Les Vosges, ses Ballon d’Alsace, Grand Ballon, lac de Gérardmer, thermes de Vittel… Et non ! Oubliez les sites connus du célèbre massif pour mettre le cap sur son extrémité nord. Dans ce septentrion secret, la fameuse « ligne bleue des Vosges » cache une tradition rare : le soufflage du verre. À 1 heure de route et 35 minutes de TER de Strasbourg, le territoire accueille trois fleurons de l’art verrier français : Lalique, Saint-Louis et Meisenthal.
Première halte chez Lalique, à Wingen-sur-Moder, côté Alsace. Dans une ancienne usine verrière du XVIIIe, René Lalique, déjà célèbre pour ses bijoux et ses flacons de parfum, installe en 1921 un atelier, profitant d’un savoir-faire local hérité du Moyen-Âge. Car ici, tout le monde ou presque sait souffler le verre et le tailler froid. L’art a été rendu possible grâce au bois (pour chauffer les fours) et au sable (pour fabriquer le verre), très abondants. Aménagé dans l’antique verrerie, le musée Lalique, signé du célèbre cabinet d’architectes Jean-Michel Wilmotte, plonge le visiteur dans l’histoire de la marque… et des rêves de beauté absolue. Verres, vases, flacons, objets décoratifs…, la finesse et la qualité des créations Lalique, entreprise passée du verre au cristal en 1945, sont uniques. La fabrique, seule au monde d’une marque rachetée en 2008 par un entrepreneur suisse du luxe, est installée à l’autre bout du village. Elle ne se visite pas, on peut le regretter. Mais un film diffusé à la fin du parcours muséal dévoile l’univers des souffleurs qui font la légende de la griffe, connue pour son iconique vase Bacchantes et ses verres décoratifs incolores.
Pour voir souffler le verre, il faut aller en Moselle. À Saint-Louis-lès-Bitche, village enclavé dans une vallée forestière, le public est accueilli au cœur de la manufacture. Coup de cœur ! Respect pour les ouvriers du chaud qui travaillent le cristal (du verre mélangé à de l’oxyde de plomb) en 3x8 dans un atelier ardent et bruyant. Fascination pour la pâte rouge, sortie des fours à 1 200 °C, soufflée puis assemblée en verres de qualité Premium. Admiration, aussi, pour les orfèvres de l’atelier de presse-papiers, qui sculptent des merveilles de boules de cristal. Enchantement, enfin, au « verre froid », où des mains expertes taillent, polissent et gravent à main levée vases, lustres et verres. Propriété du groupe Hermès depuis 1989, Saint-Louis a tracé sa route. En 1767, l’atelier était déjà reconnu verrerie royale. On n’oubliera pas de visiter aussi le musée, parcours en élévation dessiné sous un lustre géant et dédié aux œuvres de la maison, dont le célèbre vase Versailles.
À Meisenthal, en Moselle, la tradition, c’est le verre. Et quel verre ! Après 265 ans de travail ininterrompu, la fabrique avait fermé ses portes en 1969, victime de la concurrence. C’était sans compter sur les énergies locales, capables de renverser des montagnes (vosgiennes !). Relancé par un musée, puis par le réamorçage d’un four en 1992, il se présente en 2021 sous une mouture new look. Avec un Centre International d’Art verrier agrandi, là où l’on voit travailler les artistes du feu, et la Halle Verrière, pour les expos et spectacles. En attendant la réouverture en 2022 du musée rénové. Centre artistique, Meisenthal n’a pas oublié qu’il fut aussi, grâce au maître nancéen Émile Gallé, le berceau du verre Art Nouveau. Depuis, le site a relancé son autre marque de fabrique : les boules de Noël. Trente mille personnes se ruent sur le village chaque année entre novembre et décembre !
Pour les touristes, les Vosges du Nord offrent également de splendides échappées automnales, nature et patrimoine. Randonnées dans les forêts roussies. Visite des châteaux de Lichtenberg et de la Petite-Pierre. Découverte de maisons troglodytes des Rochers, à Grauthal. Excursion à la citadelle de Bitche… Savoir-faire et terroirs : voilà deux raisons de viser ce coin dissimulé du nord-est de la France.