Le président américain n'a regretté la mort de George Floyd que du bout des lèvres. Il cache à peine son racisme et il l'encourage parmi ses partisans. Il croit que le remède à la colère des minorités, noire ou autre, c'est le recours à la force. On connaît le débat en France sur les violences policières. Aux États-Unis, les forces de l'ordre ont bénéficié des armes réservées autrefois aux combattants américains du Proche et du Moyen-Orient. Une puissance de feu telle qu'elle tient, certes, en respect les trafiquants de drogue, eux-même surarmés, mais qu'elle laisse peu de chances aux manifestants innocents. Trump a fait écarter ceux de ses concitoyens qui, par milliers, encerclaient la Maison Blanche, pour traverser à pied le square Lafayette à Washington, DC., et poser devant l'église Saint-John, une bible à la main.
Il s'agit d'une tradition, mais de la façon dont l'actuel président américain s'est comporté, les milieux religieux ont conçu une vive colère. La violence des multiples polices américaines, les armes qu'elles utilisent pour tenir les foules en respect, et surtout le projet de Trump de se reposer sur ses électeurs et ses affidés et de traiter tous les autres comme des menaces ont eu sur l'opinion, y compris sur les hommes et les femmes qui l'ont cotoyé ou le servent encore, un effet déplorable. Comme on le sait, l'affaire Floyd a eu un grand retentissement en Europe, en France en particulier, où l'amalgame a été fait entre les minorités noires des deux pays. Même si on peut déplorer cet amalgame (qui divise d'ailleurs la communauté noire de France), il a établi une sorte de solidarité entre les peuples français et américain. Trump passe son temps à dénigrer les Européens, il menace de retirer partiellement ses troupes d'Allemagne, il les considère non plus comme des alliés mais comme des adversaires, mais ces citoyens du monde que sont les Européens lui ont dit leurs quatre vérités : à leurs yeux, sa conduite, loin d'être présidentielle, est intolérable.
Victime de la crise ?
De sorte que le projet de Trump, isolationnisme, démondialisation, renverserment des alliances (sur ce point, il n'a rencontré que des échecs) est battu en brèche par les démocrates bien sûr, mais aussi par ceux des républicains pour qui le président est en train de saborder son propre navire. Sa totale absence d'empathie pour ceux qui ne voteront pas pour lui, son cynisme, sa vision purement mercantile des rapports entre les États-Unis et le reste du monde ne suffiraient pas à lui faire perdre l'élection du 3 novembre prochain. Mais il exerce son comportement grossier d’éléphant dans un magasin de porcelaine, parfaitement acceptable aux yeux de ses partisans, racistes, xénophobes et intolérants, dans un contexte que la crise sanitaire, l’une des plus mal gérées du monde, a toutefois détérioré.
Il a beau se décrire dans ses tweets (parfois censurés par Twitter) comme un « grand président », il a beau se vanter d'une reprise exceptionnelle à la Bourse, il a beau justifier ses actes les plus odieux, il ne peut pas empêcher la marée du chômage de balayer son pays.
Ces faits sont établis et reconnus, mais il y a, autour de la candidature de Trump, une sorte d'omertà des spécialistes et des historiens, qui refusent de prédire la chute du président, au nom de la prudence la plus élémentaire. Pourtant, on ne voit pas comment ce candidat à un second mandat dont le bilan est si négatif, sur tous les plans, économique, social et politique, pourrait obtenir sa réélection. Ce n'est pas, il est vrai, que le discret et peu enthousiasmant Joe Biden ait une carrure capable de vaincre Trump. Mais les Américains, de droite ou de gauche, appartenant à la majorité silencieuse ou aux minorités, n'ont plus aucune raison de voter pour lui. Sur le simple mot d'ordre d'un peuple accablé, « Tout sauf Trump », le candidat démocrate bénéficierait d'une chance supplémentaire si un tel slogan ne lui nuisait pas. Biden n'est pas, en effet, tout et n'importe quoi. C'est un candidat qui dispose d'un programme élaboré et, surtout, rationnel. Trump est incohérent, dangereux pour l'Amérique. Elle a besoin d'un autre président.