Parmi les nombreux séminaires et ateliers organisés pendant le congrès de la FIP à Düsseldorf, une rencontre sur « les pharmaciens leaders » s’est intéressée aux nouveaux besoins de la profession pour répondre aux enjeux de l’avenir. « Les pharmaciens sont conscients qu’ils doivent anticiper l’avenir pour survivre, mais ne savent pas trop comment s’y prendre », constate Tina Brock, professeur de pharmacie clinique à l’université de San Francisco. Elle-même y organise des formations qui doivent aider les futurs pharmaciens à devenir des « leaders » dans le domaine de la santé.
Pour elle, les pharmaciens doivent s’occuper plus globalement des patients et de leurs intérêts, y compris face aux autorités sanitaires et aux autres professions, et devenir « les avocats des patients ». Son université développe des cours de santé globale et privilégie « l’éducation innovante », afin d’apprendre aux étudiants à mieux négocier et à s’imposer au sein de l’ensemble du système de santé. De plus, ils sont formés au travail en équipe pluridisciplinaire, car si les pharmaciens souhaitent développer une vraie fonction de « point d’accès » et de pivot de la santé, ils doivent y être concrètement préparés dès leurs études.
Les pharmaciens doivent en outre savoir travailler de manière « globale », au sens planétaire du terme. Sudaxshina Murda, chercheuse en pharmacie à l’université de Londres (UCL), rappelle que la diversité qui caractérise désormais la plupart des pays européens impose aux pharmaciens de connaître les autres médecines du monde et les réalités sociales, sociologiques et médicales de la planète. De plus, les mouvements de population, temporaires ou définitifs, continueront de s’amplifier, avec de nombreuses conséquences sanitaires et sociales. Elle plaide pour « des pharmaciens globaux dans un monde de citoyens globaux », ouvert aux dimensions internationales de la santé, beaucoup trop peu abordées selon elle. La formation universitaire des pharmaciens, ont estimé aussi de nombreux enseignants, doit donner plus de place à la réflexion et aux travaux de groupe, avec des évaluations basées sur des systèmes de pairs, dans lesquels tous les étudiants profitent de l’expérience de chacun d’entre eux.
Sécurité
Mais la formation globale implique aussi de maîtriser l’émergence de nouveaux risques, qu’ils soient environnementaux ou politiques et militaires. Plusieurs ateliers, pendant le congrès, ont fait le point sur l’engagement des pharmaciens humanitaires dans les zones de conflits, mais aussi sur les techniques à mettre en œuvre lors des situations de catastrophes. Si la violence contre les pharmaciens peut prendre des dimensions dramatiques dans les pays en guerre, elle n’épargne pas pour autant, heureusement le plus souvent de manière moins brutale, les pharmacies éloignées de tout conflit armé.
En Suède, les chaînes de pharmacie, qui regroupent la quasi-totalité des officines sous quelques grandes enseignes, disposent de spécialistes en sécurité qui aident chaque officine à mieux prévenir toutes les formes de délinquance et de violence. Elles mettent en place des techniques associant équipements de sécurité et comportements adaptés, comme l’a montré Anette Falk, responsable sécurité de la principale chaîne suédoise, Apoteket AB. Face à un client agressif, a-t-elle notamment expliqué, il importe de rester calme, de dialoguer avec lui tout en ayant l’air de s’intéresser vraiment à ce qu’il dit, et de ne pas se mettre en danger soi-même en le menaçant par exemple d’appeler la police. Il faut toujours se tenir à une distance suffisante de lui, sans jamais tenter de le toucher… tout en attirant, dans le même temps, l’attention des autres collaborateurs de l’officine sur l’incident. Les pharmaciens suédois sont aussi formés aux comportements de protection à adopter si la situation vient vraiment à dégénérer.
Enfin, dans un registre plus souriant, les pharmaciens devraient maîtriser bien mieux qu’ils ne le font l’ensemble des réseaux sociaux, tant individuellement que collectivement, a montré un autre atelier de la FIP.