La pharmacie de demain sera-t-elle une pharmacie de services de santé, proposant aux patients des suivis de leurs pathologies et des dépistages ? Pour Hadrien Philippe, ancien élu de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF) *, il n’y a pas de doute : les nouvelles missions sont l’avenir de la pharmacie.
Le 26 janvier 2018, le jeune homme a d’ailleurs présenté sa thèse de doctorat à la faculté de pharmacie de Poitiers sur ce thème. Dans ce travail de fin d’études, Hadrien Philippe a mené une enquête auprès de 233 patients et de 183 pharmaciens de l'ancienne région Poitou-Charentes.
Étendre les missions
Les résultats montrent que les patients sont très favorables à l’instauration de nouvelles missions à l’officine. 93 % sont favorables à ce que le pharmacien puisse ajuster les ordonnances en modifiant un dosage, une forme ou une posologie. De plus, 88 % d’entre eux aimeraient que le pharmacien puisse prescrire des médicaments pour des pathologies mineures, et 67 % approuvent l’idée qu'il puisse prescrire des analyses de laboratoire dans le cadre d’un suivi de traitement.
Les pharmaciens sont de leur côté prêts à optimiser les prescriptions : 92 % seraient d’accord pour ajuster une ordonnance et 91 % pour prescrire dans le cadre de pathologies mineures. Ils sont en revanche moins nombreux (56 %) à être prêts à prescrire des analyses biologiques.
De nouveaux entretiens
Par ailleurs, les patients aimeraient disposer de nouveaux entretiens pharmaceutiques : sur l’équilibre nutritionnel (72 %), sur le sevrage tabagique (58 %), sur l’anxiété (56 %) et sur les crises de migraine (45 %).
Les pharmaciens se sont également montrés très intéressés par l‘extension des entretiens, mais sur des thèmes différents. C’est surtout le suivi des patients diabétiques qui ressort comme l’entretien pharmaceutique primordial à mettre en place, alors que celui-ci n’est cité qu’en sixième position par les patients. Viennent ensuite le sevrage tabagique (80 %), l’équilibre nutritionnel (80 %), les conseils à la contraception (67 %) et le suivi de la grossesse (60 %).
S'inspirer de l'étranger
Pour Hadrien Philippe, toutes ces extensions du champ de la pharmacie existent déjà dans certains pays : en Allemagne, en Angleterre, en Belgique, aux Pays-Bas, au Québec, en Suisse… « Elles rencontrent le succès dès lors qu’elles sont mises en place dans un cadre d’inter-professionnalité », insiste Hadrien Philippe. Dans ces pays, les missions sont assorties d’échanges fréquents entre le médecin et le pharmacien, avec des protocoles et des réunions en commun, un accès au dossier du patient partagé par tous les professionnels de santé…
Qu’en sera-t-il en France ? « On peut espérer, avec le lancement du dossier médical partagé (DMP) prévu pour septembre 2018, que le pharmacien pourra prendre toute sa dimension », évoque le jeune diplômé. Par ailleurs, il faudrait aussi mener des actions de communication afin d’améliorer la perception du métier pharmacien par le grand public, et lui faire connaître toutes les facettes du métier officinal. « Au Pays-Bas et au Québec, il existe une semaine de sensibilisation à la pharmacie. En France, pourquoi ne pas profiter de la Journée internationale du pharmacien, le 25 septembre, pour communiquer chaque année sur la pharmacie ? », suggère Hadrien Philippe.
Enfin, la réussite des nouvelles missions ne se fera pas sans une rémunération adéquate et des protocoles simples à mettre en place. Aujourd’hui, les financements octroyés par l’assurance-maladie sont insuffisants et les protocoles souvent trop complexes. Les groupements, qui mènent déjà des expérimentations de nouvelles missions, auront sans doute eux aussi une place majeure à jouer dans leur développement.
* Hadrien Philippe a été vice président relations professionnelles de l’ANEPF durant l’année universitaire 2015-2016.