- Ça va Théo, tu tiens le choc ?
L'étudiant en quatrième année de pharmacie vient en renfort à la Pharmacie du Marché chaque samedi. Formé à la vaccination, il peut désormais injecter les vaccins contre la grippe et contre le Covid-19. Aujourd'hui, il assure cette mission avec Marion. L'ajointe se tient devant lui, un masque rose sur le visage dissimulant un large sourire.
- Carrément. Au moins je viens pour quelque chose. On a vu combien de personnes ce matin ?, lui répond l'étudiant avec son habituel enthousiasme.
- En grippe, une vingtaine. Et en vaccination Covid, j'ai utilisé trois flacons Pfizer. Ça fait donc 20. Par contre, je n'ai pas réussi à extraire une septième dose dans le dernier flacon. Bizarre.
Les deux collègues profitent de cette pause avant les prochains rendez-vous pour mettre de l'ordre dans les documents édités. Marion saisit l'occasion pour interroger le jeune homme et essayer d'en savoir plus sur le lien qui l'unit à Christèle :
- Tu la connais bien Christèle, toi ?
Théo baisse la tête et ne répond pas. Il finit par murmurer :
- Pas tant que ça.
- Ah bon, je croyais. Je voulais récupérer les dates d'anniversaire de chaque membre, pour faire un calendrier spécial anniversaire.
L'étudiant regarde son aînée, perplexe :
- Christèle est née le 10 août.
- Ah ? Eh bien merci. En fait, je voulais te demander autre chose…
Marion est interrompue par un léger coup donné à la porte.
- C'est sans importance. Allez, on s'y remet, finit-elle par dire alors qu'elle accueille la cliente dans la salle Pasteur.
Dans la pharmacie, l'ensemble de l'équipe est au comptoir. Gisèle tient la permanence téléphonique. Elle croise Karine venant chercher une boîte de lait infantile dans le back-office.
- Karine, les gens n'arrêtent pas de téléphoner. Est-ce qu'on ouvre des nouveaux créneaux pour le rappel ?
La titulaire regarde le planning, soupire et secoue la tête :
- Ce n'est pas raisonnable. On est débordés dès que deux personnes sont à la vaccination, en salle Pasteur. Et encore, on ne fait plus les tests ! Ou alors, il faudrait augmenter le personnel… et les quantités de vaccins commandés.
- Dès que le président ou le ministre de la santé parlent à la télé, c'est le même cinéma. Tout le monde s'affole. On est sur les rotules et en plus, les gens nous agressent. Tiens, je viens de me faire pourrir par un homme parce qu'on ne fait pas la supervision des autotests. Il m'a dit qu'il allait le signaler à l'ARS parce que c'est une obligation selon lui.
- Mais non, pas que je sache. Je sais que c'est difficile, mais nous ne sommes pas les plus à plaindre. À l'hôpital, dans les cabinets médicaux, partout, c'est tendu, tente la titulaire.
- Si nos syndicaux chargeaient moins la mule aussi !, intervient J-C après avoir entendu la fin de la conversation entre les femmes.
- Tu m'excuses J-C, on en parle plus tard. J'ai une maman qui attend son lait pour son bébé.
Alors que Karine retourne dans le front-office, Jean-Paul arrive près de J-C :
- Question ! Est-ce qu'on délivre des masques, pour une élève de CM2 cas contact ?
Jean-Paul regarde tour à tour ses collègues, puis reprend :
- Ah ah, c'est vendredi. C'est la journée des colles.
- C'est plutôt le black friday, vu le monde qu'il y a et la panique pour le passe sanitaire, lance Damien en passant près du groupe, des packs de compléments nutritionnels plein les bras.
(À suivre…)