« Populations vieillissantes, demande croissante de services de santé avec des ressources contraintes, nouveaux traitements et technologies onéreuses… les problématiques se recoupent très précisément d’un pays européen à un autre. » Fort de ce constat, le Forum européen des pharmaciens (FEP) a décidé de s’inspirer des différentes expériences en vigueur dans les pays européens pour imaginer un avenir pour l’officine.
Bien que le principe de subsidiarité, permette à chaque état de rester maître chez lui dans le domaine de la santé, cette démarche répond à un triple objectif : permettre aux pharmaciens d’offrir un accès aux soins particulièrement simple, être en mesure de quantifier les bénéfices apportés, et influencer les États et l’Union européenne, explique Pascal Louis, président du Collectif national des groupements de pharmaciens d’officine (CNGPO). C’est d’ailleurs dans cette perspective que le livre blanc du FEP avait été présenté en avant-première, à Bruxelles, devant les députés européens.
Vaccination
C’est également « dans une optique d’efficacité affirmée que cinq domaines prioritaires et cinq enjeux ont été identifiés : la vaccination, les soins auto-administrés, l’observance médicamenteuse, la prévention, le dépistage, explique Philippe Pasdeloup, président d’Alphega Pharmacie et représentant de la France au sein de l’EPF, aux côtés de Philippe Gaertner. Ces cinq sujets sont majeurs et ont tous été travaillés en profondeur par les dix États membres de l’EPF ».
Convaincu de la nécessité d’augmenter les taux de couverture vaccinale, l’EPF considère indispensable d’ouvrir la vaccination aux pharmaciens. D’autant que « le vaccin est dans le domaine du médicament et de la prévention », explique Philippe Gaertner, président de la FSPF et du CNPS. À charge pour les pharmaciens de se former et d’acquérir une compétence supplémentaire et ainsi de contribuer à l’augmentation du taux de vaccination, comme dans tous les pays où les pharmaciens ont le droit de vacciner, à l’instar du Portugal et du Royaume uni.
Observance
Le renforcement de la santé publique passe également par un renforcement des soins administrés car « ils réduisent la pression sur d’autres professionnels de santé et rentrent parfaitement dans le périmètre du pharmacien qui a pour rôle essentiel de conseiller les patients », explique Philippe Pasdeloup. Dans cette optique le Royaume-Uni, où une campagne incite le patient à venir voir son pharmacien, pourrait être une source d’inspiration. À charge ensuite pour les pharmaciens d’augmenter la confiance en eux des patients pour traiter leurs problèmes de santé, et de conserver un éventail large de produits en vente libre. Quant aux États, ils devront mettre en place des systèmes qui favorisent l’accès aux pharmaciens et ainsi soulager les généralistes ou les services d’urgence.
De la même manière, dans la perspective de l’efficience du système de santé, il semble indispensable pour les pharmaciens de contribuer à améliorer l’observance. Les officinaux devront donc tisser une relation de confiance et collaborative avec leurs patients afin que la mauvaise compréhension ne soit plus une des causes du mésusage des médicaments. Acteurs clés dans la solution à apporter, les pharmaciens devront bien évidemment être rémunérés pour les consultations réalisées. Dans ce cadre, il semblerait pertinent de s’inspirer des exemples italiens, où deux programmes d’observance existent, de l’Allemagne, avec le programme Armin, ou encore du Royaume-Uni où deux services ont été mis à disposition des patients.
Prévention et dépistage
Le pharmacien doit également jouer un rôle de premier plan à la fois dans la prévention et le dépistage des maladies chroniques qui, pour bon nombre d’entre elles, sont étroitement liées au style de vie et sont une cause majeure de décès. « Grâce à un maillage de proximité particulièrement dense, les pharmaciens sont incontestablement les professionnels de santé les plus accessibles à même de sensibiliser les populations les plus pauvres et vulnérables », explique encore Philippe Gaertner. La aussi, le Royaume Uni, avec un rôle majeur du pharmacien dans le sevrage tabagique, et l’Allemagne avec le contrôle de l’âge vasculaire, sont deux sources d’inspiration. Mais il y a urgence, car les coûts sociaux et économiques dépassent les coûts de santé.
Le dépistage enfin apparaît comme un autre domaine où le pharmacien peut jouer un rôle essentiel car, pour nombre de patients, la pharmacie est l’unique contact régulier avec un professionnel de santé. Afin d’identifier les patients qui pourraient présenter un risque, des programmes de dépistage pourraient ainsi être proposés par les pharmaciens sur des thématiques comme les maladies sexuellement transmissibles (VIH et chlamydia), le mélanome, ou encore la mesure de la pression artérielle. Autant de pistes qui pourraient se retrouver dans la prochaine convention… ou la loi de santé.