Cette analyse critique de la littérature permet de confirmer certains constats posés en 2013, notamment les liens entre les expositions professionnelles (principalement chez les agriculteurs) et des pathologies comme le cancer de la prostate ou les myélomes multiples. Une « présomption forte » de lien entre les organophosphorés et les lymphomes non hodgkiniens est également confirmée. Un même niveau de preuve est attesté entre la maladie de Parkinson et les insecticides organochlorés et entre les troubles cognitifs et les organophosphorés. « Les études toxicologiques confirment que les mécanismes d’action de ces substances actives et familles de pesticides sont susceptibles de conduire aux effets sanitaires mis en évidence par les études épidémiologiques », est-il souligné, dans une synthèse de l'expertise.
Alors qu’il n’avait pas été examiné lors de la précédente expertise, le lien entre l'exposition professionnelle aux pesticides et la survenue de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) et de bronchite chronique est désormais établi, là encore avec un niveau de « présomption forte ». Une « présomption moyenne » de lien est par ailleurs mise en évidence pour la maladie d’Alzheimer, les troubles anxiodépressifs, certains cancers (leucémies, système nerveux central, vessie, rein, sarcomes des tissus mous), l’asthme et des pathologies thyroïdiennes.
La grossesse et la petite enfance, des périodes de « grande vulnérabilité »
Chez les enfants, la grossesse et la petite enfance apparaissent comme des périodes de « grande vulnérabilité ». L’expertise confirme le lien entre l’exposition professionnelle ou domestique des mères et les troubles du développement neuropsychologique et moteur de l’enfant ainsi que certains cancers tels que les leucémies ou les tumeurs cérébrales. « Il est difficile de pointer des substances actives en particulier, mais certaines familles chimiques de pesticides sont impliquées, avec un niveau de présomption fort, notamment les insecticides organophosphorés et les pyréthrinoïdes dont l’usage a augmenté en substitution aux insecticides organophosphorés », est-il noté. Une « présomption moyenne » est également déterminée pour la leucémie aiguë lymphoblastique « en cas d'exposition professionnelle » du père « en période préconceptionnelle ».
En population générale, les liens sont plus difficiles à objectiver, en raison de l’absence d’évaluation fine de l’exposition ou de l’absence de données individuelles. Mais « les études les plus récentes se sont élargies aux riverains de zones agricoles ou à la population générale », est-il relevé. Une « présomption faible » de lien entre la proximité de zones agricoles et la maladie de Parkinson et le comportement évocateur des troubles du spectre autistique est ainsi avancée.
Présomption « forte » sur la chlordécone et le cancer de la prostate
L’expertise propose également un focus sur trois substances : la chlordécone, le glyphosate et les inhibiteurs de la succinate déshydrogénase (SDHi pour Succinate Dehydrogenase Inhibitor). Concernant la chlordécone, très utilisée dans les Antilles françaises jusqu’en 1993, le lien entre l’exposition de la population, y compris par la consommation de denrées alimentaires contaminées, et le risque de survenue d’un cancer de la prostate est jugé probable. « En considérant l’ensemble des données épidémiologiques et toxicologiques disponibles, la causalité de la relation est jugée vraisemblable », est-il indiqué.
Sur le glyphosate, l’expertise conclut à l’existence d’un risque accru de lymphome non hodgkinien avec un niveau de présomption « moyenne » de lien avec l’exposition professionnelle. Une « présomption faible » est évoquée pour d’autres surrisques comme le myélome multiple et les leucémies.
Pour les fongicides SDHi, les données humaines manquent. Alors que ces substances perturbent le fonctionnement mitochondrial, les « études toxicologiques ou mécanistiques montrent que certains SDHi pourraient être considérés comme des perturbateurs endocriniens au moins chez les modèles animaux utilisés (poissons) », tandis que d’autres « montrent des effets cancérogènes chez les rongeurs », est-il indiqué, avant un rappel de la nécessité de développer la recherche.
En la matière, l’enjeu est également de prendre en compte les effets indirects (sur les écosystèmes, notamment) de ces substances sur la santé. Pour François Veillerette, porte-parole de Générations Futures, « il faut également accélérer le retrait des substances les plus dangereuses », et notamment du glyphosate, dont la dangerosité est également attestée par le Centre de recherche sur le cancer (CIRC).
* Direction générale de la prévention des risques, Direction générale de la santé, Direction générale du travail, Direction générale de la recherche et de l’innovation et secrétariat général du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation.