Initialement estampillées structures pour les professionnels de santé libéraux, les CPTS ouvrent leurs portes aux salariés. Une opportunité pour les pharmaciens adjoints qui veulent déployer leurs compétences et enrichir leur exercice quotidien. Une opportunité également pour la profession qui étend et affirme sa présence dans les dispositifs de coopération interprofessionnelle.
La pandémie joue l’entremetteuse.
En Occitanie, Baptiste Perrier a plongé dans l’exercice coordonné lors de la pandémie de Covid. Il n’était qu’en troisième année de pharmacie quand il s’est rapproché de la CPTS à laquelle adhérait la pharmacie où il travaillait : « Au centre de vaccination, j’étais en charge de la partie logistique, c’est-à-dire l’acheminement des vaccins, les questions d’ordre réglementaire ou la mise à jour du protocole de préparation. Au début, j’étais le seul étudiant en pharmacie ». L’expérience l’a convaincu qu’il était pertinent de stimuler la coopération entre les professionnels de santé. « C’est là que j’ai vraiment appris à connaître les autres professionnels de santé, à savoir comment ils fonctionnent. Depuis, j’ai dans mon répertoire de téléphone les 06 de médecins, de sages-femmes, d’infirmiers et de kinés. Ça fait gagner un temps fou lorsqu’on a besoin d’échanger avec eux sur un dossier patient ». Pour Guillaume Racle aussi, la crise sanitaire a été l’élément révélateur. En 2020, alors qu’il achevait ses études, Guillaume a fait un constat simple : impossible de travailler en solitaire pour affronter cette période inédite. « Il était indispensable de répondre collectivement. La principale question était de savoir comment ? », se souvient-il. Après avoir initié une coordination informelle entre les professionnels de santé du secteur, un premier groupe de porteurs de projet est né, première pierre à l’édification de la CPTS actuelle dont il est devenu le secrétaire général. « Les titulaires de l’officine où j’exerce sont plus en retrait mais reconnaissent l’influence positive de cette structure. La CPTS a changé la relation entre les professionnels de santé du territoire. Elle a été déterminante dans l’installation de trois nouveaux médecins sur le secteur », détaille l’adjoint qui projette de devenir titulaire dans quelques semaines.
Un nouveau souffle.
L’appétit pour l’exercice coordonné gagne toutes les générations d’adjoints. Après 30 ans à l’officine, sa participation à la CPTS a redonné un nouveau souffle à la carrière de Valérie Macia : « j’ai retrouvé de la motivation. Ce que j’apprécie particulièrement, c’est l’échange et la collaboration entre nous et les autres professionnels de santé pour arriver à des actions très concrètes ». Valérie y pilote le projet relatif au parcours de soin du sujet insuffisant cardiaque : « je ne travaille que 24 heures à la pharmacie, ce qui me laisse le temps de m’investir dans la CPTS ». Aujourd’hui membre très active, Valérie regrette que les CPTS ne soient pas davantage mises en avant auprès des professionnels et des pharmaciens adjoints en particulier : « Au départ, je ne savais pas ce qu’était une CPTS. C’est une infirmière qui m’en a parlé. Je suis allée à la pêche aux infos toute seule, et ça m’a convaincue. Ensuite, j’ai contacté le président et le coordinateur de la CPTS qui était en construction sur notre territoire ».
N’oubliez pas les pharmaciens !
La CPTS permet surtout d’asseoir le positionnement du pharmacien et la présence pharmaceutique dans le parcours de soins, notamment vis-à-vis des médecins. « Pendant des années, les pharmaciens se sont effacés. Avec l’exercice coordonné, nous affirmons nos compétences et notre rôle dans le parcours de soins, pour casser l’image péjorative du pharmacien distributeur de boîtes », observe Hadrien Philippe qui reconnaît cependant que ce pari n’est pas gagné d’avance : « A la première réunion, un des médecins a passé son temps à casser du sucre sur le dos des pharmaciens. Heureusement, tous ne réagissent pas ainsi ». La preuve : Hadrien et les médecins de son secteur ont mis en place un dispositif d’amélioration des traitements. Au bout de six mois, les médecins ont remercié le jeune adjoint pour l’expertise qu’il apportait. « La CPTS nous a permis de créer une réelle relation humaine entre nous, professionnels de santé. Cela permet de gérer plus facilement les problèmes », note Guillaume Racle. Valérie en a fait l’expérience avec des infirmières, lorsque fin 2023, les pharmaciens ont reçu l’autorisation de vacciner à domicile : « la CPTS est le lieu idéal pour désamorcer certaines incompréhensions ou colères ».
Une motivation réciproque.
« C’est une chance de travailler avec un titulaire qui me fait confiance et me laisse du temps pour réaliser quelques missions CPTS sur mon temps de travail à l’officine. D’ailleurs, on se stimule l’un l’autre », reconnaît Hadrien. Comme lui, Baptiste peut compter sur le soutien de son titulaire : « il m’encourage à participer à la CPTS. Il me dit : « la pharmacie, c’est très bien du moment que tu en sors » ». Mais cette attirance partagée pour la coopération interprofessionnelle n’existe pas toujours au sein de l’équipe officinale. Certains adjoints montrent peu d’envie à participer à une structure d’exercice coordonné. D’autres au contraire aimeraient découvrir la CPTS mais ne trouvent aucun soutien du côté du titulaire. Dans la pharmacie où Caroline est salariée, il n’est pas question d’exercice coordonné : « la pharmacie est adhérente à la CPTS, mais la titulaire ne m’a jamais impliquée. Je crois que sa seule motivation est de toucher la ROSP ». L’adjointe cherche un nouveau poste ; un de ses critères de sélection sera l’implication de la pharmacie et de l’équipe dans l’exercice coordonné. « C’est devenu un atout pour recruter, et un élément fidélisant pour garder les employés », commente Guillaume.
Pharmacien avant tout.
Devenu pharmacien en juin 2023, Baptiste ne conçoit pas le fait d’exercer son métier sans coordination professionnelle. Idem pour Valérie, qui partage régulièrement les informations de la CPTS avec ses collègues de la pharmacie : « grâce à la CPTS, j’ai découvert que les sages-femmes proposaient des consultations de contraception. Je l’ai dit à toute l’équipe. C’est un conseil en plus qui enrichit notre discours au comptoir ». Tous s’accordent sur un point : dans le cadre de l’exercice coordonné, c’est le métier qui compte et qui est mis en avant, pas le statut. Une attitude que Valérie apprécie : « A la CPTS, on est pharmacien avant tout. Peu importe que l’on soit adjoint ou titulaire ».
Trois questions à Jean-Philippe Brégère, trésorier de la FCPTS (fédération des CPTS)
Le Quotidien du pharmacien.- Les témoignages recueillis auprès des adjoints montrent qu’ils sont très actifs au sein de leur CPTS. Comment la FCPTS accueille-t-elle cette tendance ?
J-P.Brégère.- L’écosystème CPTS est très intéressant pour deux raisons : la première, c’est que les CPTS permettent aux professionnels de santé d’un territoire de se rencontrer en dehors de leur lieu d’exercice, d’apprendre à se connaître et de favoriser les échanges pour, finalement, construire un projet de santé commun. L’autre raison, c’est que les CPTS sont porteuses d’initiatives et d’actions à destination des patients. Le meilleur exemple est le protocole de coopération. Les pharmaciens adjoints, tout comme les autres professionnels de santé ambulatoires salariés d’une structure, ont donc toute leur place dans une CPTS. Il faut les encourager à participer pleinement à cette démarche pour que l’exercice coordonné s’inscrive dans leur pratique. Inversement, leur retour d’expérience et leur connaissance de la population permettent de déterminer les actions les plus pertinentes à mettre en œuvre pour améliorer le parcours de prévention et de soins sur un territoire.
Qui doit adhérer à la CPTS : l’adjoint en son propre nom, ou l’officine où il travaille ? Quid des adjoints exerçant dans une officine dont le titulaire ne veut pas adhérer ?
Il revient à chaque CPTS de définir les critères d’adhésion dans ses statuts. De plus en plus de CPTS s’ouvrent aux professionnels de santé salariés et cela a du sens, à condition que ces derniers exercent auprès de la population du territoire, dans un établissement ou une structure tels qu’une officine, une maison de santé ou un centre municipal de santé. La raison d’être de la CPTS est de créer une coopération sanitaire pour le bénéfice des patients. Cette coopération se concrétise à travers les protocoles par exemple. Autrement dit, chaque professionnel de santé engagé dans la CPTS exploite sur son lieu d’exercice les atouts de l’exercice coordonné. Si l’adjoint adhère en son nom, il ne peut pas aller au bout de cette démarche de coopération, ce qui limite l’intérêt pour les patients. Cependant, dans les officines non adhérentes à une CPTS, l’adjoint peut être moteur pour démontrer au titulaire l’intérêt de s’engager dans cette voie.
Au sein des CPTS, les professionnels de santé peuvent être indemnisés ou rémunérés. Qu’en est-il de l’adjoint ?
L’indemnisation permet de compenser financièrement le temps passé par le professionnel de santé en réunion ou en groupe de travail. Quant à la rémunération, elle porte sur les actes qu’il réalise, dans le cadre d’un protocole de coopération entre médecins et pharmaciens par exemple. À partir du moment où l’adjoint intervient au nom de la pharmacie qui l’emploie, il est donc missionné par celle-ci. La règle la plus simple est que l’indemnisation et la rémunération soient versées directement à la pharmacie. Il revient ensuite à l’employeur de définir les modalités de rétribution de l’employé, sous forme d’heures supplémentaires par exemple. En outre, selon ce modèle, l’assurance de la pharmacie couvre l’adjoint pour l’ensemble des missions accomplies dans le cadre de l’exercice coordonné.
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