C’EST CLAIR comme l’eau de roche. Les officinaux sont compétents sur le sujet. « Bien plus que la population et la profession médicale », estime Philippe Hartemann, professeur à la faculté de médecine de Nancy. Selon lui, le spécialiste du médicament est aussi le premier interlocuteur sur cette thématique environnementale importante. Un point de vue partagé par Pascale Ceccaldi, en charge de la communication de Veolia Eau. Les deux experts passent en revue les questions que se posent les consommateurs et clients des officines.
D’où vient l’eau du robinet ?
Jamais de très loin. Elle serait trop lourde pour être transportée sur de longues distances. Aussi, on peut dire que l’eau est un « produit de terroir », son goût variant légèrement d’une région à l’autre, en fonction de la nature des sols. Environ 60 % de l’eau consommée en France provient des nappes souterraines. Les 40 % restants sont issus des eaux de surface. Selon l’origine et la qualité, le traitement ne sera pas le même. À Lyon, par exemple, l’eau de la nappe phréatique accompagnant le Rhône est naturellement potable. Ce qui n’est pas le cas de l’Oise, qui alimente le Nord de Paris. Son eau est très polluée et nécessite les traitements les plus lourds.
Comment obtient-on une eau potable ?
Avant d’être consommée, l’eau subit de multiples traitements. Les particules en suspension sont éliminées par coagulation. S’ensuit une étape de décantation. L’eau est limpide, mais pas encore potable. Elle est alors filtrée sur charbon actif et désinfectée par incorporation d’ozone. L’eau subit enfin une étape de chloration pour être maintenue sans germes jusqu’à l’arrivée au robinet.
Peut-on avoir confiance dans l’eau de boisson ?
« C’est l’aliment le plus contrôlé en France », rappelle le Pr Hartemann. L’eau du robinet subit de très nombreux prélèvements. Des techniciens s’assurent de l’absence de micro-organismes et de polluants. On inspecte aussi les paramètres de qualité visuelle et gustative. Il le faut car les dangers de pollution chimique sont de plus en plus nombreux. « Mais le risque est assez bien maîtrisé », rassure l’expert. De même, les menaces microbiologiques, mieux connues, sont sous contrôle. Certains virus et protozoaires échappent cependant à la désinfection.
Quels sont les polluants chimiques de l’eau ?
Ils sont nombreux et divers : minéraux (phosphates, nitrates), métaux lourds (aluminium, plomb, mercure), produits phytosanitaires (acaricides), solvants et hydrocarbures (trichloréthylène), détergents et désinfectants (EDTA, chloramines), dioxines, etc. Il faut aussi compter sur la présence de résidus de médicaments, dont certains sont des perturbateurs endocriniens. Les pesticides, comme la perméthrine ou le malathion, s’ajoutent à la liste. « Mais l’eau n’apporte que 5 % des pesticides ingérés, 95 % proviennent de l’alimentation », nuance le Pr Hartemann.
Comment sont fixés les seuils de tolérance sur la qualité de l’eau ?
La norme de potabilité est calculée en se basant sur les individus les plus fragiles, tels les enfants et les femmes enceintes. L’évaluation du risque définit des quantités maximales admissibles. Pour fixer une valeur toxicologique de référence, on se base sur des éléments déterminants (avec notion de seuil) et probabilistes (sans seuil, la gravité n’étant pas dose dépendante).
Comment améliorer le goût de l’eau ?
Il faut laisser couler un peu l’eau du robinet, la mettre au réfrigérateur ou ajouter quelques gouttes de citron, pour neutraliser son goût chloré. Le chlore lui-même ne cause pas de problème, contrairement à certains sous-produits, comme le chloroforme.
L’eau peut-elle être la cible d’actes terroristes ?
Oui, potentiellement. L’introduction de toxiques dans les canalisations s’avère cependant difficile. De nombreux contrôles sont menés. L’incident peut être détecté, par exemple par un effondrement des concentrations en chlore. Dans ce cas, le système est immédiatement coupé.
Faut-il plutôt consommer l’eau en bouteille ?
Ce n’est pas nécessaire, sauf exceptions, estime le Pr Hartemann. Pour les sulfates, par exemple, le seuil de tolérance (250 mg par litre) peut être dépassé. C’est le cas en Lorraine où l’eau est parfois très chargée en soufre (phénomène d’ennoyage des mines). Mais certaines eaux en bouteille ont des taux de sulfates allant jusqu’à 750, voire 1 500 mg par litre. « Ce qui n’est pas admis pour l’eau du robinet l’est parfaitement pour des bouteilles », conteste le Pr Hartemann, regrettant que l’on ait fait passer les eaux minérales de la pharmacie à la grande distribution sans changer la législation.
Les carafes filtrantes ont-elles un intérêt ?
Oui, mais attention : le type de cartouche adoucissante doit être choisi en fonction des teneurs de l’eau du robinet. Et ces cartouches doivent être changées régulièrement, afin d’éviter le relargage des éléments filtrés.
Où trouver des informations sur la qualité de l’eau ?
La commune est responsable de la distribution de l’eau et des informations au consommateur. Chaque année, les usagers reçoivent un bulletin sanitaire avec leur facture. L’information peut aussi être donnée sur Internet ou par les Agences régionales de santé. Elle est affichée dans les mairies. Médecins et pharmaciens peuvent également diffuser cette information qui leur est transmise par les municipalités.