Issu d’une officine achetée en 1668 à Darmstadt par le pharmacien Friedrich Jacob Merck, le groupe Merck est l’un des laboratoires pharmaceutiques les plus tournés vers l’innovation et la recherche. Il célèbre cette année ses 350 ans en organisant de nombreux événements axés sur l’avenir de la santé, sans oublier ce qu’il doit à sa pharmacie, berceau de son développement.
Présent dans le médicament, ainsi que dans les sciences de la vie et les nouveaux matériaux (lire encadré), Merck reste un groupe familial, dont les membres s’interdisent toutefois d’interférer dans les affaires de l’entreprise… À l’exception de la pharmacie d’origine, dirigée depuis 11 générations par des pharmaciens de la famille.
Installée au cœur de Darmstadt, la « pharmacie de l’Ange » (Engel Apotheke) disparaît, comme 90 % de la ville, dans le bombardement du 11 septembre 1944, avant de renaître sept ans plus tard au sein d’une massive « Maison Merck » dont elle occupe presque tout le rez-de-chaussée. Renate Koehler dirige l’officine depuis 1991. Au cours des siècles passés, explique-t-elle, il est parfois arrivé que des pharmaciens meurent avant que leurs fils aient atteint l’âge de devenir pharmaciens à leur tour : dans ce cas, la famille engageait un « pharmacien gérant », solution à laquelle elle dut recourir aussi après 1945, les jeunes pharmaciens de la famille étant morts à la guerre. Aujourd’hui, Mme Koehler envisage l’avenir avec sérénité car ses deux nièces, pharmaciennes, envisagent de lui succéder pour constituer ainsi la 12e génération.
Un devoir d'exemplarité
Le fait d’illustrer concrètement la continuité de la pharmacie Merck donne des devoirs particuliers à l’officine, souligne sa titulaire : « nous devons être exemplaires en matière d’accueil et de services, nous avons une réputation de qualité à défendre ». La pharmacie effectue de très nombreuses préparations et dispose d’un grand laboratoire. Elle a un devoir de stricte neutralité en ce qui concerne le choix des médicaments, mais elle ne se prive pas, comme l’autorise la loi, de mettre plutôt en avant les OTC produits par Merck dans ses vitrines, par ailleurs consacrées, cette année, à l’histoire de la société. Toutefois, le groupe est en train de se séparer de sa médication familiale pour se renforcer sur les médicaments les plus innovants, notamment en immunologie, en cancérologie et en neurologie. Malgré cette évolution, la pharmacie de l’Ange reste « la pharmacie Merck » dans l’image du public, et constitue, de plus, l’officine attitrée d’un grand nombre d’anciens collaborateurs de la société.
Mais même auréolée d’histoire, la pharmacie de l’Ange est confrontée aux mêmes défis que toutes les officines allemandes, et avant tout la concurrence des ventes en ligne. « Pour les contrecarrer, nous faisons beaucoup d’offres sur les OTC, poursuit Mme Koehler, mais nous sommes très inquiets de voir, maintenant, les ventes de prescription en ligne, avec des rabais, décoller depuis l’étranger ». Elle n’hésite pas à parler de « tragédie » pour les officines, et constate que beaucoup de gens ne réalisent pas les conséquences qu’aura pour eux la disparition de nombreuses petites pharmacies. Même à Darmstadt, ajoute-t-elle, quelques officines ont déjà dû fermer ces dernières années. Grande pharmacie de centre-ville, avec trois filiales et des partenariats avec d’autres officines du secteur, l’officine-mère de Merck n’est certes pas menacée par ces évolutions, mais doit s’adapter à ce nouveau cadre. « Nous pouvons résister par le service et le conseil, l’accueil et la proximité, conclut-elle, et il faut donc encore plus faire l’impossible pour tous nos clients ! ».