- Hello, ça va ? Je crois que j'ai un train de retard. À la radio, Calvi parlait des cigarettes électroniques prescrites par les pharmaciens… Il me semblait que c'était interdit. Ça a changé pendant le week-end ?, demande J-C en jetant sa veste et sa sacoche sur son fauteuil de bureau.
- J'ai découvert ça ce matin, comme toi. Je n'ai pas écouté la radio ni regardé la télé ce week-end. Un effet d'annonce, rien de plus, répond Karine. Mais à mon avis, on n'a pas fini d'expliquer et de réexpliquer que pour le moment, nous ne pouvons pas vendre et encore moins prescrire ces produits.
La titulaire sort du bureau et salue ses collègues. La pharmacie est à peine ouverte qu'un homme demande à voir Lou. Gisèle aimerait savoir pourquoi il tient à ce que la jeune préparatrice s'occupe de lui, mais elle y renonce finalement, abrégeant la discussion pour s'occuper des autres personnes qui entrent dans la pharmacie. D’autant plus que la jeune préparatrice est disponible. Lorsque cette dernière arrive, l'homme se précipite vers elle.
- Comment va la plus belle ?
La jeune femme ricane, un peu embarrassée par l'attitude trop amicale de cet homme qu'elle n'a servi qu'une seule fois auparavant.
- Donnez-moi votre main. Je suis magicien. Je vais vous faire un tour de magie, lui dit l'homme avec un sourire en coin.
La naïve Lou s'exécute. Lorsqu'elle ouvre la main, elle découvre dans sa paume un objet plastique représentant un sexe masculin. En face d'elle, l'homme rit aux éclats et pose la main sur son épaule :
- Ah ah, je vous ai bien eue ! Bon, maintenant, passons aux choses sérieuses. Je veux arrêter de fumer. Le ministre a dit qu'on pouvait venir vous voir. Mais pas de cigarette électronique pour moi. Je préfère la pipe.
Il rit de plus belle. Carrément mal à l'aise, Lou ne sait pas si elle doit rire avec lui ou s'éloigner de ce client aux gestes et à l'humour déplacés. Au comptoir d'à côté, Emmanuel a vu et entendu toute la scène et n'hésite pas à intervenir :
- Je vais m'occuper de vous Monsieur. Lou, Madame Chapovski t'attend.
- La Chapotruc attendra. Je veux que la petite s'occupe de moi jusqu'à la fin, répond l'homme d'un ton devenu autoritaire.
- Non, c'est moi qui prends le relais. Et c'est comme ça. Vos plaisanteries sont de très mauvais goût Monsieur, et je suis certain qu'elles ne font rire que vous.
- Pas du tout, la petite a rigolé après mon tour de magie. D'ailleurs, vous voulez que je vous en fasse un à vous aussi ?
- Je ne veux pas, non, répond sèchement Emmanuel.
À côté d'eux, Lou ne sait pas si elle doit partir ou rester. Elle a les larmes aux yeux.
- Allez Lou, Madame Chapovski t'attend, lui ordonne son collègue.
Après quelques minutes, l'homme sort de l'officine avec ses médicaments. Emmanuel profite d'un moment d'accalmie pour aller trouver Gisèle :
- C'est Monsieur Bacioni qui t'a demandé d'être servi par Lou ? Pourquoi as-tu accepté ? Ce type est un malotru de première catégorie, un pervers. Il faut mieux filtrer la prochaine fois.
Gisèle n'en revient pas du ton sur lequel lui parle son collègue.
- Il y avait une file d'attente énorme, je n'avais pas le temps de discuter, lui répond-elle néanmoins, la voix tremblante.
- Mais tu le connais ! C'est un habitué. Et tu sais aussi que Lou n'a pas l'aplomb suffisant pour le remettre en place. Donc la prochaine fois…
- Que se passe-t-il ici ? Emmanuel, vous m'expliquez ?, l'interrompt Karine.
- Il y a que Monsieur Bacioni est venu, et qu'il a offert ce truc à Lou, répond le préparateur agacé en montrant l'objet phallique à la pharmacienne. Lou est dans tous ses états. Cet homme a un vrai problème dans sa tête, et il ne s'autorise cela qu'avec les femmes.
- C'est effectivement très grave. Gisèle, faites en sorte la prochaine fois de ne diriger Monsieur Bacioni que vers moi, J-C, Marion ou Emmanuel.
Puis, prenant à part le préparateur :
- Emmanuel, vous avez bien réagi en prenant la place de Lou. Je vais aller la voir. Par contre, la prochaine fois, venez m'en parler avant d'aller faire des reproches à Gisèle. Je préfère.
(À suivre…)