S’ils n’y prennent pas garde, les pharmaciens seront bientôt remplacés par des robots, comme les chevaux l’ont été par l’automobile : principal orateur d’un atelier lors du congrès de la FIP à Glasgow (Écosse) sur « la renaissance de la pharmacie d’officine », l’économiste de la santé britannique Darrin Baines invite les officinaux à « délaisser la délivrance de médicaments » pour devenir « les spécialistes incontournables des technologies de la santé ». Un credo provocateur qui lui a valu de vives critiques de la part des pharmaciens présents.
De même que les pharmaciens ont « inventé l’industrie chimique, puis l’industrie pharmaceutique », ils doivent aujourd’hui créer, connaître et diffuser toutes les technologies qui révolutionneront la santé de demain, notamment en matière d’applications et de santé connectée. Comme c’est déjà le cas dans certains pays, ils doivent aussi exercer là où ils sont les plus utiles, comme dans les cabinets médicaux où ils peuvent gérer l’ensemble des aspects médicamenteux des traitements.
Ces points de vue sur l’abandon de la délivrance ont été salués par certains pharmaciens britanniques et australiens, mais totalement condamnés par des officinaux d’autres pays, à l’image d’Eeva Teräsalmi, pharmacienne finlandaise et vice-présidente de la FIP, qui rappelle que la délivrance reste « le cœur du métier de pharmacien ». Elle a montré ensuite, à travers une superbe vidéo de sa pharmacie*, comment on peut travailler de manière totalement digitalisée et innovante tout en restant humain et proche des patients, ce que ne fera jamais un robot. De plus, a ajouté le pharmacien irlandais Brendan Murray, « s’il est clair qu’Amazon est capable de vendre des médicaments, la force des pharmaciens sera de rappeler que sa motivation réelle est de collecter un maximum de données sur les patients pour les revendre ensuite, car c’est là que se situe son vrai bénéfice. Aux pharmaciens, donc, de mieux faire comprendre cette réalité aux patients. »
Dans tous les cas, si les nouvelles technologies, comme d’ailleurs toutes les nouvelles missions professionnelles, constituent des atouts qui doivent s’ajouter aux compétences et aux savoirs faire des pharmaciens, il n’est pas question pour eux de laisser pour autant la vente des médicaments à d’autres circuits, n’en déplaise aux plus « jusqu’au-boutistes » des nouvelles technologies.
* Vidéo disponible à l’adresse https://drive.google.com/file/d/1Sz3NIdCrrSe19WjTsGSthC-Jxzmh1eJQ/view