C’est un bon point pour la profession : 70 % des pharmaciens ont déjà rempli leur obligation triennale de formation en 2017 et 2018, alors que seulement 48 % des autres professionnels de santé l’ont effectué. Quant aux 30 % de pharmaciens restants, ils devront finaliser leur parcours de développement professionnel continu (DPC) avant la fin de l’année pour remplir le contrat. Rappelons en effet que, depuis 2017, les professionnels de santé ont 3 ans pour valider leur DPC. La première période s’échelonne donc de 2017 à 2019.
Pour Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, « le respect du DPC est une obligation et un devoir. Mais c’est surtout une opportunité pour nous, pharmaciens. Car l’actualisation de nos compétences et l’évaluation de nos pratiques sont les seules garantes d’une dispensation sécurisée », a-t-elle déclaré lors d’une Web conférence.
Mais en réalité, que risque un pharmacien qui n’a pas rempli son DPC ? Rappelons que « l'une des missions de l’Ordre est de veiller à la compétence des pharmaciens et l’Ordre a reçu du législateur le rôle de contrôler le respect du DPC par chaque pharmacien », évoque la présidente de l’Ordre. En pratique, un document (non prêt à ce jour) sera à remplir sur le site de l’Agence nationale du DPC et à transmettre à l’Ordre, qui pourra ainsi effectuer cette vérification. En cas de non-respect de l’obligation, c’est le plus souvent dans le cadre d’une procédure devant le Conseil de discipline de l'Ordre qu'il pourrait y avoir un impact, en pesant sur le jugement. Par ailleurs, le gouvernement a adopté le concept de re-certification pour les pharmaciens comme pour les médecins. « Le respect du DPC sera une brique pour cette re-certification », estime Michèle Lenoir-Salfati, directrice générale de l’Agence nationale du DPC (ANDPC). Mais tout reste à construire sur ce point.
Pas de thèmes imposés
S’il existe un devoir de remplir un parcours DPC sur 3 ans, en revanche aucun thème n’est obligatoire en lui-même. « On a juste à piocher ce qui nous intéresse dans le catalogue des formations validées par l’Agence nationale du DPC », précise Jean-François Batalla, pharmacien titulaire à Vern-sur-Seiche (Ille-et-Vilaine).
Néanmoins, les formations de ce répertoire ne sont pas choisies au hasard. En premier lieu, elles s’inscrivent dans les orientations nationales fixées par le gouvernement. « Pour le pharmacien, cela tourne autour de la couverture vaccinale, du circuit du médicament, de la prévention de la iatrogénie, des génériques, qui sont au cœur même de son activité », détaille Michèle Lenoir-Salfati. En second lieu, d’autres formations validées par l’Agence nationale du DPC, ont été définies en interne, par les conseils nationaux professionnels (CNP). « Pour les pharmaciens - officinaux et hospitaliers - les thèmes concernent alors la gestion des erreurs médicamenteuses, la conciliation médicamenteuse, les bilans partagés de médication et des accompagnements spécifiques sur certaines pathologies : asthme, anticoagulants oraux, addictologie, anticancéreux… », poursuit la directrice générale.
Un difficile duo
Par ailleurs, sur le papier, ce n’est pas « un » type de formation, mais « deux » que doivent réaliser les professionnels de santé pour valider leur parcours DPC. En effet, le DPC s’articule autour de trois types d’actions : la formation, l’évaluation et l’amélioration des pratiques et la gestion des risques. En théorie, il faut avoir réalisé 2 items sur 3. Mais en pratique, c’est loin d’être le cas : la majorité des professionnels de santé ne font que des actions de formation. La raison est simple : les sessions d’évaluation et d’amélioration des pratiques et de gestion des risques sont quasi inexistantes au catalogue. « Aujourd’hui l’offre DPC est à plus de 90 % de la formation pure. Ensuite, 5 à 6 % sont consacrés à l’évaluation et l’amélioration des pratiques et on trouve très peu de gestion des risques. Ce dernier item commence à apparaître dans les propositions de DPC pour les pharmaciens, mais il reste très peu représentatif de l’offre », analyse Michèle Lenoir-Salfati.
D’ailleurs, en règle générale, les organismes de formation, tout comme les pharmaciens, ignorent ce que l’on entend exactement par « évaluation et amélioration des pratiques » et « gestion des risques ». La directrice générale de l’ANDPC éclaircit ce point : « Tout le monde sait que la formation consiste à apprendre et maintenir ses connaissances. Mais il ne suffit pas d’apprendre pour que les pratiques bougent. On entre alors dans deuxième champ d’action : l’évaluation et amélioration des pratiques. Cela consiste à évaluer sa pratique (et non pas ses connaissances) en la comparant aux recommandations de bonnes pratiques (BP). » Pour ce faire, on a recours à plusieurs méthodes : des audits de pratique, des groupes d’analyse de pratiques entre pairs, etc. Troisième champ : la gestion des risques. « Elle ressemble à l’évaluation et l’amélioration des pratiques, mais de façon centrée sur la sécurité des soins », précise Michèle Lenoir-Salfati. Pour le pharmacien, il s’agira de sécuriser toute la phase de dispensation du médicament.
Une exception, la vaccination
Une formation avec un thème précis revêt toutefois un caractère obligatoire, tout du moins pour ceux qui souhaitent vacciner contre la grippe à l’officine en 2019-2020. C’est la formation au geste vaccinal, qui entre dans le champ du DPC. Pour cette année, la formation n’est pas encore accessible, car il manque des textes de loi nécessaires à sa mise en place. Mais les pharmaciens sont nombreux à l’attendre. « On ignore précisément son contenu, mais on sait que le déroulé sera allégé, avec 6 heures de formation (dont 3 heures en présentiel pour la formation à l’acte vaccinal, le reste pouvant être suivi en e-learning) au lieu de 7 heures auparavant. Malheureusement, malgré cet aménagement, tous les pharmaciens ne pourront pas être formés », regrette Alain Guilleminot, président de l’organisme de formation UTIP. « Même si seulement la moitié d’entre eux s’engagent (soit 25 000 pharmaciens environ), ils seront trop nombreux sur le territoire pour des sessions qui ne comptent pas plus de 20 participants, poursuit-il. Toutefois, plusieurs milliers de pharmaciens seront formés la première année de généralisation de la vaccination en pharmacie. »
Des formations quasi obligatoires
D’autres thèmes formations apparaissent comme obligatoires, ou presque. « Ce sont les formations qui sont liées à des obligations conventionnelles ou à des nouvelles missions », expose Alain Guilleminot. Ainsi, pour réaliser des bilans partagés de médication, des entretiens AVK ou asthme, et, l’année prochaine, pour prendre en charge le suivi des patients sous chimiothérapie orale, il est indispensable de se former. « Le pharmacien peut estimer qu’il a déjà des notions fortes de par sa formation initiale, mais il importe de se mettre à jour, soutient Alain Guilleminot. Par exemple, sur les bilans partagés de médication, nous devons renforcer nos connaissances dans la iatrogénie et les interactions médicamenteuses et, au-delà, savoir transmettre aux autres professionnels de santé une analyse de l’ordonnance qui sera experte. » Autre exemple en chimiothérapie orale : le pharmacien devra se former en permanence, car il y a sans cesse de nouvelles molécules mises à disposition des patients.
Après la quasi-obligation, certaines formations sont fortement conseillées, notamment celles qui concernent la qualité à l’officine. D’autant plus que l’Ordre s’est engagé à ce que 100 % des pharmacies soient entrées dans une démarche qualité d’ici à 2020 ! « La qualité est donc un gros sujet de formation », confirme Alain Guilleminot.
Ce qui est utile
Enfin, des formations sans être indispensables, sont utiles. Notamment, lorsqu’une pharmacie veut professionnaliser son exercice dans certains domaines : en aromathérapie, en phytothérapie… Les titulaires et l’équipe devront alors acquérir certaines compétences, notamment via la formation (sessions, diplôme universitaire…). De plus, les formations sur le maintien à domicile (MAD) ou la petite orthopédie seront toujours utiles, étant donné que les pharmaciens sont très fréquemment sollicités sur ces thèmes par la patientèle.
Enfin, les officinaux font de plus en plus souvent appel à la formation pour améliorer leur conseil sur des thèmes spécifiques : sevrage tabagique, diabète, asthme, nutrition de la personne âgée. Ces formations sont une aide précieuse pour aborder de manière experte et mener des entretiens pharmaceutiques sur ces sujets.
Quid de la prise en charge ?
Qu’elles soient DPC ou non DPC, la quasi-totalité de ces formations sont prises en charge financièrement. Les formations DPC sont financées par l’Agence nationale du DPC pour les titulaires et par Actalians pour les pharmaciens adjoints et les préparateurs. Quant aux formations non DPC, elles sont financées par les organismes de financement de la formation : le FIF-PL pour les titulaires et Actalians pour les adjoints et les préparateurs.
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