Traditionnellement, le click & collect, tel que défini par l'enseigne Darty, consiste à commander des produits en ligne, à les payer, puis à les récupérer en magasin. En pharmacie, cette pratique revêt pour certains observateurs une signification différente. Selon l’analyse d’Olivier Verdure, directeur de Pharmonweb, et d'Hélène Decourteix, créatrice de La Pharmacie digitale, le click & collect en officine s’apparente plutôt à de la e-réservation. Il implique souvent la réservation en ligne de produits, principalement de parapharmacie et de médicaments OTC (non soumis à prescription médicale), suivie du paiement en pharmacie pour récupérer la commande. Cette nuance est importante car elle influe sur la législation applicable et donc, la disponibilité des produits en ligne. La réglementation impose en effet une dispensation et un règlement en officine pour les médicaments listés. Le click & collect exclut donc les médicaments de prescription.
Délégation de service
Le click & collect a connu son heure de gloire durant la pandémie de Covid-19, où l'optimisation du temps et des flux en pharmacie est devenue cruciale, notamment par souci du respect des gestes barrières. Qu'en est-il aujourd’hui ? Si l’on se base sur cette définition de la e-réservation, toute pharmacie qui dispose d’un site internet peut a priori proposer ce service. Mais l’ont-elles réellement mis en œuvre ? D’après le baromètre de la maturité digitale réalisée par Hélène Decourteix, en avril 2020, 58 % des groupements mettaient à disposition une solution de e-réservation ou de e-commerce à leurs adhérents. Mais à l’échelle des pharmacies, moins de la moitié d’entre elles déploient ce service. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette réticence. Tout d’abord, pour des questions de coûts. Une officine devra le plus souvent souscrire à une offre de son groupement par exemple, ou à un abonnement mensuel auprès d’un prestataire : Pharmonweb, Pharmanity, Kozéa, pour ne citer qu'eux, fournissent généralement des solutions clés en main.
Le click & collect a connu son heure de gloire durant la pandémie de Covid-19, où l'optimisation du temps et des flux en pharmacie est devenue cruciale
Ce sont eux qui se chargeront de l’implémentation. Ils prendront en charge l’élaboration de la plateforme, sa maintenance (mise à jour, support technique, etc.), s’assureront que le service soit responsive, c’est-à-dire, adapté à un usage sur tous les appareils, du PC à la tablette en passant par le smartphone. Pour proposer des produits en Le click & collect a connu son heure de gloire durant la pandémie de Covid-19, où l'optimisation du temps et des flux en pharmacie est devenue cruciale, ces outils doivent logiquement être alimentés par des bases de données/catalogues, régulièrement mis à jour. Des bases de données qui devront être exhaustives sur les produits, rattachées à des visuels et descriptifs, ainsi que des prix et promotions, ou encore la disponibilité des stocks. Un dernier point d’autant plus important dans un contexte de tension et de pénurie autour de certains médicaments. Les solutions sont le plus souvent alimentées par des bases de données produits régulièrement mises à jour ou interfacées avec le LGO. À ce titre, Pharmonweb, ou encore Pharminfo, déploient des systèmes interconnectés au LGO de la pharmacie, afin d’automatiser la remontée des prix, des produits et du stock de l’officine sur le site de click & collect.
Un service qui peine à décoller
De par ces nombreuses exigences techniques, ces solutions exigent d’être implémentées par des professionnels. Malgré tout, le click & collect aura une incidence sur l’organisation au sein de l'officine. Sans même parler de l’installation d’une armoire dédiée située à l’extérieur de l'officine (pour les transactions conclues sur internet, voir encadré), ce service demande de l’organisation dans la gestion et la préparation des commandes, sur la manière de prévenir la clientèle, de former les équipes, d’imaginer une signalétique, de prévoir si besoin un comptoir dédié quand cela est possible. Autant de problématiques qui posent la sempiternelle question, celle du temps que le titulaire est en mesure d’accorder à ce service ?
D’autant que disposer d’un service c’est bien, le faire connaître c’est mieux. Ce qui veut dire que le titulaire aura à charge de communiquer sur le sujet, que ce soit par le biais de l’affichage en officine, sur son site internet, via le référencement WEB sur la page Google My Business par exemple, sur lesquels les pharmaciens peuvent renseigner leurs services. À noter toutefois que la communication peut également être déléguée à des prestataires.
Disposer d’un service c’est bien, le faire connaître c’est mieux.
Mais la liste des tâches ne s’arrête pas là. Le pharmacien devra en sus, s’assurer de suivre les usages de son nouveau service afin d’en évaluer l’intérêt. Car justement, le jeu en vaut-il la chandelle ? L’intérêt du Click & Collect n’apparaît pas de manière aussi évidente, ou du moins il ne se trouve pas là où on le croit, selon les prestataires. Déjà, digitalisation oblige, ces services, par nature, ne s’adressent pas à tout le monde et seront en théorie utilisés par une clientèle connectée, ayant une appétence pour le digital. Or, selon une étude de l’Insee signée Hayet Bendekkiche et Louise Viard-Guillot, 15 % de la population française était en situation d’illectronisme (contraction d’illettrisme et d’électronique, N.D.L.R.) en 2021. De plus, la tendance s’accroît avec l’âge : selon cette même étude, l’illectronisme touche 61,9 % des 75 ans et plus, et 24,2 % des 60-74 ans. Deux tranches d’âge moins enclines à réaliser des démarches en ligne et qui, comme tout le monde, fréquentent les pharmacies.
Un outil de fidélisation
Sans délivrer de statistiques, fort de son expérience, Olivier Verdure reconnaît que le Click & Collect, dans son usage premier, n’a pas trouvé son public. Il ajoute : « Les patients n’ont pas pris l’habitude de commander sur Internet et d’aller chercher leurs produits en pharmacie. » Selon son analyse, il est plutôt utilisé comme outil de recherche pour les clients qui souhaitent s’assurer de la disponibilité d’un produit avant de se déplacer. « C’est de toute façon ce que je dis aux pharmaciens qui souhaitent potentiellement ouvrir un service de Click & Collect : « Ne vous attendez pas à avoir des dizaines de commandes par jour. En revanche, des clients se déplaceront par l’intermédiaire du Click & Collect. » Et d’ajouter : « Pour un pharmacien, c’est un moyen de développer son audience en générant plus de trafic. » Tout l’enjeu consisterait donc à fidéliser et capturer une nouvelle clientèle, en améliorant l’expérience client.
« Ce qui est différenciant pour une pharmacie et constitue le vrai outil de fidélisation, ce sont les services liés au médicament.
Hélène Decourteix de La Pharmacie digitale
D’autant que dans le cas où des patients réserveraient effectivement leur produit, la mission de conseil du pharmacien avant achat continue d’être assurée, contrairement à la vente en ligne ou au Click & Collect avec acte de transaction à distance – le titulaire se contentera bien souvent de préparer la commande et de la remettre au client, même s’il pourra toujours, en théorie, délivrer du conseil pour leurs prochaines commandes. « Au moment de la validation du panier, on réserve juste un produit, la délivrance et le paiement se font toujours au comptoir. Donc le pharmacien peut assurer son métier de conseil et peut, par exemple, émettre des suggestions si un produit réservé n’est pas le plus adapté », décrit Olivier Verdure. Ce devoir de conseil pourrait a priori être effectué dans de meilleures conditions, puisque le Click & Collect donne en théorie la possibilité de mieux anticiper, d’améliorer la gestion des flux et l’efficacité dans la délivrance, les commandes étant préparées à l’avance.
Pour autant, selon Hélène de Courteix, le jeu n’en vaut pas forcément la chandelle. « Ce qui est différenciant pour une pharmacie et constitue le vrai outil de fidélisation, ce sont les services liés au médicament. Je pense à l’ordonnance électronique et aux messageries sécurisées de santé pour les médicaments à prescription médicale obligatoire (PMO) », tranche-t-elle. Elle ajoute également que les contenus des éditeurs, comme les fiches produits et les méta-descriptions présentées sur les sites WEB des pharmacies, sont souvent dupliqués, ce qui est dommageable en matière de référencement pour les sites des pharmacies. « C’est généralement le site qui sera indexé le premier avec ses contenus les mieux référencés sur Google. Étant donné les moyens et ressources que peuvent exiger ces services pour être performants, mieux vaut s’attarder sur ce qui est vraiment différenciant pour la pharmacie ». Alors, au final, est-ce que ça vaut le coup ? Le titulaire en sera le seul juge.
Bornes de Click & Collect : vente en ligne ou e-réservation ?
Ces solutions s’apparentent à de la vente en ligne, de l’avis d’Olivier Verdure. Pourquoi ? Simplement parce que l’acte d’achat est effectué sur internet et le client vient ensuite récupérer sa commande dans une box prévue à cet effet. Dans ce cas précis cependant, la vente en ligne est assurée dans le cadre d’une prestation de Click & Collect. L’intérêt de ce type de service pour le pharmacien est encore une fois, sur le papier, la fidélisation de sa clientèle en proposant un service accommodant, et en théorie, une meilleure gestion des flux dans son officine. Mais dans cette configuration, le métier de conseil du pharmacien n’est plus assuré.
Les bornes de Click&Collect et le conseil ne sont pourtant pas incompatibles. BD Rowa, par exemple, a développé BD Rowa Pickup, une solution qui peut être connectée à un robot de pharmacie BD Rowa, et va permettre de retirer ultérieurement des produits en rupture de stock au moment où le client se rend en pharmacie. Concrètement : « Le patient vient en pharmacie, mais son produit n’est plus disponible ; il le commande auprès du pharmacien et dès qu’il sera en stock, le robot, par l’intermédiaire de l’interface BD Rowa Pickup cloud, va récupérer et préparer la commande, un QR code sera envoyé au patient pour l’avertir qu’elle est prête », décrit Dalila Boukalfa. Le patient n’aura plus qu’à se rendre à une borne dédiée, scanner son QR code et récupérer son produit, sans avoir à repasser en pharmacie. Le paiement et le conseil auront été réalisés au moment où le pharmacien a signifié au patient que le produit n’était pas disponible. « Ce type de solution facilite la gestion des promis, donne une image moderne de la pharmacie, optimise l’expérience client puisqu’il n’aura pas besoin de refaire la queue plus tard », conclut Dalila Boukalfa.
A la Une
Gel des prix sur le paracétamol pendant 2 ans : pourquoi, pour qui ?
Salon des maires
Trois axes d’action pour lutter contre les violences à l’officine
Auvergne-Rhône-Alpes
Expérimentation sur les entretiens vaccination
Excédés par les vols et la fraude à l’ordonnance
Des pharmaciens marseillais créent un groupe d’entraide sur WhatsApp