Pasteur ! Combien de fois ce nom a-t-il été répété ces derniers temps ? Le découvreur du vaccin contre la rage a-t-il entendu le vacarme de l’agitation du monde des vivants depuis les sous-sols silencieux de l’Institut Pasteur qui abritent son tombeau, niché au creux d’une magnifique chapelle funéraire entièrement décorée de marbre et de mosaïques dorées ?
Si Paris a été choisi pour être sa dernière demeure au terme de funérailles nationales, c’est dans le Jura que l’âme du savant imprègne toujours les routes et les chemins qui jalonnent les villages qu’il a connus. En avril dernier, la ville d’Arbois apprend que la maison de Louis Pasteur a été choisie pour le Loto du patrimoine de Stéphane Bern. Parmi les 18 sites sélectionnés, celle-ci revêt évidemment une symbolique toute particulière en pleine période de pandémie. D’autant plus que le lieu où a grandi le scientifique et où il a travaillé à ses nombreuses recherches n’est plus en très bon état. Le budget des restaurations se monte à environ 900 000 euros, des travaux qui permettront à la ville et à la région de doubler la fréquentation du site, alors qu’elles s’apprêtent à célébrer en 2022-2023, le bicentenaire de la naissance du père de la vaccination. En cette période de troubles et de défiance - assortie d’un bon nombre de fake news - d’une partie de la population vis-à-vis de la science, gageons que cet anniversaire soit aussi le temps de la mise en place d’une pédagogie nécessaire sur l’histoire des vaccins et leur rôle sanitaire primordial.
Il refusait systématiquement les poignées de mains
Depuis le jour où Pasteur ferme pour la dernière fois la porte de sa maison jurassienne, en 1894, rien ou presque n’a changé. Le décor de la fin du XIXe siècle est resté dans son jus, le laboratoire qu’il avait fait aménager et où il se rendait chaque matin depuis sa chambre semble encore habité de sa haute silhouette un peu taciturne. Tables, guéridons, chaises, mais aussi une des premières baignoires à eau courante ainsi qu’un lino – plutôt révolutionnaire pour l’époque ! – ou encore un ingénieux monte-plats plantent le décor d’une bâtisse bourgeoise où le savant recevait beaucoup. Les restaurations permettront de mettre aux normes et de rafraîchir cet ensemble dont les pièces maîtresses sont sa chambre à coucher, le salon incluant un grand billard – qui a connu plusieurs parties lors desquelles ses amis, semble-t-il, le laissaient gagner ! - et bien sûr son laboratoire et sa riche bibliothèque (cette dernière devrait pouvoir ouvrir pour la première fois au public à la fin des travaux). Le tout dans une propreté légendaire puisqu’on sait que le chimiste était aussi un grand maniaque de l’hygiène. Détail qui éclaire d’une lumière anecdotique mais très instructive sa persévérance dans la recherche scientifique, et en particulier son obsession des microbes dont il s’acharna à découvrir l’origine pour mener à bien leur éradication. Plusieurs témoignages d’époque attestent par exemple qu’il refusait systématiquement les poignées de mains – ce qui lui a valu d’être taxé d’arrogant - et qu’il se précipitait régulièrement se laver les mains si d’aventure il avait été en contact avec des choses qu’il ne considérait pas saines.
Il faut s’imaginer que Louis Pasteur est resté toute sa vie très attaché à la maison de son enfance qui deviendra ensuite la maison de sa famille et sa résidence de vacances. Loin de ses responsabilités parisiennes, il y passe tous les étés, se repose beaucoup et travaille à ses expérimentations sur la pasteurisation et la vaccination. Dans son petit cabinet de travail, il dicte ses notes à sa femme, sa fidèle assistante, qui les met au propre. Sur les bords de la Cuisance, la rivière qui traverse le village, il fait de longues promenades C’est pour retrouver l’essentiel de l’âme du grand scientifique, dont la vie l’aura privé trop tôt de trois filles, mortes tragiquement de maladies alors qu’elles n’étaient que des enfants, que la Fondation du patrimoine et l’Académie des sciences ont lancé une campagne nationale de collecte de dons afin de réunir près de 350 000 euros qui aideront à la restauration de la Maison Pasteur, et viendront ainsi s’adjoindre à la somme allouée par le Loto du patrimoine.
Cuvée Pasteur
Comme un pèlerinage sur les traces de l’œnologie et de la vaccination, la route des terres de Pasteur intègre aujourd’hui plusieurs lieux mis en valeur par l’action d’un EPCC (Établissement public de coopération culturelle). Arbois, Dole, sa ville natale, les vignes alentour à Montigny-les-Arsures où il travaille à ses recherches sur la fermentation qui le mènent notamment à rejeter la théorie de la génération spontanée. Ces plants sont aujourd’hui la propriété de l’Académie des sciences qui continue d’y réaliser des programmes de recherches sur les maladies qui touchent la vigne. Et chaque année une cuvée Pasteur célèbre le bon vin d’Arbois !
On peut aussi partir en promenade au cœur de la campagne sur le Mont Poupet, sur les hauteurs de Salins-les-Bains. C’est ici que se rend Pasteur le 3 octobre 1860, muni de ses ballons stériles remplis de levure dans lesquels il fait rentrer l’air pour valider sa théorie microbienne, démontrant encore une fois qu’un microbe ne peut naître spontanément. Aujourd’hui, ce ne sont plus des ballons de chimiste qui prennent l’air mais des deltaplanes. La route nous mène également à Villers-Farlay, petit village natal de Jean-Baptiste Jupille, le deuxième enfant vacciné par Pasteur en 1885, quelques mois à peine après l’Alsacien Joseph Meister. Après une attente plus que fébrile du scientifique qui se ronge les sangs, angoissé d’avoir le résultat de cette première vaccination, il reçoit une lettre du petit Joseph qui amène avec elle le soulagement et qui commence ainsi : « Cher Monsieur Pasteur, je vais très bien. Hier, je suis allé à la pêche… » La confirmation de cette réussite advient avec Jean-Baptiste Jupille et a été immortalisée dans un tableau aux tonalités très champêtres du peintre jurassien Émile Isenbart, toujours accroché au mur du salon de la maison d’Arbois. Celui-ci y met en scène la morsure du jeune enfant par un chien enragé. Cet événement scientifique sans précédent vaudra cette phrase inspirée à l’écrivain Émile Mâle : « Pasteur, profondément ému, sentait que s’il réussissait, il apportait aux hommes un présent sans prix, le vaccin. » Pleinement fidèles à leur sauveur, Joseph et Jean-Baptiste feront tous les deux carrière au sein de l’Institut Pasteur.
Plus d’informations : https://www.terredelouispasteur.fr/
Et pour participer à la collecte de dons : https://www.fondation-patrimoine.org/les-projets/maison-de-louis-pasteu…