La variole du singe (monkeypox) est-elle liée à la variole (smallpox) ?
Les deux pathologies appartiennent à la même famille de virus, les poxvirus, connus pour leurs manifestations cutanées impressionnantes. Mais des différences de taille les séparent. La variole a(vait) un réservoir exclusivement humain, sa transmission est exclusivement interhumaine et, surtout, elle est officiellement éradiquée depuis 1980.
La variole du singe est une zoonose dont le réservoir animal d’origine n’a pas été déterminé avec certitude. Les chercheurs tombent d’accord pour écarter le singe et privilégier un animal de l’ordre des rongeurs. La variole tient son nom de sa découverte chez des singes en captivité en 1958 au Danemark. De fait, les primates sont sensibles à ce virus. Mais aussi les hommes, avec un tout premier cas confirmé en 1970 en République démocratique du Congo (RDC) chez un jeune garçon en contact avec des singes. Il existe deux clades de variole du singe, l’un d’Afrique de l’Ouest, qui serait à l’origine de la dissémination de cas dans le monde ces dernières semaines, l’autre d’Afrique centrale (plus virulent).
Quelles sont les caractéristiques de la variole du singe ?
La RDC a enregistré de nombreux cas isolés et des épidémies de variole du singe, devenant de fait une spécialiste de la maladie. « Les formes cliniques observées en RDC sont des signes généraux avec une adénopathie puis une éruption cutanée en cascade qui touche la face, les paumes des mains, le tronc… La transmission se fait principalement de l’animal vers l’homme et cela concerne en très grande majorité des enfants, plus vulnérables à la variole du singe. La prise en charge est plus difficile car cela touche des populations vivant dans des zones forestières reculées, éloignées des centres de soins », détaille Steve Ahuka Mundeke, chef du département de virologie à l’Institut national de recherche biomédicale de RDC.
Mais les plus de 500 cas détectés dans le monde le mois écoulé ne présentent pas exactement la même forme clinique. La maladie touche des personnes n’ayant pas voyagé dans une zone à risque, qui présentent des lésions, précédées d’un syndrome pseudo-grippal, et des ganglions enflammés. Ce sont principalement des hommes adultes, une majorité d’entre eux se définissant comme des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), mais pas uniquement. Ainsi, les trois premiers cas confirmés au Royaume-Uni concernent un enfant et ses parents. « La France, tout comme l’ensemble des pays qui ont recensé des cas, ne communique pas sur la proportion de HSH, pour ne pas stigmatiser une communauté », précise Alexandra Mailles, épidémiologiste à la direction des maladies infectieuses de Santé publique France (SPF). « La variole du singe n’est pas une infection sexuellement transmissible (IST) mais elle se transmet par des contacts directs des muqueuses ou avec du linge de maison souillé. Ce n’est pas le rapport sexuel qui est en cause mais le contact. » Cette transmission inédite entraîne cependant « une surreprésentation des lésions génitales et anales », signale Xavier Lescure, infectiologue au service de maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Bichat-Claude Bernard (Paris). À ce jour, il y a peu de forme grave et aucun décès enregistré.
Comment soigner les personnes infectées ?
L’évolution de la maladie est naturellement favorable, c’est pourquoi il est recommandé de traiter les symptômes et les éventuelles complications, et de ne préconiser un traitement que dans des cas spécifiques. En cas de forme grave (lésions cutanées étendues, pneumonie, encéphalite…) et chez les personnes immunodéprimées, le traitement de première intention est le técovirimat. « Il s’agit d’un antiviral qui inhibe l’une des phases terminales de la réplication du virus. Il peut être utilisé chez l’adulte et l’enfant à partir de 13 kg. Il a une autorisation de mise sur le marché (AMM) aux États-Unis et en Europe dans le cadre de la lutte contre le bioterrorisme », explique Xavier Lescure.
Bien que son efficacité n’ait pu être testée chez des personnes infectées, la puissance de sa réponse chez l’animal (infecté à des doses létales) et sa bonne tolérance chez l’homme incitent à son utilisation. Il existe néanmoins quelques limites : il ne peut être utilisé chez l’enfant de moins de 13 kg, chez la femme enceinte et il présente des interactions avec les enzymes, donc avec des traitements tels que les antidiabétiques, les anti-infectieux, les anxiolytiques…
En seconde intention, l’antibiotique brincidofovir est bien toléré mais semble avoir une efficacité moindre que l’antiviral. Enfin les immunoglobulines humaines anti-vaccine peuvent être utilisées chez les enfants en bas âge et la femme enceinte.
Et la vaccination ?
C’est ce qui vient à l’esprit lorsqu’on prononce le mot variole, le principe de la vaccination ayant vu le jour contre cette maladie grâce à Edward Jenner en 1796. On peut obtenir une immunité croisée contre la variole du singe en utilisant un vaccin contre la variole. « Les vaccins de 1e et 2e générations sont des vivants réplicatifs très puissants qui nécessitent une seule administration pour être protégé. Mais ils sont contre-indiqués chez les personnes immunodéprimées ou celles qui ont des pathologies cutanées. C’est pourquoi un vaccin de 3e génération, Imvanex, a été créé par un laboratoire allemand dans les années 1950-1960, non réplicatif, donc sans contre-indication pour les immunodéprimés, mais nécessitant deux injections à un mois d’intervalle pour obtenir la même immunité », souligne Brigitte Autran, professeure émérite d’immunologie à la faculté de médecine de Sorbonne Université et membre du Cercle de recherche en immunologie et maladies infectieuses de Paris.
Largement utilisé en Allemagne dans les années 1960 lors de grandes campagnes de vaccination antivariolique, il présente un bon profil de sécurité. « De plus, dans les années 1980 et 1990, on l’utilisait dans des essais cliniques comme vecteur dans des candidats vaccins contre le VIH, la tuberculose et le paludisme, c’est dire si l’on connaît bien sa sécurité d’utilisation. » Imvanex n’a pas démontré son efficacité contre la variole du singe sauf chez l’animal (100 %) mais les chercheurs considèrent que tous les éléments sont favorables. Utilisable en prévention, Imvanex n’est pas recommandé en population générale à ce stade en raison de la faible sévérité de la maladie, du nombre limité de cas, et surtout parce que la période d’incubation – de 5 jours à 3 semaines avec une moyenne à 14 jours – permet de le proposer aux cas contacts d’une personne infectée. « Il y a un intérêt à proposer cette vaccination post-exposition avec une première injection dans les 4 à 5 jours après le contact pour faire monter le taux d’anticorps, empêcher l’apparition de vésicules et donc la diffusion de l’infection. C’est l’indication retenue dans tous les pays exposés à cette épidémie », note Brigitte Autran.
La France a-t-elle les niveaux de stock suffisants en vaccins et traitements contre la variole du singe ?
La réponse est forcément imprécise. Car ces traitements et vaccins ont des autorisations d’utilisation accordées dans le cadre de la lutte contre le bioterrorisme. Dans ce cadre, les niveaux de stock, tout comme les lieux de stockage, sont classés secret-défense. En France, les premiers vaccins ont été injectés le 27 mai dans des établissements hospitaliers de Paris et de Bordeaux. Au 31 mai, 33 cas de variole du singe ont été signalés en France (dont 24 en Île-de-France) et moins de 10 personnes cas contacts ont reçu le vaccin car « tout le monde n’est pas éligible à ce vaccin et ceux qui sont éligibles ne l’acceptent pas systématiquement », indique Xavier Lescure.
Doit-on vacciner les cas contact qui ont reçu le vaccin antivariolique dans leur jeunesse ?
Oui, selon Brigitte Autran, car rien ne permet d’assurer le niveau de l’immunité acquise par ce vaccin administré il y a au moins 40 ans. « Comme ce vaccin est bien toléré, il y a toutes les raisons de le proposer à un cas contact, même précédemment vacciné. »
Quelles sont les séquelles possibles ?
« Au-delà des formes encéphalopathiques qui peuvent laisser des séquelles neurologiques, les principales séquelles sont des cicatrices qui peuvent être stigmatisantes », remarque Xavier Lescure. Ces cicatrices s’estompent avec le temps.
La variole du singe pourrait-elle ouvrir la voie à un retour de la variole ?
Non, il n’y a aucune inquiétude quant à une résurgence de la variole, cette maladie est éradiquée depuis 40 ans et n’a aucun réservoir chez les animaux. « La seule possibilité serait de réintroduire volontairement cette maladie, explique Brigitte Autran. D’où les précautions des États d’autoriser des traitements et vaccins dans le cadre de la lutte contre le bioterrorisme. »
* D’après un point presse organisé par l’ANRS-MIE le jeudi 2 juin.
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