Julien entre dans l'appartement où il vit désormais avec Juliette. Le chat Cachou vient se frotter à ses jambes. Juliette l'a baptisé ainsi en raison de son pelage noir, mais également en hommage au pharmacien toulousain Lajaunie, inventeur de la célèbre pastille à la réglisse.
« Si nous avons des enfants, j'espère qu'elle n'aura pas l'idée de les appeler Gilles et Philippe », songe le jeune homme amusé par cette réflexion.
Julien allume la télévision, et commence à préparer sa spécialité. Un risotto aux cèpes. Des champignons qu'il a cueillis avec son père, avant de les mettre en bocaux. Il a au moins trente minutes devant lui avant que Juliette arrive. Depuis qu'elle est titulaire, ses journées se sont allongées : elle part à la pharmacie dès 7 h 30, et ne revient qu'à 20 h 30 le soir. La charge administrative est telle qu'elle doit bien souvent se remettre au travail après le dîner. Peu importe, elle est heureuse et s'épanouit encore et toujours dans ce nouveau défi professionnel.
- Coucou, c'est moi. Je viens de me faire contrôler par la gendarmerie. Ils ne plaisantent pas dis-donc, dit Juliette en entrant dans l'appartement.
Elle vient embrasser son amant, qui lui tend un grand verre d'eau gazeuse.
- Merci, je n'ai pas eu une minute pour moi aujourd'hui.
Le récit de la journée commence.
- Il faut que je te raconte ce qu'il m'est arrivé. Tu me diras ce que tu en penses. J'ai servi une femme, avec une prescription de nomégestrol 5 mg. Je commence à lui poser quelques questions, histoire de la sonder un peu. Je voulais savoir si elle était au courant du risque de méningiome associé à ce médicament. Bref. Pas de réactions. Du coup, je lui demande d'emblée si le médecin lui a parlé de la démarche à suivre pour surveiller la survenue d'effets indésirables. On nous a bien demandé d'informer les patientes, tu es d'accord ?
Sans attendre la réponse, la jeune femme poursuit son histoire.
- Elle s'est littéralement décomposée. Elle a commencé à dire : « On ne m'a jamais parlé de tout ça. Tout ce que vous me dites m'effraie un peu. Je vais peut-être arrêter le traitement. » Je ne savais plus quoi lui dire pour qu'elle n'arrête pas brusquement son traitement. Dans quoi je m'étais embarquée encore ? Finalement, j'ai imprimé le document de l'ANSM, tu sais, celui qu'on a reçu il y a un mois. On s'est mis dans l'espace de confidentialité et nous avons discuté plus sereinement. Toute cette histoire m'a quand même déconcertée.
Elle enfourne une bouchée de risotto, ce qui laisse à Julien un peu de répit pour prendre la parole.
- En fait, la question que tu soulèves, c'est la pédagogie sur le médicament. Mais comment expliquer qu'on maintienne un traitement alors qu'il présente un risque sans faire paniquer le patient ?
- C'est exactement ça, répond Juliette en s'essuyant la bouche. C'est exactement ce qu'on vit avec le vaccin AstraZeneca. Et au fait, tu as vu qu'on allait recevoir une dose de vaccin ARN finalement ?
Julien et Juliette se sont fait vacciner dès le mois de février, à l'officine. Ils se retrouvent aujourd'hui dans cette population de moins de 55 ans, pour laquelle il est nécessaire de compléter le schéma vaccinal avec un autre vaccin.
- Oui, d'ailleurs j'ai pris rendez-vous au centre de vaccination monté par le Dr Breton. Il y a encore des créneaux si tu veux. J'en ai profité pour m'inscrire sur le planning de participation. J'y interviendrai mardi matin, explique Julien.
(À suivre…)