À l’exception d’un unique député membre d’un petit parti de gauche, aucun élu national n’a participé aux débats du Congrès des pharmaciens allemands, alors que tous les partis politiques, au pouvoir comme dans l’opposition, y sont d’ordinaire très représentés. Les pharmaciens y voient une forme symbolique de « punition » jugée d’autant plus injuste qu’ils ont l’impression de rendre de plus en plus de services à la population, sans en retirer le moindre avantage.
Comme l’a rappelé le président de l’Association fédérale des pharmaciens (ABDA), Friedemann Schmidt, les pharmaciens se sont fortement mobilisés ces dernières années pour développer de nouveaux services, en particulier en matière de suivi pharmaceutique et de tenue d’un dossier pharmaceutique. Mais ils se voient « remerciés » par un projet de loi sur la santé électronique qui met en place un dossier pharmaceutique informatisé, géré par les seuls médecins, qui seront rémunérés pour cela. Le rôle des pharmaciens dans le suivi et les « plans de médication » sera facultatif et… bénévole, alors même que près d’un adulte sur quatre, en Allemagne, prend plus de trois médicaments par jour.
Certains médecins établissent déjà, avec leurs patients, des « listes de médicaments » pour tenter de rationaliser leur consommation mais, selon les pharmaciens qui les ont consultées, neuf sur dix sont fausses ou incomplètes : les patients confondent ou oublient certains produits et omettent les OTC. Certes, les patients inscrits dans une pharmacie disposent d’un dossier pharmaceutique, complet dès lors qu’ils ne vont pas se fournir ailleurs, mais ce document n’a aucune valeur légale, contrairement aux futures listes que les médecins devront proposer à leurs patients.
En ouverture du congrès, les pharmaciens ont présenté plusieurs études de cas, montrant comment on peut efficacement réduire le nombre de médicaments pris tous les jours par un patient, par exemple un diabétique hypertendu et obèse, tout en améliorant à la fois sa qualité de vie et… les finances de l’assurance-maladie. Les pharmaciens réclament une refonte du projet de loi, afin que leurs compétences y soient intégrées, non seulement en matière de dossier informatisé, mais aussi dans d’autres domaines de la santé électronique. Ils réclament pour cela une adaptation de leur honoraire à ces nouvelles missions, mais se sont vus opposer une fin catégorique de non-recevoir par le gouvernement et les caisses.
L’ABDA sur la sellette
Lors du congrès, les débats sur ces financements ont pris un tour d’autant plus amer que, dans les salles voisines du palais des congrès où se déroulaient les conférences de la FIP, les pharmaciens de plusieurs pays, notamment australiens, américains, britanniques et suisses, expliquaient comment ils ont pu intégrer avec succès les nouvelles missions dans leur activité, et les faire rémunérer. De plus, les relations entre les organisations pharmaceutiques et médicales semblent de plus en plus exécrables, avec une méfiance accrue des deux côtés. Cette situation amène un nombre croissant de pharmaciens, mais aussi une partie de la presse professionnelle, à s’interroger ouvertement sur l’efficacité des politiques et du lobbysme menés l’ABDA qui, selon certains éditorialistes d’ordinaires plus mesurés, « vole d’échec en échec ».
Au-delà de l’actualité professionnelle du moment, les pharmaciens ont abordé leur rôle dans l’actuelle crise des migrants, relevant l’engagement de beaucoup d’entre eux pour leur venir en aide. M. Schmidt appelle tous les pharmaciens à soutenir les réfugiés, rappelant aussi que certains d’entre eux pourront, une fois régularisés, se former aux métiers de la santé, et notamment de la pharmacie. Outre l’aide logistique qu’ils apportent aux réfugiés, via les organismes d’aide officiels, plus de 350 pharmaciens et préparateurs parlant l’arabe aident les migrants malades confrontés à des problèmes linguistiques.
Enfin, le congrès permet aussi aux pharmaciens délégués par les Ordres régionaux et fédéraux de présenter un certain nombre de projets et demandes qui, une fois débattus et adoptés, définissent les positions officielles de la profession sur ces sujets. Le congrès a notamment plaidé pour le développement de l’utilisation thérapeutique du cannabis, qui passe selon lui par une séparation absolue entre le cannabis récréatif et thérapeutique. Les pharmaciens souhaitent donc pouvoir délivrer du cannabis aussi sérieusement dosé et contrôlé que n’importe quel médicament, sous contrôle médical.