L’OBJECTIF d’une couverture vaccinale d’au moins 75 % chez les personnes âgées de plus de 65 ans et les patients ALD à risque relève plus que jamais aujourd’hui du vœu pieux. Entre 2008 et 2011, les taux ont chuté de 65 à 55 % chez les personnes âgées et de 59 à 52 % chez les patients ALD concernés. Et les chiffres de 2012 qui doivent être prochainement dévoilés lors du lancement officiel de la campagne 2013-2014 sont « encore un petit peu moins bons », annonce le Dr Anne Mosnier, coordinatrice nationale du réseau des Groupes régionaux d’observation de la grippe (GROG). Lors de la XVIIe journée scientifique du réseau organisée jeudi dernier à Paris, le Dr Dominique Lesselier, médecin Conseil à la CNAMTS/DIP a dévoilé les principaux résultats d’une enquête de l’Assurance maladie menée cet été auprès de 315 généralistes. « Cette étude révèle une forte proportion de généralistes qui évoquent la vaccination avec leurs patients puisque 71 % déclarent la proposer à tous les patients concernés, 23 % à certains profils de patients et 3 % aux patients jugés attentifs et impliqués », résume le Dr Lesselier. Un autre volet de cette enquête consacrée au ressenti des médecins sur l’évolution de leurs taux de vaccination sur trois ans met toutefois en évidence « une vision assez décalée vis-à-vis de la réalité », 46 % les jugeant stables et 23 % estimant même une augmentation. Interrogés sur les motifs de non-vaccination de leurs patients cibles, près de 8 praticiens sur 10 invoquent un refus catégorique de ces derniers.
Méfiance générale.
« Le contexte n’est évidemment pas très favorable avec une méfiance générale vis-à-vis des produits de santé, notamment à l’égard des vaccins suite à l’effet post pandémie de 2009 », souligne le Dr Mosnier qui juge la communication des autorités à ce sujet encore « un peu discrète » par rapport aux « actions extrêmement délétères » des groupuscules anti-vaccins sur Internet. « L’environnement est par ailleurs compliqué par les discussions actuelles entre les experts qui n’ont pas encore les données suffisantes au sujet de l’efficacité du vaccin auprès des populations cibles », ajoute la coordinatrice du réseau GROG. « Lorsqu’on regarde les méta-analyses sur la vaccination anti-grippale, on a beaucoup de travaux chez les adultes en bonne santé, assez peu chez les enfants et quasiment rien chez les plus de 65 ans, ce qui s’avère assez paradoxal », fait remarquer le Dr Mosnier. « L’efficacité des vaccins contre les épidémies de grippes saisonnières est probablement surestimée par les patients et les professionnels de santé », considère le Dr Laurent Letrilliart du département de médecine générale à l’Université Lyon I.
Eclairer le patient.
« Plus que par le passé, l’adhésion des patients au calendrier vaccinal devient aujourd’hui dépendante d’une information de qualité de la population » où les professionnels de santé et en particulier les médecins de soins primaires occupent un rôle essentiel, insiste le Dr Letrilliart. « La décision du patient doit être éclairée par cette information mais aussi par l’avis du médecin sur la balance bénéfice/risque qui est actuellement en faveur d’une vaccination ciblée », poursuit-il. Pour soutenir les professionnels, « les autorités de santé devraient être en mesure de fournir les données utiles aux médecins généralistes pour remplir leur mission de prévention vaccinale, mais aussi de soutenir les évaluations vaccinales qui s’avèrent nécessaires auprès des populations cibles », suggère le Dr Letrilliart qui appelle enfin les pouvoirs publics à « s’interroger sur l’impact du remboursement de traitements homéopathiques de prévention grippale sur la compréhension et l’adhésion des usagers au programme de vaccination antigrippale ».