Alors que le nombre de tests antigéniques réalisés en pharmacie poursuit son inexorable baisse, en miroir de la baisse des contaminations au Covid-19, le temps n’est pas venu de baisser la garde. C’est en substance ce que recommande David Syr, directeur général adjoint de GERS Data.
Certes, les marchés de l’officine se portent très bien ces derniers mois. Comparée à 2021, comme à 2020, l’activité globale (hors produits à TVA 0 %) sur les quatre premiers mois de l’année affiche une progression du chiffre d’affaires à deux chiffres, portée par la dispensation sur prescription hospitalière (+16 % versus 2021, +27 % versus 2020) et par la délivrance sur conseil du pharmacien (+13 % vs 2021, +9 % vs 2020). La part de la prescription en ville, qui représente 51 % du chiffre d’affaires du réseau, bien que plus modeste, est aussi en croissance de 5 %. La répartition du chiffre d’affaires par taux de TVA confirme l’évolution positive dans tous les segments, mais cette photographie des marchés n’est pas assez parlante aux yeux de David Syr. Pour le prouver, il a mis en graphique l’évolution du chiffre d’affaires du conseil en officine par taux de TVA. Résultat : le conseil ne se limite pas aux produits ayant une TVA à 20 %, qui représentent finalement 45 % du chiffre d’affaires ; il concerne aussi les produits dont la TVA est à 2,1 % (9 % de parts de marché), à 5,5 % (24 % de parts de marché) et à 10 % (21 % de parts de marché).
Ces bons résultats se reflètent dans le chiffre d’affaires en prix fabricant hors taxe (PFHT) du médicament remboursable, en croissance depuis avril 2021 par rapport à l’année précédente, soit une croissance annuelle pour 2021 de 8 %. Les quatre premiers mois de 2022 affichent une croissance équivalente (+9 %), notamment grâce au retour des pathologies aiguës de type angine, grippe, etc. Mais Patrick Oscar, délégué général du GIE GERS et directeur général du GERS Data, sonne l’alerte quant à un « ralentissement significatif » en avril, la croissance tombant à +3,4 %. Un coup de frein lié, au moins pour partie, au « fort impact des baisses de prix qui ont été très nombreuses » et qui pousse Patrick Oscar à prévenir : « C’est peut-être une tendance qui s’inverse à partir du mois d’avril. » D’autant que les classes de médicaments qui contribuent à la décroissance sont toutes touchées par des baisses de prix : médicaments de la sclérose en plaques, antiagrégants plaquettaires, antipsychotiques, antiviraux (VHC), tranquillisants, hypnotiques, médicaments de la thyroïde…
Hausse des ruptures de stock
En effet, le début d’année est « extrêmement chahuté » par ces baisses imposées qui atteignent déjà -147 millions d’euros en prix brut (en économie Sécurité sociale) en ville à fin mars 2022… à comparer aux 60 millions de baisses de prix enregistrées à fin mars 2021. Additionnées aux baisses à l’hôpital, elles permettent déjà des économies de 197 millions d’euros à la Sécurité sociale contre 92 millions d’euros en mars 2021. Ce n’est pas fini puisque les baisses de prix déjà programmées pour l’exercice 2022 s’élèvent à 761 millions d’euros d’économies (contre 310 millions d’euros en 2021). Pour rappel, l’objectif fixé par la Loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2022 est de 825 millions d’euros de baisses de prix (en net).
En revanche, si la tendance à la hausse reste forte sur l’ensemble des marchés de l’officine, la question qui se pose, souligne David Syr, est la suivante : « Les producteurs auront-ils la capacité à suivre la cadence des fortes croissances enregistrées dans un contexte d’inflation qui touche particulièrement les matières premières ? » D’ailleurs, note Patrick Oscar, les ruptures de stock augmentent et atteignent 6,5 % de l’ensemble des présentations officinales en avril, contre 5,2 % en moyenne un an plus tôt. « Les ruptures sont en forte hausse ces dernières semaines, en lien avec un marché de plus en plus tendu et avec d’autres phénomènes comme la fermeture de lignes de production par exemple, pour effectuer un changement de machines », explique Patrick Oscar.
Tension sur les matières premières
Mais les médicaments remboursés ne seront pas les seuls produits vendus en officine touchés par les ruptures. C’est le cas des médicaments conseil qui font face à un bond de la demande au comptoir en avril (+24 % vs 2021, +37 % vs 2020, en chiffre d’affaires TTC en sell out). Sur un an, certaines indications progressent fortement : douleur et fièvre (+36 %), mal de gorge (+73 %), rhume et état grippal (+40 %), toux grasse (+71 %), toux sèche (+82 %), diarrhée (+33 %), confort respiratoire (+52 %), nez bouché (+50 %), nausée (+69 %). C’est aussi le cas de la large catégorie de la santé familiale et de la nutrition (comprenant notamment compléments alimentaires et dispositifs médicaux), qui progresse de 18 % en chiffre d’affaires sur les quatre premiers mois de l’année, là encore grâce à des segments comme douleur et fièvre (+35 %), mal de gorge (+89 %), toux (+84 %) ou rhume et état grippal (+47 %). Quant au marché de la dermocosmétique, il gagne 9 % en valeur sur les quatre premiers mois de l’année par rapport à l’an dernier (et +16 % vs 2020). À titre d’exemple, le segment des solaires a littéralement explosé en avril, bondissant de 69 % par rapport à avril 2021 (et de 74 % vs 2020).
« Le sujet qui anime les discussions est bien celui des ruptures. Avec des croissances de 30 %, 40 %, 50 %, comment la production va suivre à un moment où tout le monde va avoir un gros besoin en matières premières et donc va contribuer à tendre le marché ? L’inflation est déjà plus forte que l’an passé sur les produits santé conseil et nutrition, il va donc falloir suivre l’impact sur la hausse des prix à tous les niveaux de la chaîne, des matières premières jusqu’au consommateur », détaille David Syr. Le pharmacien doit donc s’organiser pour être présent sur les segments qui seront porteurs demain tout en étant capable de proposer une offre pérenne.
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