Présenté il y a un an par la ministre de la Santé Marisol Touraine, le plan national de réduction du tabagisme continue à se mettre en place. Son objectif ? Ramener la proportion de fumeurs dans la population française à moins de 20 % en 10 ans, versus 30 % actuellement.
Car, rappelle-t-elle, « la France est le mauvais élève en matière de lutte contre le tabac » avec 73 000 morts par an. Elle renforce donc son arsenal, une tendance de fond que l’on retrouve un peu partout sur le Globe, plébiscitée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui a clairement exprimé ses intentions : que les industriels du tabac « mettent la clé sous la porte ».
Les idées ne manquent pas et vont même au-delà de la directive européenne antitabac : campagnes pour convaincre les Français d’arrêter de fumer, mise à disposition de sites Internet et d’applications pour smartphone, décret interdisant le tabac dans les aires de jeux, prise en charge annuelle forfaitaire du sevrage tabagique par l’assurance-maladie… L’entrée en vigueur du paquet neutre vient s’ajouter à cet ensemble de mesures.
Déclarer la guerre
Dans ce contexte, où en est concrètement le sevrage tabagique aujourd’hui ? La France compte quelque 13 millions de fumeurs. Et, mauvaise nouvelle : pour la première fois depuis 2010, les ventes de tabac ont augmenté en 2015, selon le bilan annuel de l’Office national des drogues et toxicomanies (OFDT).
Mais, paradoxalement, les ventes en pharmacie des traitements de sevrage tabagique sont également en hausse en 2015 après deux années de baisse. « On compte 1 825 779 patients traités contre 1 603 839 en 2014, soit 13,5 % de plus, indique le Pr Bertrand Dautzenberg, pneumologue à la Pitié-Salpêtrière et éminent tabacologue, il s’agit de la plus forte hausse enregistrée depuis 2007 (+ 36 %), année de mise sur le marché du Champix (varénicline), alors qu’une seule nouvelle référence a été commercialisée en 2015 (pastilles Nicopass, le 25 août). »
Cependant, insiste-t-il, « les prescriptions des médicaments du sevrage tabagique se sont complètement effondrées avec l’arrivée de la e-cigarette et l’annulation en octobre 2014 de l’indexation des taxes du tabac sur le prix des ventes de cigarettes par le ministre du Budget ». Une décision en totale contradiction avec le plan de réduction du tabagisme lancé par Marisol Touraine, dont les mesures sont saluées par le tabacologue.
La hausse des ventes concerne tous les médicaments du sevrage tabagique, excepté le Champix (plombé par de possibles effets secondaires cardiaques et psychiatriques mais dont la mise en garde de la France a été levée fin 2015 et celle de l’Europe il y a quelques jours) : + 25 % (en équivalents patients traités) pour les patchs, + 9 % pour les substituts par voie orale, + 7 % pour le Zyban (bupropion) après onze années de recul, + 6 % pour le spray buccal Nicorette.
Comme le remarque l’OFDT, la « situation tranche avec celle observée en 2013 et 2014, imputée en grande partie à la cigarette électronique qui (…) apparaissait aux yeux de ses utilisateurs comme un outil de sevrage, faisant reculer le recours aux traitements classiques. Cette inversion de tendance pourrait donc s’avérer être seulement un rattrapage partiel des ventes non effectuées, puisque le niveau reste encore très inférieur (– 23 %) à celui de l’année 2012 ». Toutefois, l’embellie du marché du sevrage tabagique n’aura pas échappé à l’ennemi. En juin 2014, à l’annonce du Plan antitabac de Marisol Touraine, Michel-Édouard Leclerc réclamait haut et fort le droit de vendre ces produits dans ses parapharmacies…
Pour un remboursement total
Parallèlement, le nombre de patients accueillis dans les consultations de tabacologie est en nette augmentation. Le système de prise en charge partielle (à hauteur de 50 euros par an) mis en place dès 2007, s’est progressivement étoffé par un remboursement jusqu’à 150 euros pour certains usagers, ce qui a mécaniquement augmenté de 15 % le nombre de bénéficiaires en 2015. Insuffisant pour le
Pr Dautzenberg qui plaide pour une prise en charge totale des produits de sevrage et sans avance de frais des patients. « Il serait judicieux que le prescripteur puisse délivrer un document de prise en charge de l’intégralité des traitements lors de la consultation, y compris le Champix, qui a souffert de son déremboursement lors de la journée mondiale sans tabac de 2011 par le ministre de la Santé de l’époque et qui vient de sortir blanchi de cinq années de pharmacovigilance. »
Car pour le pneumologue, le Champix est de loin le meilleur traitement pour arrêter de fumer, même s’il prescrit aussi les différents substituts nicotiniques et le Zyban. « Je fais une progressive escalade des doses afin de diminuer l’envie de fumer avant de travailler sur l’arrêt du tabac et je prescris à mes patients de fumer lorsqu’ils en ont envie. Tant qu’ils peuvent fumer sans dégoût ou nausée, ils sont sous-dosés. Il est essentiel de commencer par soulager le manque, supprimer l’envie et arrêter de dire que l’arrêt du tabac doit passer par la souffrance. J’appelle médecins et pharmaciens à cesser ce discours et à ne pas distiller de messages négatifs. Ce ne sont pas les traitements de l’arrêt du tabac qui tuent mais le tabac. »
Enfin, le pneumologue plébiscite l’usage de la cigarette électronique dans l’arrêt du tabac et a même ouvert une consultation e-cigarette. « La vape est un substitut oral en complément des autres moyens du sevrage. » Il rappelle à l’envi que « la vapeur est infiniment moins toxique que la cigarette » et qu’il s’agit d’une bonne solution pour tout fumeur souhaitant arrêter le tabac car « avec la vape, les gens ont plaisir à arrêter de fumer ; or le plaisir est essentiel. Les personnes qui viennent en consultation sans avoir jamais vapoté sont en voie d’extinction ».