Les deux patients, qui ne peuvent pas être couverts par la prophylaxie de prévention, se sont pour leur part engagés à utiliser un préservatif. Le sujet plus jeune est traité par une association de cinq antirétroviraux (ibalizumab, fostemsavir, maraviroc, enfuvirtide, dolutegravir), tandis que le « patient source » reçoit la même mais sans maraviroc en attendant d'entrer dans un essai clinique avec un nouvel inhibiteur de capside (GS-6207).
(1) S Raymond et al. « The Lancet », doi.org/10.1016/S2352-3018(20)30205-8.