Intolérance aux statines

Surestimée et surdiagnostiquée, selon une méta-analyse

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Publié le 22/02/2022
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Alors que jusqu’à un patient sur deux interrompt ou modifie son traitement par crainte des effets secondaires, l’intolérance aux statines serait surestimée et surdiagnostiquée, selon une méta-analyse publiée le 16 février dans « European Heart Journal ».
Une meilleure définition des profils à risque d’intolérance

Une meilleure définition des profils à risque d’intolérance
Crédit photo : Phanie

Cumulant les données de 176 études (112 essais randomisés contrôlés et 64 études de cohorte), représentant plus de 4 millions de patients, ce travail visait à comprendre les écarts de prévalence de cette intolérance observés dans la littérature, les estimations variant de 5 à 50 % selon les publications.

L’analyse révèle une prévalence de l’intolérance aux statines s’élevant à 9,1 %. Cette prévalence serait même plus faible selon certains standards internationaux : à 7 % selon les critères de la National lipid association, à 6,7 % selon ceux de l’International lipid expert panel (Ilep) et à 5,9 % pour l’European atherosclerosis society (EAS).

Ces résultats « signifient qu'environ 93 % des patients sous statine peuvent être traités efficacement, avec une très bonne tolérance et sans aucun risque », commente le principal auteur de l'étude, le Pr Maciej Banach, de l'université de médecine de Lodz et de l'université de Zielona Góra (Pologne), dans un communiqué.

L’étude définit également des profils plus à risque d’intolérance aux statines : les personnes âgées, les femmes, les personnes noires ou d’origine asiatique, les personnes obèses ou celles souffrant de diabète, les patients avec des glandes thyroïdiennes sous-actives ou ceux souffrant d'insuffisance hépatique ou rénale chronique. Les médicaments pour l’arythmie, les inhibiteurs calciques et la consommation d'alcool accroissent également le risque d'intolérance.

Évaluer les symptômes pour écarter l'effet nocebo

Les auteurs notent cependant un écart entre les résultats obtenus dans les essais randomisés (4,9 % d’intolérance) et dans les études de cohorte (17 %). Cet écart pourrait s’expliquer par un effet nocebo, déjà observé dans une étude parue en 2017 dans « The Lancet ». Des chercheurs de l'Imperial College de Londres estimaient que plusieurs études sur les effets secondaires des statines semblaient avoir convaincu les gens de les ressentir eux-mêmes.

Dans cette nouvelle étude, « la véritable incidence des effets indésirables causés par une statine n'a pas été clairement séparée de l'incidence beaucoup plus importante des effets secondaires causés par des idées fausses des patients sur ces effets », souligne, sur « Science Media Centre », Peter Sever, professeur de pharmacologie clinique à l'Imperial College de Londres.

Les conclusions de cette étude invitent à « évaluer très attentivement les symptômes des patients, estime le Pr Banach. Premièrement, pour voir si ces symptômes sont effectivement causés par les statines. Et deuxièmement, pour évaluer si la perception des patients sur la nocivité des statines pourrait en fait être responsable de plus la moitié de tous les symptômes, plutôt que le médicament lui-même ».

Les symptômes « nocebo », bien « réels », ne doivent pourtant pas « passer outre la décision de prescrire et de prendre des statines en raison de leurs avantages prouvés dans la réduction des décès et des invalidités dus aux crises cardiaques, aux accidents vasculaires cérébraux et à d'autres maladies cardiovasculaires », ajoute Peter Sever.

Elsa Bellanger

Source : Le Quotidien du Pharmacien