Lors du Congrès mondial de l’ostéoporose, qui vient de se tenir à Cracovie (Pologne), le Pr René Rizzoli (service des maladies osseuses, hôpitaux universitaires et faculté de médecine de Genève, Suisse) a brossé un point d’actualité sur le nouveau champ de recherches particulièrement prometteur fondé sur les interrelations microbiote/os.
Le Pr Rizzoli a rappelé en introduction que le microbiote intestinal est constitué d’environ 100 000 milliards de bactéries, champignons et virus, soit environ 10 fois plus que le nombre total de cellules de l’organisme. Et souligné que, contrairement à ce que l’on a longtemps pensé, la relation entre la santé osseuse et l’intestin ne se limite pas à l’absorption du calcium et des protéines, qui sont certes des nutriments essentiels.
C’est ainsi que des travaux, menés tant chez l’animal (notamment chez des souris « germ free ») que chez l’homme, ont mis en évidence une influence des probiotiques (chez l’homme, les principales sources alimentaires de probiotiques sont représentées par les produits laitiers : yaourts, fromages, laits fermentés) sur la croissance osseuse via une augmentation du taux d’IGF1, une hormone de croissance essentielle. De plus, on a observé chez les animaux « germ free » une réversibilité du remodelage osseux consécutive à une recolonisation bactérienne de leur intestin. Ces résultats ouvrent d’intéressantes perspectives en ce qui concerne notamment la lutte contre la malnutrition et ses conséquences osseuses.
Probiotiques, ménopause et ostéoporose
Un premier point clé a été la démonstration, chez la femme ménopausée, d’un lien entre la diversité du microbiote et le taux urinaire d’estrogènes. Ainsi, le déficit hormonal se traduit par un appauvrissement et un déséquilibre du microbiote. Par ailleurs, chez la souris ovariectomisée, l’administration de certains probiotiques (comme Lactobacillus reuterii) modifie la flore intestinale et prévient la perte osseuse (fémur, vertèbres) liée à la carence en estrogènes.
D’autre part, des études menées sur l'humain ont conforté l’intérêt porté au rôle du microbiote intestinal du point de vue de l’os. C’est ainsi qu’une étude suédoise (portant sur 61 433 femmes de 39 à 74 ans suivies 20 ans) a montré en 2014 une diminution de 10 à 15 % du risque de fracture de hanche par la consommation quotidienne de 200 g de yaourt ou de 20 g de fromage.
Des outils diagnostiques
Dans un autre ordre d’idée, il ressort de travaux chinois, parus en 2017, ayant comparé (par l’analyse ADN) le microbiote de sujets normaux, ostéopéniques et ostéoporotiques, l’existence de différences dans la composition du microbiote de ces trois groupes. Plus précisément, si les quatre principales souches de bactéries du microbiote « normal » sont bien présentes chez tous les sujets (Firmicutes, Bacteroidetes, Proteobacteria et Actinibacteria), leur proportion est apparue modifiée, les personnes ostéoporotiques ayant davantage de Firmicutes et moins de Bacteroidetes ; ce qui se reflète dans des rapports Firmicutes/Bacteroidetes significativement différents : 1,3 chez le sujet normal, 1,75 chez l’ostéopénique et 3,3 chez l’ostéoporotique. Ces résultats permettent d’envisager non seulement des interventions thérapeutiques, mais aussi peut-être le développement d’intéressants outils diagnostiques.
Le Pr Rizzoli a terminé sa présentation en augurant que « de nouvelles recherches vont permettre d’approfondir le lien entre alimentation et santé, de mieux appréhender la sensibilité d’un individu à un modèle alimentaire ou à un traitement médical, de proposer des prises en charge personnalisées, ou encore d’utiliser des aliments comme vecteurs de prévention ou de traitement, parmi lesquels les probiotiques des produits laitiers fermentés, accessibles et variés ».
D'après le « Congrès mondial de l'ostéoporose » 2018 à Cracovie.