Si les femmes entre 30 et 55 ans sont le plus souvent concernées (90 %), un syndrome fibromyalgique peut se développer à tout âge, y compris dans l’enfance. Fréquente (environ 1,6 % de la population), l’affection est hétérogène avec deux tiers de formes sévères à modérées et un fort retentissement socioprofessionnel (30 à 50 % des fibromyalgiques seraient sans emploi du fait de la maladie).
Inversement, l’insertion sociale, professionnelle et l’environnement familial ont un fort impact sur le pronostic. Les conditions de travail (temps de trajet, difficulté́s au travail, activité sédentaire avec mouvements répétitifs, problèmes de reconnaissance de la pathologie auprès des collègues et managers…) impacteraient davantage la fibromyalgie que les symptômes eux-mêmes (INSERM 2020). D’où l’intérêt de cette reconnaissance sociale et médicale de la maladie.
La campagne de communication auprès du grand public (films, affiches) s’accompagne d’une sensibilisation des médecins généralistes avec mise à disposition d’outils pratiques (questionnaire, critères de diagnostic) téléchargeables sur le site Internet de la SFETD.
Fibromyalgie : une réalité clinique
La douleur diffuse, chronique (au moins 3 mois) et généralisée est le symptôme cardinal de la maladie, mais pas le seul. L'hétérogénéité clinique avec des douleurs chroniques diffuses (musculaires, tendineuses, articulaires, mais aussi abdominales), des céphalées, une fatigue persistante, des troubles du sommeil, des symptômes anxiodépressifs, des troubles cognitifs, une altération de la condition physique, sont le reflet de mécanismes physiopathologiques divers, souligne le Dr Didier Bouhassira, neurologue à l'hôpital Ambroise-Paré (AP-HP).
Il s’agit d’un syndrome avec douleurs nociplastiques ou dysfonctionnelles, liées à des modifications neurophysiologiques des systèmes nociceptifs centraux. Probablement plus neurologique que rhumatologique, cette maladie de la douleur semble en lien avec des altérations de la réactivité au stress, des systèmes de modulation de la douleur avec sensibilisation centrale (état d’hyperexcitabilité) et probablement parfois avec des atteintes des petites fibres, poursuit le neurologue de la SFETD. Ces mécanismes ne sont pas exclusifs les uns des autres.
Outre ces facteurs biologiques, des facteurs psychologiques et sociaux contribuent au déclenchement et à la pérennisation d’une fibromyalgie. En l’absence de traitement médicamenteux spécifique, l’enjeu est d’accompagner les patients pour mettre en place des stratégies d’ajustement. C’est d’ailleurs là tout l’intérêt de l’éducation thérapeutique, explique le Dr Rodrigue Deleens, médecin de la douleur au CHU de Rouen ; ce que confirme Carole Robert, présidente de l’association Fibromyalgie France.
Des outils de diagnostic fiables
L’histoire de la maladie, un examen clinique détaillé, le questionnaire First (la positivité à cinq questions sur les six témoigne d’une fibromyalgie chez des patients souffrant de douleurs diffuses articulaires, musculaires ou tendineuses, depuis plus de trois mois, avec une sensibilité et une spécificité proches de 90 %) et l’analyse des symptômes éliminant les autres pathologies douloureuses, permettent l’identification de la fibromyalgie et l’annonce d’un diagnostic, finalement rassurant pour le patient, à condition de prendre le temps de l’échange, souligne la Dr Françoise Laroche, rhumatologue et médecin de la douleur au CHU de Rouen.
Reconnaître la maladie, identifier des sous-groupes, permettent aussi d’orienter les seules formes sévères aux centres antidouleur et de prendre en charge la majorité des patients en ville. Réduire le délai diagnostique (en moyenne 5 ans) très préjudiciable à l’évolution et éviter l’errance médicale, sont parmi les objectifs de la campagne, précise-t-elle.
Une gestion de la douleur impossible sans reconnaissance
« 69 ans, résignée mais positive, annonce Carole Robert : 53 ans de douleurs chroniques, 30 ans d’errance diagnostique, une suspicion de sclérose en plaques pendant 10 ans, puis l’annonce d’une fibromyalgie en 1998. Des décennies à questionner le corps médical, à espérer que le rendez-vous avec “ce” nouveau spécialiste sera le bon, le dernier. » « J’éveille la suspicion du corps médical. Je suis considéré comme dépressif. Mais je le deviens faute d’écoute et de compréhension ! », déplore quant à lui ce patient de 41 ans, dirigeant d’entreprise.
« Dans le syndrome fibromyalgique, il convient d’écouter la parole du patient, son histoire de vie. Les récits retrouvent souvent une enfance “catastrophe”, puis une période paradisiaque hyperactive, une bonne adaptation puis, un événement survient et tout bascule souvent brutalement avec l’apparition de ces douleurs », explique la Dr Florence Tiberghien, médecin de la douleur au centre hospitalier Alpes-Léman (Haute-Savoie) et coordonnatrice HAD.
Annoncer clairement le diagnostic, expliquer et rassurer, permettent l’adhésion du patient à une prise en charge basée essentiellement sur les programmes d’activité physique visant à limiter le déconditionnement physique, à favoriser la baisse de la sensibilité douloureuse, la restauration de la masse musculaire, la réduction de la fatigue, à améliorer le sommeil, la confiance en soi et l’autonomie. Le soutien psychologique, les psychothérapies, plutôt de type cognitivo-comportemental, l’éducation thérapeutique, sont les clefs de la réduction du mésusage des antalgiques (rappelons qu’il faut proscrire les opioïdes et les corticoïdes et qu’aucun antalgique n’a d’AMM dans la fibromyalgie) et celles d’une vie de meilleure qualité avec la maladie.