C’EST L’UN des grands changements de ce début d’année. Depuis le 1er janvier, la rémunération des pharmaciens est devenue mixte. À la marge commerciale, sont désormais associés des honoraires de dispensation, à la boîte (0,82 euro TTC) et pour certaines ordonnances (0,51 TTC pour les prescriptions de 5 lignes et plus).
À peine lancés, ces nouveaux honoraires font déjà polémiques, en particulier celui lié à la boîte en cas de dispensation hors ordonnance. Car dans ce cas, la tentation de ne pas le faire payer pour s’attirer de nouveaux clients a saisi certains confrères. Le groupement Univers Pharmacie et son programme Premium ont ainsi semé le trouble. Pour 25 euros par an, l’adhérent au programme bénéficie d’un prépaiement forfaitaire de l’honoraire parmi une foule d’autres services. L’initiative provoque la colère du président du groupe PHR, Lucien Bennatan, pour qui le programme Premium s’apparente à « un exercice mercantile, irresponsable et dangereux ». La chambre syndicale des groupements et enseignes de pharmacies, Federgy, monte également au créneau contre le principe de prépaiement de l’honoraire à la boîte. Pour elle, la dispensation s’accompagne toujours du conseil d’un professionnel de santé qu’est le pharmacien et doit donc être rémunérée et valorisée.
Autre souci rencontré ces dernières semaines, les importantes baisses de prix qui sont venues télescoper la réforme de l’honoraire. « Elles doivent être compensées », insiste Philippe Besset, vice-président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), car celles-ci n’étaient pas encore fixées lors des négociations sur la nouvelle rémunération. Philippe Besset compte donc sur les premières conclusions de l’observatoire du suivi des honoraires attendues pour la fin du mois, afin de mesurer l’impact de ces baisses de prix sur l’économie officinale et de décider d’éventuelles mesures correctrices.
De son côté, l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF) a fait ses calculs : les réductions tarifaires vont tout bonnement effacer le gain attendu avec la réforme de la rémunération. « Ces mesures coûteront environ 300 millions d’euros à l’officine, soit environ 13 700 euros par pharmacie, sans aucune perspective de croissance », s’inquiète Martin Muller, chargé de l’économie à l’UNPF. Et pour lui, c’est clair, « l’honoraire ne permet pas au pharmacien de conserver une rémunération stable en cas de baisses de prix ».
La situation pourrait devenir carrément catastrophique si, comme certains le craignent, le paracétamol changeait de conditionnement. Des informations ont circulé sur un passage du boîtage du paracétamol à 32 comprimés, voire à 48 unités, accompagné du déremboursement des boîtes de 8 comprimés dosées à 1 gramme. Mais celles-ci n’ont pas été confirmées. « Si cela se faisait, il faudrait augmenter l’honoraire », indique Philippe Besset. En effet, explique-t-il, la négociation conventionnelle reposait sur la dispensation d’un certain nombre boîtes. Si ce nombre venait à être modifié, « il est évident qu’il faudrait revoir le montant de l’honoraire », précise le vice-président de la FSPF. « C’est le produit le plus vendu, rappelle Jean-Luc Fournival, président de l’UNPF. Il permet de maintenir à flot beaucoup d’officines. »
Pour Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), c’est bien la preuve que la réforme de la rémunération n’est pas adaptée, à partir du moment où l’augmentation de la marge se concentre essentiellement sur le paracétamol et l’homéopathie. Aussi, considère-t-il que l’étape de 2016, instaurant l’honoraire à 1,02 euro, doit être abandonnée. Au 1er janvier 2016, précise le président de l’USPO, tous les médicaments dont le prix est supérieur à 1,81 euro (PFHT) verront leur marge baisser. Du coup, en cas de changement de conditionnement du paracétamol, les officinaux perdraient non seulement des honoraires, mais aussi de la marge. À ses yeux, la seule solution est de remettre tout à plat et d’ouvrir de nouvelles négociations. « La profession mérite mieux que cette réforme en trompe l’œil », affirme-t-il.