Beaucoup d'individus ne connaissent pas les zoonoses par leur nom mais savent que les fèces de chiens sont potentiellement dangereuses. Il y a donc le besoin de plus d'éducation du public sur ces sujets, une sensibilisation plus approfondie grâce à l’implication du pharmacien au moment où celui-ci va délivrer un médicament comme Albendazole ou Ivermectine. En France il y a : 10 millions de chiens domestiques, 7,5 millions de chats. Près de 30 % de nos animaux sont parasités !
L'infestation humaine par Toxocara Canis
L’homme s’infeste en ingérant des œufs embryonnés par faute d’hygiène : légumes mal lavés, jouets souillés non nettoyés, mains sales. C’est un hôte intermédiaire facultatif pour le genre Toxocara. La géophagie, surtout chez le petit enfant, constitue un facteur de risque majeur qui expose à des infestations massives. La contamination alimentaire existe par la consommation d’abats peu cuits ou de viande crue de poulets. Certaines professions sont classiquement exposées : agents sanitaires, éleveurs de chiens. La possession d’animaux domestiques est un facteur de risque évident, en particulier celle de jeunes chiots. L’homme est infesté par le stade larvaire II (L2) et il ne présente pas les conditions et les stimuli nécessaires aux mues du parasite, en particulier la seconde, qui mène au stade III. Malgré l’impasse parasitaire, les larves présentent une longue survie ainsi, tout en poursuivant leur migration dans l’organisme, les larves ne vont pas se développer. Les larves L2 sont libérées dans l’estomac et le haut intestin grêle. Elles migrent par le système porte vers le foie, puis par les veines sus-hépatiques et le cœur droit vers les poumons. La plupart arrêteront leur migration au sein de ces deux organes.
Ceci explique deux événements souvent jugés à tort anodins : l'élévation des Gamma GT, et la toux.
Une élévation des gamma GT dans l’un, qui sans cause évidente devra faire chercher dans les années qui précèdent une élévation du nombre des éosinophiles ; et une toux chronique, manifestation classique d’une parasitose interne.
Dans d’autres cas les larves gagneront le système nerveux central.
Urticaire chronique ? Suspecter la toxocarose
De nombreuses études ont établi la prévalence de la toxocarose chez les malades urticariens. Si bien que cette cause figure désormais dans la liste des causes des urticaires chroniques des textbook nationaux et internationaux.
Pour aller plus loin, et rappeler la place des parasites systémiques comme agent causal des urticaires chroniques, deux auteurs allemands ont démontré que la prise systématique d’un médicament antiparasitaire par voie systémique traitait, sans en connaître précisément la cause, près de 80 % des urticaires chroniques.
Contamination animale
La prévalence des chiens porteurs de Toxocara canis varie selon le mode diagnostique (coprologie, nécropsie), l’âge des animaux et la saison. Dans les pays industrialisés, la prévalence des chiens adultes infectés varie de 7 à 52 % et celle des chiots se situerait autour de 49 % Ces chiffres sont nettement plus élevés dans les pays en voie de développement.
Contamination des sols
Cette endozootie canine se traduit par contamination du sol des parcs publics, aires de jeu pour enfants et bacs à sable Ainsi, des travaux rapportent des taux de contamination par des œufs de Toxocara de l’ordre de 50 % des parcs et jardins de Paris.
Contamination humaine
La prévalence humaine de la toxocarose est évaluée à partir d’études sérologiques de la population (séroprévalence), compte tenu du nombre élevé de formes asymptomatiques.
Cette affection est cosmopolite. La prévalence est liée à l’âge de la population étudiée (plus élevée chez les enfants), à l’existence de troubles intellectuels (plus élevée en cas de retard mental) et au niveau socio-économique. Chez l’enfant il semble exister une prévalence plus élevée dans la population urbaine, alors que chez l’adulte, c’est la population rurale qui apparaît la plus exposée.
Les taux de prévalence s’échelonnent de 4,8 % en France à 14,3 % au Royaume-Uni chez des adultes vivant en milieu urbain et des taux nettement plus élevés de l’ordre de 14,2 % en France à 36,4 % dans le Jura Suisse pour des adultes vivant en zone rurale.
Les manifestations cliniques de la toxocarose
C’est aussi devant une asthénie chronique, une anorexie, des douleurs abdominales, et diverses manifestations bénignes (cutanées, pulmonaires, rhumatologiques) que le diagnostic doit être suspecté chez un enfant comme chez un adulte.
La forme majeure est secondaire à une infestation contaminante massive, touchant surtout le jeune enfant dans un contexte de géophagie. Elle associe une fièvre, une altération profonde de l’état général, une hépato-splénomégalie avec atteinte pluriviscérale parfois dramatique avec évolution possible vers le décès. C’est le tableau de Larva Migrans Viscéral (LMV) avec, un prurit et prurigo, et de l’urticaire.
La toxocarose peut-être révélée devant une toux quinteuse isolée et une dyspnée asthmatiforme. Ou en présence de douleurs abdominales avec météorisme, nausées, vomissements et diarrhées. Et même en cas de mono ou oligo-arthropathies inflammatoires.
Irritabilité, troubles du comportement et céphalées sont le témoin des formes mineures. Des cas d’épilepsie ont été signalés dans des formes généralisées.
On le voit, les symptômes sont peu spécifiques, très fréquemment allégués par les malades et souvent banalisés, alors qu’un interrogatoire et un examen soigneux des biologies antérieures permettraient d’évoquer le diagnostic.
Manifestations cutanées
La toxocarose est responsable de signes cutanés dans un quart des cas : toute urticaire chronique doit faire envisager une toxocarose.
Des poussées angio-oedémateuses. La localisation faciale de cette manifestation est manifestement fréquente. Il peut s’agir d’angioedèmes laryngopharyngés nécessitant une prise en charge en urgence. Dans certains cas, il s’agit de poussées œdémateuses palpébrales. Cela survient plus volontiers chez des malades qui prennent des IEC.
Prurits et prurigo chroniques : le prurit au cours des toxocaroses prédomine au niveau des paumes des mains et des plantes des pieds ou peut être généralisé et s’accompagner de lésions de grattage ou de prurigo nodulaire.
L’eczéma atopique se trouve aggravé par la toxocarose dans bon nombre de cas.
Les dyshidroses : prurit palmoplantaire sévère, nodosités palmoplantaires et éruptions érythémato-papuleuses. L’atteinte dermatologique acrale semble être un trait sémiologique prépondérant au cours de la toxocarose.
La localisation d’une dermatose prurigineuse quelle qu’elle soit, au visage ou aux mains et avant-bras plaide pour une toxocarose.
Le diagnostic de la toxocarose
Le polymorphisme clinique et l’absence de spécificité des signes rencontrés nécessitent le recours à des examens complémentaires pour le diagnostic de cette affection.
L’élévation des IgE totales est une caractéristique des helminthiases qui justifie le diagnostic éventuel de toxocarose.
Les tests sérologiques permettent la confirmation du diagnostic. Il existe deux tests pratiqués en routine. Le test ELISA IgG et le test par Western Blot.
La prophylaxie de la toxocarose
L’une des raisons très probables de la chronicité des atteintes dermatologiques observées est liée aux réinfestations parasitaires répétées.
Aussi, il apparaît capital d’associer à la découverte d’une toxocarose, que celle-ci soit évolutive ou cicatricielle, une prise en charge prophylactique. Des mesures collectives sont actuellement adoptées par la plupart des municipalités.
Des mesures individuelles sont également nécessaires :
- Déparasitage systématique deux fois par an des chiens et surtout des chiennes gestantes ainsi que des chiots (tous les mois) par nitroscanate ou pipérazine et pyrantel ; des chats par l’association de niclosamide-tétramisole.
- Dépistage systématique des femelles en début de gestation. Les jeunes chiots devront être traités à l’âge de trois semaines, avant que Toxocara canis devienne adulte.
- Tenir les chiens en laisse et interdire les déjections animales dans les bacs à sable.
- Lavage fréquent des mains et des jouets des enfants après les jeux (surtout après séjour dans le sable).
- Prise en charge de comportements tel que la géophagie.
- Clôture des jardins potagers pour éviter les contaminations des légumes.
- Lavage des légumes avant consommation.
Le traitement des toxocaroses
L’efficacité thérapeutique est liée à sa précocité. Seules les toxocaroses s’exprimant cliniquement nécessitent un traitement. Malgré l’absence d’AMM pour cette indication, les principes actifs proposés comme traitement sont les suivants :
Albendazole (Zentel) : 10 mg/kg/j durant 5 jours Ivermectine (Stromectol) : 2 comprimés soit 12 mg en une prise unique Mebendazole (Vermox) : 10 à 15 mg/kg/j durant 5 jours Thiabendazole (Mintézol) : 25 à 50 mg/kg/j durant 7 à 10 jours.
Il convient d’associer systématiquement à ces médicaments la prise d’un antihistaminique ou d’un corticoïde par voie générale, afin de limiter les effets secondaires liés à la lyse parasitaire (réaction de lyse parasitaire type Mazzotti).
Conclusion
Bien que, la toxocarose soit une affection répandue dans la plupart des régions du monde, elle reste bien souvent ignorée. Les symptômes qu’elle induit sont loin d’être négligeables et ses manifestations cutanées sont souvent au premier plan. Ainsi, elle doit venir à l’esprit du clinicien à chaque fois que sa réflexion l’amènera à envisager le rôle d’un agent infectieux à l’origine d’une dermatose au même titre qu’il évoquera des étiologies virales, bactériennes ou parasitaires.
Son traitement est simple mais, à ce jour, aucun antiparasitaire n’a d’autorisation de mise sur le marché pour cette indication.
Réf. : Cutaneous manifestations of human toxocariasis. Gavignet B, Piarroux R, Aubin F, Millon L, Humbert P. J Am Acad Dermatol. 2008 Dec ; 59(6):1031-42