Il s'agit d'élaborer des nanocomplexes artificiels capables de reproduire les fonctions des machines moléculaires présentes dans la nature. Parmi ces moteurs naturels, on compte, par exemple, l'enzyme ATP synthase - véritable moteur rotatif responsable de la fabrication d'énergie à l'intérieur des cellules - mais aussi les flagelles des bactéries, les filaments musculaires, les protéines chaperons, etc.
Les trois nobélisés, « amoureux des belles molécules », sont des pionniers de cette discipline en plein essor. Jean Pierre sauvage, 71 ans, est le premier à avoir pensé ces nanomachines. Il est réputé pour avoir réalisé, au début des années 2000, des muscles artificiels - sortes de piston où deux molécules coulissent l’une dans l’autre. Né en 1944 à Paris, le chercheur a passé son doctorat à l’université Louis Pasteur de Strasbourg en 1971, sous la direction de Jean-Marie Lehn - lui aussi nobélisé de chimie, en 1987. En 1979, Jean Pierre Sauvage a été nommé directeur de recherche CNRS, puis professeur émérite en 2009, au sein de l’Institut de science et d’ingénierie supramoléculaires de l’université de Strasbourg et du CNRS.
James Stoddart, 74 ans, a pour sa part réalisé en 2004 un ascenseur moléculaire, tandis que Ben Ferringa, 65 ans, a été le premier à concevoir, en 1999, une roue tournant d’un quart de tour sous l’effet de la lumière, ce qui lui a permis de créer une « nanovoiture » avec quatre roues motrices.
Les nanorobots du futur
Les machines moléculaires accessibles aujourd’hui sont extrêmement primitives comparées aux machines naturelles très complexes mises au point par la nature. « Le moteur moléculaire se trouve aujourd'hui au même stade que le moteur électrique dans les années 1830, lorsque les scientifiques exposaient des manivelles et des roues, sans savoir que cela mènerait aux trains électriques, au lave-linge, aux ventilateurs et aux mixeurs », a expliqué le jury Nobel.
Ces nanorobots suscitent néanmois des espoirs dans de nombreux domaines, notamment en chimie médicinale. « Dans le domaine médical, les applications sont encore loin, mais des chercheurs utilisent déjà ces concepts-là pour reproduire la synthèse de protéines ou mettre un acide aminé à sa bonne place », a expliqué au « Quotidien » Jean-François Nierengarten, du laboratoire de chimie des matériaux moléculaires de l'école de Chimie de Strasbourg.
Parmi les applications envisageables dans le futur, on peut imaginer utiliser ces moteurs pour transporter des médicaments jusqu'à des endroits précis, ou pour ouvrir et fermer une valve ou une porte contrôlant le flux d’une molécule dans un fluide biologique. Ils pourraient également servir au pilotage d’une microseringue pour injecter un composé dans une cellule.