L’expérimentation du cannabis à usage médical a été officiellement lancée le 26 mars 2021, en France métropolitaine comme en Outre-Mer. À terme, les organisateurs comptent inclure et suivre 3 000 patients pendant au moins 6 mois jusqu'à fin mars 2023. D'ici là, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) fera évoluer l’expérimentation en tenant compte des remontées de terrain.
À l’origine, seulement cinq indications thérapeutiques ont été retenues : les douleurs neuropathiques réfractaires aux thérapeutiques accessibles, certaines formes d’épilepsie sévères et pharmacorésistantes, certains symptômes rebelles en oncologie liés aux cancers ou à ses traitements, les situations palliatives, ainsi que la spasticité douloureuse comme celle de la sclérose en plaques ou d'autres pathologies du système nerveux central.
Des modalités élargies
Toutefois, ces critères ont été jugés trop restrictifs par de nombreux pharmaciens engagés dans le dispositif. Au point que certains, plusieurs mois après avoir rejoint l’expérimentation et suivi la formation obligatoire, sont encore en attente de patients. L’inclusion de ces derniers relève, en effet, de la décision des médecins des centres de références (structures de santé et hôpitaux). « La réglementation est très stricte, ce qui rend difficile l’inclusion de patients », déplore Laëtitia Le Bouvier, pharmacienne à Saint-Lô (Manche). Michel Leroy, titulaire à Paris et fondateur du premier réseau de soins palliatifs de France, l’affirme : « il faut une vraie politique d’inclusion qui permette d'augmenter le nombre de patients. »
Un objectif en passe d'être atteint avec les modifications, le 23 novembre, des modalités de l'expérimentation. Parmi elles, la possibilité d'inclure des patients en situation palliative avancée (sous chimiothérapie à visée palliative et après accord de l’oncologue).
De même, la formation initiale des expérimentateurs a également été revue. Si les pharmaciens s’accordent sur sa qualité, beaucoup la trouvaient trop lourde. En réponse à ces remarques, l’ANSM a allégé le cursus et certains modules sont devenus facultatifs. Autre changement : la possibilité pour plusieurs pharmaciens d’une même équipe officinale de se former pour participer à l’expérimentation. « Jusqu'à présent, seule la personne formée pouvait participer à l’expérimentation. En son absence, impossible pour ses collègues de prendre le relais », explique Audrey Caridi-Ancelot, pharmacienne à Igny (Essonne). Une évolution qui devrait faciliter le suivi du patient, mais aussi partager la charge de travail au sein de l'officine.
Une rémunération à revoir
Car de nombreux témoignages pointent l’aspect chronophage de l’expérimentation. « Le pharmacien doit recueillir les informations du patient, assurer le suivi à intervalles réguliers, remplir les dossiers d’expérimentation, se coordonner avec les centres de référence… », énumère Michel Leroy. Un nombre de tâches important au regard d'une rémunération modeste, la dispensation étant valorisée à 3,57 euros TTC en plus des honoraires. « C’est une expérience très intéressante, mais nous ne sommes pas loin du bénévolat. Pour l'instant, la rémunération n’est pas à la hauteur de l’engagement et du temps passé à la dispensation », regrette Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), titulaire à Limoux (Aude).
Pour les patients, notamment en région, l’intérêt principal de l’expérimentation réside dans l'accessibilité du produit auprès de l'officine proche. Ce qui leur évite de se rendre à l’hôpital, souvent éloigné. « L’expérimentation enrichit considérablement la relation patient-pharmacien », témoigne, de son côté, une titulaire normande. « Les entretiens de suivis sont réguliers, prolongés et très cadrés, ce qui facilite le suivi des patients, qui sont curieux, attentifs et très impliqués dans l'expérimentation », reprend-elle.
Une expérimentation positive, mais encore incomplète
Si l’expérience en elle-même est très appréciée par les pharmaciens, les conclusions définitives sur l’efficacité du cannabis thérapeutique devront encore attendre, en raison de l’inclusion encore récente de la plupart des patients. « Cela se passe bien, sans effets indésirables chez notre patiente, mais nous manquons encore de recul », confie par exemple Laëtitia Le Bouvier. Même constat chez Audrey Caridi-Ancelot, qui observe de très bons retours et une amélioration de l’état de santé de ses deux patients tests. Mais Philippe Besset, au vu de son expérience personnelle, émet toutefois quelques réserves : « dans le cas de ma patiente, et selon certains témoignages de confrères, le cannabis a échoué dans son rôle d’atténuation de la douleur et a même provoqué des addictions. Certains pharmaciens ont plusieurs fois été amenés à mettre en place un sevrage. » Espérons que d'autres résultats, plus positifs ceux-là, viendront alimenter cette expérimentation prévue pour durer encore 15 mois.
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