Un amortissement fiscal « révolutionnaire » dans la loi de finances
Cette mesure de la loi de finances 2022 a créé la surprise. L'article 23 stipule que les fonds commerciaux acquis entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025 par les petites entreprises pourront être amortis. Cela signifie donc que pendant quatre ans, les acquéreurs du fonds de commerce d’une officine seront en mesure de bénéficier de ce dispositif, si - et seulement si - ils ne dépassent pas deux des trois seuils suivants : un chiffre d’affaires inférieur à 12 millions d’euros, un total du bilan inférieur ou égal à 6 millions d’euros, un nombre de salariés moyen inférieur à 50.
Ce qui change concrètement sur le plan fiscal
Le fonds commercial ne s’amortissait pas, il était inscrit à l’actif du bilan de la société qui achetait le fonds. Il était possible de faire des dépréciations de fonds si la pharmacie avait perdu du chiffre d’affaires, mais il fallait faire très attention car, fiscalement, c’était assez risqué. Il fallait en effet être en mesure de pouvoir le justifier. Désormais, si vous achetez un fonds de commerce qui vaut, par exemple, deux millions d’euros et qui est à l’actif de votre société, vous pouvez à chaque exercice, pendant dix ans, passer une écriture comptable d’1/10e de la valeur du fonds venant en déduction de votre résultat avant impôt. Dans notre exemple, vous déduirez donc 200 000 euros par an (200 000 x 10 ans = 2 m) de votre résultat diminuant ainsi la base d’imposition pour le calcul de votre impôt, que vous soyez à l’IS ou à l’IR.
À titre de comparaison, c’est un peu comme si vous bénéficiez partout en France du dispositif de zone de revitalisation rurale (ZRR) ou de zone franche urbaine (ZFU) mais pendant une durée de 10 ans minimum. Pour les futurs acquéreurs, cela peut avoir un impact très significatif.
L’impact sur les ventes et sur les achats des officines
Compte tenu de cette embellie fiscale détaillée dans l’article 23 de la loi de finances 2022, il est possible que les acheteurs souhaitent plutôt acquérir le fonds commercial que des parts. Dans le cas d’achat de parts, le dispositif ne s’applique pas. En revanche, les vendeurs, s’ils sont en société, ont souvent plutôt intérêt à vendre des parts que le fonds de commerce. Une négociation devra permettre d’étudier ce que le vendeur perd en vendant son fonds plutôt que des parts de la société et ce que l’acheteur, lui, gagne en achetant le fonds plutôt que les parts. Aux deux parties de trouver un terrain d’entente pour concilier les intérêts de chacun. Pour que cette opération s’effectue dans les meilleures conditions, faites-vous accompagner de votre conseil qui vous aidera à trouver les points de convergence.
Des points de vigilance à étudier
Il est conseillé de s’attacher aux impacts fiscaux lors de l’achat d’un fonds plutôt que des parts, côté vendeur et côté acheteur. Étudier le cas de la sortie est également important car si vous avez acheté un fonds, que vous l’avez amorti totalement, votre fonds sera à l’actif de votre bilan à zéro et lors de la revente vous paierez de la fiscalité liée à l’amortissement pratiqué, cela reviendrait donc pour vous à ne pas l’avoir amorti. Pour la revente, mieux vaudra opter pour la vente de parts, l’acheteur créera une SPFPL pour les acquérir. Dans tous les cas de figure, quoi qu’il en soit, il est nécessaire de passer par une étape d’audit et d’analyse afin d’étudier les « tenants et les aboutissants » côté vendeur et côté acheteur afin de trouver des solutions qui ne pénaliseront personne. Par ailleurs, il faut savoir que le prix de certaines officines recherchées, situées dans des zones attractives, avec un chiffre d’affaires élevé, risque mécaniquement d’augmenter.
Comment les partenaires conseils vont accompagner les pharmaciens
Plusieurs points sont à souligner. Tout d’abord, comme vous l’avez compris, il est primordial de faire réaliser une étude pour définir ce que l’acheteur va gagner et ce que le vendeur peut éventuellement perdre s’il vend le fonds commercial plutôt que les parts. Vient ensuite un travail de négociation en vue de faire converger les intérêts de chacun. Il est important, tant pour l’acheteur que pour le vendeur, de se rapprocher de son conseil, afin de bien analyser la situation, d’effectuer un travail d’audit en amont de la vente et ce pour pouvoir bénéficier de ce dispositif. Consultez donc les experts sur le sujet lors des opérations d’acquisitions ou de ventes, afin de trouver la meilleure option et d’éviter les mauvaises surprises.
Article écrit avec la collaboration de Cyrille Agot, directeur et consultant du cabinet de conseil D6D, spécialisé en pharmacie.