Paludisme, cécité des rivières ou éléphantiasis : cette année, le prix Nobel met sous les feux de la rampe trois chercheurs qui ont contribué à améliorer la lutte contre les maladies tropicales parasitaires.
Il récompense la Chinoise Tu Youyou pour la découverte de l’artémisine, antipaludéen très efficace. L’Irlandais William Campbell et le Japonais Satoshi Omura se partagent l’autre moitié du prix pour la découverte de l’avermectine, dont le dérivé, l’ivermectine, est un antiparasitaire utilisé notamment contre la cécité des rivières, la filariose lymphatique (ou éléphantiasis) et la gale.
« Cette année, les lauréats du prix Nobel ont développé des thérapies qui ont révolutionné le traitement de certaines des maladies parasitaires les plus dévastatrices, particulièrement chez les populations les plus pauvres du monde », s’est félicité le comité Nobel de l’Institut Karolinska.
Le Nobel est assorti d’une récompense globale d’environ 855 000 euros.
Une chercheuse en herbes
Tu Youyou, 84 ans, depuis longtemps pressentie pour recevoir le prix, a découvert l’artémisine,alors qu’elle travaillait dans un vaste projet contre le paludisme dans les années 1970. Après avoir passé en revue plus de 2 000 préparations à base de plantes, elle réussit à extraire l’artémisine de l’armoise annuelle. Ce principe actif s’est avéré très efficace contre le paludisme, et notamment contre le Plasmodium falciparum.
« L’artémisine a permis de répondre à des problèmes de résistance apparus en Afrique et en Asie, après des décennies d’utilisation massive d’antipaludéens classiques, comme la chloroquine et l’amodiaquine », explique Mohamed-Ali Hakimi (parasitologue, Institut Albert Bonniot, Grenoble). Aujourd’hui toutefois, des résistances à la molécule commencent à apparaître en Asie de Sud Est. L’Afrique n’est pas encore concernée. Mais la recherche s’oriente déjà vers de nouveaux traitements ou vaccins afin de déjouer la transmission du parasite.
L’avermectine issue d’une bactérie
William C. Campbell et Satoshi Omura ont découvert l’avermectine, une famille de macrolides à activité antihelminthique et insecticide.
Satoshi Omura, 80 ans, avait réussi au Japon à isoler un type de bactérie (un actinomyces), présente dans la terre et William C. Campbell, 85 ans, avait ensuite étudié les substances produites par l’actinomyces et découvert leur effet sur les parasites. C’est leur collaboration qui a permis la création de l’avermectine. Son dérivé, l’ivermectine, seule ou en association, est devenue le traitement standard contre de nombreuses parasitoses, en particulier la filariose lymphatique, l’onchocercose et la gale.
« Avant l’apparition de ce produit, on avait des médicaments peu efficaces et mal tolérés, témoigne le Pr Patrice Bourée (parasitologue, hôpital Bicêtre, Kremlin Bicêtre). Il fallait un médicament pour traiter chacun des parasites. Aujourd’hui, l’ivermectine tue à la fois les vers intestinaux, les vers filaires et les parasites externes. »
En France, l’ivermectine est commercialisée par le Laboratoire MSD sous les noms de Mectizan et Stromectol. Selon Patrice Bourée, il était important d’attribuer le Nobel à la médecine des parasites, « une discipline délaissée qui reste mal connue alors qu’elle touche des millions de personnes ». Un avis partagé par l’ONG Médecins sans frontières (MSF) qui qualifie ce choix de « génial ».