Toujours accrochée au téléphone, Gisèle jongle entre les rendez-vous de vaccination et les rendez-vous de dépistage Covid. L'équipe est au complet pour assurer la lutte contre la pandémie sans compromettre sa mission de dispensation et de premier recours. Pour ne pas épuiser son équipe, Karine a modifié les plannings de chaque membre, avec des journées moins longues et mieux réparties dans la semaine. Elle et son associé J-C ont également embauché en CDD Cynthia, en tant que rayonniste. Cynthia remplace Lou, l'apprentie devenue préparatrice en juin dernier.
Tandis que Théo et Karine sont sous le barnum pour réaliser une série de tests antigéniques, J-C, entouré de Jean-Paul, Christèle et Damien, reste au comptoir.
- Bonjour Monsieur Pontignac. Dites-donc, votre confrère de la rue Parmentier, c'est pas mal ce qu'il propose.
- Pardon ?, répond le titulaire surpris.
- Vous n'êtes pas au courant ? Il y a la queue devant chez lui : on peut se faire vacciner ou tester sans rendez-vous. C'est bien pratique. Bon, moi je suis un fidèle de la Pharmacie du Marché. Mais c'est tout de même bien pratique de proposer cela.
- Moui, dit J-C d'un ton maussade. Mais vous saviez que ce même confrère fait payer l'impression des passes sanitaires ?
Le pharmacien aurait envie d'en dire plus, de s'épancher sur le comportement de ce confrère aux pratiques peu déontologiques dont il a souvent écho. Il se retient. Le client fait un geste de la main, puis reprend :
- Ma pharmacie de toute façon, c'est la Pharmacie du Marché comme je vous l'ai dit. Bon, alors aujourd'hui, il me faudrait uniquement les médicaments qui ont une croix devant.
Au comptoir d'à côté, Christèle sert Madame Garnier, une habituée.
- Comment allez-vous Madame ?
- Je suis bien contente que les fêtes soient passées. C'est dur vous savez. Ça va faire un an que cette fichue maladie m'a pris mon Henri. Vous savez, quand j'entends ces gens autour de moi qui ne veulent pas se faire vacciner, ça me met en colère. À un mois près, mon Henri aurait été vacciné et…
La voix de la vieille dame s'étrangle. Elle sort un mouchoir pour essuyer ses larmes, respire puis continue :
- C'est comme ça. C'est la vie.
Christèle ne trouve pas les mots adéquats. Elle aimerait prendre la main de sa cliente, mais ce comportement « n'est pas très Covid ».
- Emmanuel Macron, il a bien raison de vouloir les emmerder, les non vaccinés, lâche soudain Madame Garnier, mettant de côté ses bonnes manières.
Christèle aurait souhaité abonder dans le sens de la cliente mais le comptoir exige une certaine retenue, surtout lorsqu'il s'agit de politique.
Près des produits vétérinaires, un homme d'une quarantaine d'années échange avec Damien :
- Vous vous êtes fait sacrément allumer sur Twitter, mais cet homme est un con. C'est lui qui ne sert à rien. J'avoue que j'avais une image stéréotypée de votre métier, parce que je ne le connaissais pas. Depuis quelques mois, j'ai découvert combien vous étiez indispensables. Bien entendu vous vous traînez des moutons noirs comme toutes les professions, mais vous pouvez être fiers de vous.
Surpris, Damien ne trouve qu'un mot à dire :
- Merci.
Au téléphone, Gisèle reçoit un appel surprenant :
- Bonjour, Sandra Flament de France Télévisions. Pourrais-je parler à Madame Dupré ?
- Elle fait des tests, je ne peux pas la déranger. Je peux laisser un message ?
- Dites-lui de me rappeler s'il vous plaît, répond l'interlocutrice, très évasive.
(À suivre...)