« IL EST TEMPS de passer à l’acte ». C’est avec une volonté offensive que Lucien Bennatan, Président du groupe PHR, a annoncé le 29 janvier dernier l’entrée du groupement dans l’ère des objets connectés. Ce n’est pas une volonté guerrière dont il s’agit, mais bien plutôt une façon de mettre fin à l’attentisme du monde officinal face à l’émergence rapide de tous ces nouveaux objets, susceptibles de modifier profondément notre approche de la santé. Le groupe PHR s’est voulu pragmatique et s’est adossé à la grande enseigne spécialiste des objets connectés, la société Lick, présente en France depuis l’année dernière. Lick fournit les objets eux-mêmes ainsi que les services et la formation nécessaires pour s’en servir et les commercialiser. Le choix du groupement s’est porté sur les objets de diagnostic les plus courants, tensiomètres, oxymètres, thermomètres, mais aussi balances intelligentes ou système de suivi du sommeil du nourrisson par le biais de caméras WiFi. La simplicité est de mise alors que par ailleurs, le marché galope vers des outils de plus en plus sophistiqués comme en témoigne à titre d’exemple Rejiva, un produit vendu par la société américaine Rivujen. Rejiva est un simple « patch » que l’on colle sur la poitrine et capable d’établir tout un ensemble de données physiologiques relatives à l’électrocardiographie, la fréquence cardiaque, la fréquence respiratoire, la qualité du sommeil, l’état du système nerveux autonome et bien d’autres encore. Un produit pour l’instant uniquement disponible sur Internet en France.
Autonomie et partage.
Pour Lucien Bennatan, l’essentiel est de faire en sorte que le pharmacien soit l’interlocuteur naturel du patient. Celui-ci est, certes, en recherche d’autonomie en matière de santé, mais « il a toujours besoin d’explications, d’interprétation, d’analyses de la part d’un professionnel de santé, et il faut que ce soit le pharmacien », pose le dirigeant de PHR. Autonomie et partage, donc. « Nous sommes condamnés à réussir, sinon, ce sont les auxiliaires de santé qui vont le faire à notre place. » D’où l’importance accordée à la maîtrise à la fois des objets eux-mêmes, mais aussi à celle du discours lié à l’interprétation des données que ces objets identifient. D’où aussi le souci de commencer par les objets les plus courants, ceux auxquels les patients sont les plus habitués, la connexion à Internet en plus. Des objets qui, précise le président de PHR, peuvent générer une marge certes pas très élevée mais néanmoins beaucoup de chiffre d’affaires.
Une autre façon d’aborder le marché des objets connectés de santé en pharmacie est celui du logiciel qui permettra d’animer la relation entre le pharmacien et les patients. C’est l’ambition de Sympad, une solution de suivi des patients chroniques, l’un des membres d’un consortium créé dans le cadre d’un appel à projet de santé. La « couche » logicielle est pensée de telle sorte que le patient ne soit pas seul face à ses objets connectés, nombreux sont en effet les produits qui établissent des données, des constantes devant lesquelles il peut se trouver facilement démuni. Sympad se caractérise donc par un espace sur une plate-forme Web qui lui est dédié où il peut conserver les mesures effectuées et un espace dédié au pharmacien, qui peut l’utiliser dans le cadre soit des entretiens pharmaceutiques conventionnels soit dans celui d’un suivi de maladies chroniques ou de dépistage.
Rester dans une logique médicale.
La solution est accompagnée d’objets de santé connectés qui servent donc d’outils à la relation patient-pharmacien : la société connecte ainsi à Sympad des balances (notamment pour le suivi du risque cardiovasculaire ou les habitudes alimentaires), tensiomètres, glucomètres de telle sorte qu’ils servent au suivi des pathologies assuré par le pharmacien et/ou par le patient lui-même. « Nous avons référencé une marque dont les produits sont robustes pour rester dans une logique purement médicale et ne pas être comparé aux objets connectés de bien-être que l’on trouve dans de grandes enseignes », explique Laure Vilain, chargée d’affaire pharmacie pour Sympad. La société envisage de référencer plus tard des produits comme des spiromètres et oxymètres pour le suivi du souffle, toujours dans le cadre d’un suivi de pathologies. Elle entend bien ne pas enfermer le patient dans une démarche précise et a imaginé plusieurs scénarios, types de mesure, voire consultation d’un médecin (par le biais d’une plate-forme de télé conseil médical).
La société a travaillé pendant deux ans sur une interface intuitive et a décidé que l’entrée du logiciel se ferait par la prise de mesure et non par le type de pathologie. « Nous avons observé le retour des pharmacies qui l’ont testée et l’entrée par la prise de mesure nous paraît mieux adaptée à la pratique officinale », explique Laure Vilain. Sympad respecte la réglementation, notamment celle liée à la conservation et l’hébergement de données de santé, ajoute-t-elle.
Ces différents outils et logiciels sont pour l’instant indépendants des LGO. Sans doute serait-il souhaitable dans l’absolu à ce que les pharmaciens partent de leur outil de gestion quotidien pour aller vers les objets connectés en passant par la couche logicielle idoine, et cela par souci de simplicité. « Il faudrait que les éditeurs s’adaptent et s’ouvrent », remarque Lucien Bennatan.