Ce ne sera pas tâche facile, dès lors qu'il a momentanément perdu le contrôle de la crise sous l'effet du variant Omicron, virus particulièrement contagieux, mais probablement plus bénin que son prédécesseur, le Delta. Il faudrait un alignement des planètes pour qu'Omicron, tout en accomplissant sa tâche sinistre, finisse par immuniser la population, assez tôt pour que le chef de l'État puisse ajouter un bilan pandémique positif, après avoir excipé de bons résultats économiques et sociaux, avec une belle reprise de l'économie et une réduction sensible du taux de chômage, susceptible de tomber au-dessous des 7 %.
La grève, énormément suivie, des enseignants aura beaucoup contribué à l'augmentation des chances de la candidate des Républicains, laquelle, rappelons-le, bénéficie encore de la division de l'extrême droite. Si, dans les sondages, Marine Le Pen a retrouvé la seconde place, son avance sur Éric Zemmour et surtout sur Valérie Pécresse, se situe dans la marge d'erreur. Zemmour est le meilleur ami de Macron auquel il apporte assez de voix pour le situer à 25 %, ou 24, selon la méthodologie des enquêtes d'opinion. Mais Mme Pécresse a deux caps à franchir, celui du premier tour et un rapprochement, dans le nombre de voix, du score de M. Macron.
Une situation sans précédent
Elle ne pourra l'emporter -et de justesse- contre le président de la Républqiue que si, au premier tour, elle engrange assez de suffrages pour inverser le résultat qui, il y a encore quelques jours, sembler devoir être favorable à M. Macron. C'est sans doute la première fois qu'une élection présidentielle dépend autant d'un contexte pandémique imprévisible, Omicron étant susceptible d'être à la fois le sauveur du pays ou son pire ennemi. L'optimisme triomphant qu'a adopté la présidente de la région Île-de-France, son autoritarisme soudain, ses références artificielles (Sarkozy et Fillon), la vitesse avec laquelle elle a circonvenu Éric Ciotti, sa nemesis apte à la surenchère, ne lui ont apporté ni une position favorable dans les sondages, ni une avance sur celui contre lequel elle a lancé toutes ses flèches.
On ne niera pas la part d'irrationnel que contient cette campagne, pas plus qu'on ne négligera le renversement des valeurs qu'elle a entraîné. Les Républicains clament à la cantonade qu'ils veulent revenir à la stabilité politique, mais tout indique que la présidentielle, dans tous les cas de figure, aboutira à une grande confusion lors des législatives. Emmanuel Macron n'est pas assuré de retrouver une majorité à l'Assemblée nationale, malgré le soutien du MoDem et d'Édouard Philippe, et, si c'est le cas, il commencerait son second et dernier mandat par une cohabitation. C'est d'ailleurs l'argument que Valérie Pécresse ne manquera pas d'invoquer, elle qui est assurée de bénéficier des puissants relais de LR dans les territoires de la République.
Pour se refaire une santé post-pandémique, le chef de l'État ne manque pas non plus d'atouts. Il a des électeurs anciennement de gauche, il a ce qu'il reste de la République en marche, il a le MoDem, modèle de fidélité, il a Agir et Horizons, le mouvement créé par Édouard Philippe. Il n'a pas, en revanche, les implantations locales capables de lui fournir des bataillons de députés. Ce seront les jours les plus longs de la campagne, dont les méandres nous réserveront des surprises quotidiennes. Certes, la majorité actuelle a commis beaucoup d'erreurs, et pas seulement dans sa communication. Et nous aurons au bout du compte quelques âmes bien trempées dans le creuset de l'expérience. Mais le virus, que les scientiques décrivent souvent comme un stratège voué à changer de silhouette pour mieux nous envahir, est devenue l'inconnue invisible de l'équation.