Le Quotidien du Pharmacien. - Quels seront les temps forts du 68e Congrès national des pharmaciens ?
Philippe Gaertner. - L’idée du thème choisi pour ce congrès, « Prescrire l’avenir », est de se projeter dans les années futures. Les pharmaciens doivent comprendre qu’une partie non négligeable de leur avenir tient dans leurs mains. Ils doivent s’approprier les dispositifs mis en place. C’est l’objectif des tables rondes qui leur seront proposées et qui aborderont les thèmes de l’observance - qui est un vecteur d’amélioration de la santé publique mais aussi de l’économie -, et de l’évolution technologique dans le domaine de la santé. Une troisième table ronde permettra de mettre en perspective les évolutions que nous soutenons à la Fédération par rapport à la vision que le monde politique a de notre profession.
Ce week-end, nous serons à la veille de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2016. Que faut-il en attendre ?
Ce PLFSS est dans la droite ligne du précédent, c’est-à-dire qu’il est une nouvelle fois déséquilibré : 55 % des économies demandées reposent sur le poste médicament qui représente moins de 15 % des dépenses de l’assurance-maladie. C’est la raison pour laquelle nous avons interpellé le président de la République. On ne peut dire d’un côté que l’on fait confiance au pharmacien et, de l’autre, ne pas considérer de façon très précise l’impact des baisses de prix sur l’économie de l’officine.
On voit bien que l’évolution du mode de rémunération permet d’améliorer la situation par rapport à l’ancien dispositif. Mais avec l’importance des baisses de prix sur le médicament, qui sont passées de quelque 500 millions d’euros par an à 1,2 milliard sur les produits de santé, voire à 1,550 milliard si l’on intègre la maîtrise médicalisée, la situation devient intenable. Nous comptons sur le dispositif conventionnel signé avec l’assurance-maladie en général, et sur l’observatoire de la rémunération en particulier, pour procéder au fur et à mesure aux ajustements nécessaires. Car aujourd’hui, c’est comme si nous avions pris le départ d’une course dans laquelle on repousse en permanence la ligne d’arrivée.
Justement, quel bilan tirez-vous de l’honoraire de dispensation mis en place depuis le début de l’année ?
Le mode de rémunération en place depuis le 1er janvier est meilleur que l’ancien et il est évolutif. Si nous n’étions pas passés par deux étapes, comme nous le souhaitions à la Fédération, les résultats seraient encore meilleurs aujourd’hui. Toutefois, nous reconnaissons que l’honoraire ne compense pas complètement les baisses de prix. Mais la convention contient les mécanismes pour corriger le tir. J’ai vu des appels au vote sanction, voire pour abandonner la deuxième étape de la réforme. Je dis attention de ne pas faire l’erreur de se sanctionner soi-même. Car quel modèle microéconomique pourrait remplacer la réforme engagée ? Je n’en vois pas qui puisse fonctionner. Le montant minimum de perception par ordonnance proposé par certains aurait un impact inégal sur le réseau officinal. De la même façon, la réintégration de l’honoraire dans l’arrêté de marge reviendrait à le supprimer purement et simplement. Or il faut bien comprendre que s’inscrire dans un dispositif conventionnel, pour la moitié de la rémunération, est beaucoup plus sécurisant que dépendre d’un arrêté de marge dont la signature est du seul ressort du ministre. Car, à l’inverse, pour changer la convention, il faut que les signataires soient d’accord. À la Fédération, nous restons convaincus que pour être en adéquation avec l’évolution vers un pharmacien plus professionnel de santé, il fallait prendre ses responsabilités en allant vers une rémunération à l’honoraire. Revenir en arrière serait une erreur. D’ailleurs, vous ne trouverez aucun politique, de droite comme de gauche, qui serait prêt à renoncer à la réforme de l’honoraire, ni aucun économiste qui ne pousse au contraire à aller plus loin. Il ne faut pas se tromper de combat.
Nicolas Revel estime que l’avenir de l’officine passe par une diversification de la rémunération des pharmaciens, notamment en associant honoraires et rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP). Dans ce cadre, où en est-on de la nouvelle ROSP générique dont les grandes lignes seront présentées aujourd’hui au conseil d’administration de l’UNCAM** ?
Nous avons eu des réunions préparatoires pour envisager l’évolution du dispositif et nous attendons maintenant l’ouverture officielle des négociations. Celles-ci se dérouleront dans une période d’élections aux Unions régionales des professionnels de santé (URPS). Cela montre bien la responsabilité de l’ensemble des syndicats de pharmaciens qui souhaitent défendre avant tout l’intérêt de la profession. Nous pensons tous qu’il faut avancer sur ce dossier afin de connaître les règles du jeu avant le 1er janvier 2016. C’est essentiel à la réussite des objectifs pour l’année prochaine. Mais attention, il ne nous paraît pas acceptable que l’officine se voit attribuer une ROSP moindre à celle perçue en 2015.
Le congrès national se tient également à quelques semaines des élections aux URPS. Quel est pour vous l’enjeu de ce scrutin ?
Les pharmaciens devront choisir entre ceux qui agissent et ceux qui s’agitent. Par exemple, l’honoraire est aujourd’hui le seul moyen pour l’assurance-maladie et l’État d’agir sur la rémunération de l’officine. Dans l’ancien système, pour gagner un euro de plus, les pouvoirs publics devaient en dépenser cinq. Le contexte économique ne le permet plus. Il n’était pas non plus envisageable que l’État accepte d’augmenter les seuils de la marge dégressive lissée (MDL). Donner la majorité à notre syndicat, c’est l’assurance que notre profession soit écoutée dans toute sa diversité. Contrairement à ce que l’on dit, sur de très nombreux dossiers, les organisations professionnelles possèdent la même vision. Avoir une organisation majoritaire force le respect des interlocuteurs envers les pharmaciens. Nous avons entre nous plus de points de vue communs que de différences.
Le thème de votre congrès est « prescrire l’avenir ». Comment voyez-vous justement l’avenir de la profession ?
Avec de nombreuses opportunités, à condition de ne pas casser l’officine économiquement. Aussi est-il impératif de stabiliser la dispensation du médicament. C’est-à-dire qu’il est nécessaire de détacher de plus en plus la rémunération du volume et des prix et d’aller vers plus d’honoraires, au travers, entre autres, de l’honoraire à l’ordonnance. Nous souhaitons également, comme nous le demanderons la semaine prochaine à la présidence de la République, un plan d’urgence comprenant notamment des mesures pour soulager les trésoreries des pharmacies en difficulté, à l’image de ce qui a été envisagé pour les agriculteurs. Le réseau des officines indépendantes de proximité est l’atout principal de notre profession, c’est aussi une chance pour nos patients et pour l’attractivité de nos territoires. Nous saurons défendre et promouvoir cette idée.
**Union nationale des caisses d’assurance-maladie.