Des écrans grands comme des murs entiers, des petits écrans qui s’insèrent dans les linéaires, des écrans tout en longueur, des écrans très lumineux qu’on peut mettre en vitrine, des écrans tactiles ou pas : l’écran, support digital par excellence, a pris toutes les formes pour s’insérer partout, dans toutes les surfaces de ventes.
Y compris en pharmacie. Est-ce à dire que c’est la panacée, que grâce à la multiplicité de ses formes, l’écran parvient à remplir les objectifs qu’on lui assigne ? La réponse va de la certitude enthousiaste au scepticisme mesuré. Pour Reynald Martino, directeur commercial et marketing pour l’activité pharmacie France de Pharmagest, « toutes les pharmacies devraient avoir une solution de communication digitale, c’est aujourd’hui indispensable » tandis que pour Stéphane Bellintani, dirigeant du merchandiser Perpharma, « à part des usages très précis comme les écrans dans les vitrines, ou encore les étiquettes électroniques, les solutions digitales sont loin d’être pertinentes selon mon point de vue, et les multiplier dans un espace de vente complexifie les choses. » L’élément de complexité, c’est l’usage devenu très courant des outils digitaux, les clients et patients des officines, comme partout ailleurs du reste, viennent avec leur smartphone et les usages qui vont avec. Pour attirer leur attention, il faut redoubler d’astuces et optimiser mieux que jamais l’image digitale que l’on construit à l’intérieur de l’officine.
Le contenu, pierre angulaire
C’est une problématique qui est apparue en même temps que les écrans en pharmacie. « Le contenu est aussi important que le contenant », rappelle Adnane Sahlaoui, directeur de Dynamizpharma. Le contenu, pierre angulaire de toute communication digitale, a représenté un défi non pas tant pour les pharmaciens que pour les prestataires qui finalement ont décidé qu’ils s’en occuperaient eux-mêmes pour le compte de leurs clients. À charge pour ces derniers de piocher dans ce qui leur est proposé ou de communiquer des informations que leur prestataire mettra en forme. Cela a conduit certains acteurs à faire évoluer leur modèle. Ainsi en est-il de Futuramédia, acteur historique du marché des écrans en pharmacie, qui rappelons-le fondait autrefois son modèle commercial sur la régie publicitaire gratuite avec comme contrainte pour les pharmaciens de diffuser les campagnes des laboratoires pharmaceutiques. Sans abandonner cette façon de faire, le spécialiste, passé entre-temps dans le giron du groupe Cegedim, a permis aux pharmaciens de développer leur propre communication, et depuis qu’il a récupéré l’application Clip Santé développée par l’ex-Alliadis devenu SmartRX, propose bibliothèques d’images et de vidéos, des « templates » (modèles graphiques prédéfinis) qu’il faut remplir chaque mois, avec les prix et les promotions.
Un système également proposé par Dynamiz Pharma. « Nos clients apprécient d’avoir chaque mois à remplir ces tableaux, cela les oblige à avoir une stratégie promotionnelle », affirme Adnane Sahlaoui. Le prestataire se charge ensuite de concevoir la communication sur la base de ces informations. « Le pharmacien a trois possibilités, soit il prend la main, soit c’est le laboratoire, soit encore c’est le groupement », reprend Guy Taïeb, président de l’entreprise. Autre acteur de la digitalisation des pharmacies, le fabricant de robots BD Rowa, a lui aussi été conduit à faire évoluer son offre. Il avait été le premier à lancer une offre de linéaires digitaux pour relayer l’offre OTC derrière les comptoirs dans les années 2015. Ces linéaires digitaux reliés au robot de l’officine devaient remplacer les linéaires physiques. Mais cela n’a pas fonctionné comme prévu. « Nous ne faisons quasiment plus de murs entiers de linéaires digitaux, admet François Legaud, directeur des ventes Emea de l’entreprise. Mais plutôt une alternance entre linéaires digitaux et linéaires physiques, cela a plus de sens. » Et si l’équipe officinale garde la possibilité d’utiliser ces écrans de façon interactive comme par exemple présenter des produits complémentaires à celui qu’un patient vient d’acheter, le prestataire a rendu possible l’usage de ces linéaires sans la connexion obligatoire au robot pour en faire un écran susceptible de diffuser des messages divers à la patientèle et à la clientèle de l’officine. Cela a conduit BD Rowa à développer du contenu à l’attention de ses clients. « C’est le plus gros investissement en termes de budget et de temps pour cette activité », évoque François Legaud.
Se retrouver comme chez soi…
Quelle que soit leur taille ou leur emplacement, ces écrans posent tous la même problématique de contenu, il faut juste que les prestataires proposent des templates les plus ciblés possible de façon à diffuser le message approprié au bon endroit au bon moment. Mais il est un support digital où les habitudes sont moins identifiées, et pour cause, ça n’a pas encore vraiment pris dans les officines, ce sont les bornes interactives, ces supports tactiles qui permettent des échanges, ou pas d’ailleurs, avec les clients et les patients. Le must finalement dans la communication digitale. Les avantages sont a priori évidents : « elles permettent aux clients et aux patients, surtout parmi les plus jeunes, de retrouver leurs univers technologiques », explique Reynald Martino (Pharmagest). Se retrouver comme chez eux en quelque sorte… Et chercher, puis trouver ce qu’ils souhaitent. Double emploi peut-être avec le smartphone qui peut lui aussi chercher la composition d’un produit dermocosmétique par exemple. C’est justement là que peut-être la recherche d’une valeur ajoutée, attirer les clients vers les bases de données et d’informations abritées par la borne.
Un vrai challenge pour les prestataires. « Il est vrai que les applications type Yuka séduisent les consommateurs et il vaut mieux jouer ce jeu-là avant d’y être contraint, mais cela demande beaucoup de temps pour identifier les opportunités et être en phase avec ces clients d’aujourd’hui », souligne François Legaud. Ces bornes ont aussi un autre avantage, celui de présenter des gammes en général difficiles à exposer. Le MAD bien sûr. Mais pas seulement.
Adnane Sahlaoui évoque le cas courant des laits pour bébés, « des produits peu rentables, qui prennent beaucoup de place, l’idéal est de proposer par exemple deux descentes de laits parmi les best sellers de la pharmacie et d’exposer le reste via une borne tactile, laquelle propose un arbre décisionnel qui va guider le jeune parent dans sa recherche s’il est indécis, il ou elle peut passer commande et va récupérer son produit auprès d’une caisse rapide. » D’autres produits encombrants qui posent des difficultés logistiques sont susceptibles d’être concernés. L’avantage est net pour le client, il l’est aussi pour le pharmacien.
Bientôt la reconnaissance faciale ?
Les sources d’optimisation sont nombreuses, celles qui existent déjà, ainsi l’usage des caméras de sécurité qui peuvent mesurer la fréquentation des différents espaces et linéaires de l’officine. Celles qui sont à venir, certaines sur le point d’émerger. Ainsi en est-il de la reconnaissance faciale, laquelle pourrait permettre d’adapter le contenu au profil de la personne détecté par la caméra, explique en substance Mélanie Brugnacchi, chef de projets chez Futuramédia, tout en précisant que les données faciales relevées sont aussitôt effacées, de façon à être conforme à la réglementation. Le prestataire a reporté le lancement de cette solution pour l’année prochaine, car l’obligation de porter le masque en empêche l’usage pour le moment. Il a d’autres projets dans ses cartons et notamment avec Smart Rx, et notamment ce qu’il nomme une solution « one click », un lien dynamique entre le LGO et la communication digitale de l’officine. « Quand le pharmacien planifie une promotion sur son LGO, un pop-up s’ouvre et lui demande s’il souhaite communiquer dessus », décrit Guy Taïeb. Si le pharmacien approuve, le logiciel va chercher le prix et diffuse en temps réel la promotion sur le ou les écrans. Cette fonctionnalité devrait prochainement être intégrée dans le LGO de Smart Rx.
La location de l’écran, au bénéfice du pharmacien
Pour le pharmacien, cette optimisation de la communication digitale se mesure difficilement, les bénéfices se font en termes d’image. Mais il a quand même la possibilité d’avoir un modèle économique. Certes, les écrans, même si leurs prix ont tendance à baisser, peuvent représenter un budget. Les prestataires proposent parfois des solutions de location d’espaces pour les rentabiliser. Ainsi Dynamiz Pharma s’apprête-t-il à lancer une solution de location qui permettra au pharmacien de louer ses espaces aux tarifs qu’il aura lui-même décidés, le prestataire se rémunérant par une commission. Futuramédia laisse également aux pharmacies et aux laboratoires la possibilité de louer de tels espaces. « Si une marque veut louer une tête de gondole pendant un mois, l’accord se fait avec la pharmacie sans que nous ne connaissions le contenu des accords. Et quand il n’y a plus de stock, on passe à un autre produit » explique Guy Taïeb. BD Rowa laisse pour sa part totalement la main aux laboratoires et aux pharmaciens pour négocier la location de ces espaces.